Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 247

Le mardi 10 décembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 10 décembre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Libéria et lauréate du prix Nobel de la paix. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Moodie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L’honorable Nancy J. Hartling, O.N.-B.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre chère collègue la sénatrice Nancy Hartling. Nancy et moi avons été nommées au Sénat à peu près en même temps, et ce fut un privilège de passer ces années à ses côtés.

Récemment, alors que j’écoutais son discours à l’étape de la deuxième lecture sur le projet de loi C-332, Loi modifiant le Code criminel concernant le contrôle coercitif d’un partenaire intime, j’ai été touchée par son empathie pour les victimes d’injustices et de violences, dont la plupart sont des femmes, et son dévouement à leur défense. J’ai également été touchée lorsqu’elle a mentionné qu’il s’agissait de l’un des derniers discours qu’elle prononcerait au Sénat. J’ai estimé à ce moment-là que son discours représentait parfaitement la sénatrice Hartling et ce qu’elle a défendu tout au long de sa vie.

En effet, en tant qu’ancienne travailleuse sociale, elle a toujours défendu vigoureusement les intérêts des personnes défavorisées, en particulier des familles, et a toujours préconisé ardemment la justice sociale et une société plus équitable.

C’était aussi, je crois, un beau moment de plénitude, où l’un de ses derniers discours faisait écho à son premier discours dans cette enceinte, prononcé le 6 décembre 2016. Elle était alors intervenue pour rendre hommage aux femmes victimes de la tragédie survenue à l’École Polytechnique de Montréal. Elle a prononcé un discours poignant, dénonçant ce féminicide ainsi que toute violence à l’égard des femmes. Elle nous alertait alors, dès sa première intervention, d’un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis. Du début à la fin, elle aura été la voix des femmes au Sénat.

Je tiens également à prendre le temps de remercier personnellement la sénatrice Hartling pour le travail qu’elle a accompli en parrainant le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, en 2018. Cet important projet de loi a ouvert la voie aux travaux du Sous-comité sur les ressources humaines du Sénat, qui a produit une nouvelle politique du Sénat contre le harcèlement en 2021. Si les employés du Sénat se sentent plus en sécurité au travail grâce à une politique moderne et solide sur le harcèlement qui les protège contre les mauvais traitements, ils peuvent en attribuer le mérite à la sénatrice Hartling et au soutien indéfectible qu’elle leur a apporté.

À un moment où le pays souffre de nombreux problèmes sociaux — notamment une crise du logement et une épidémie de drogue aggravée par le manque de ressources et de soutien en matière de santé mentale —, son expertise et ses conseils avisés nous manqueront.

Chère sénatrice Hartling, je sais toutefois que vous allez continuer d’être une force motrice dans ces dossiers même après votre départ du Sénat. Comme vous l’avez déjà dit en ces murs, lorsqu’on a été travailleuse sociale, on le demeure pour la vie.

Sénatrice Hartling, en mon nom et au nom de tous vos collègues et amis du Groupe des sénateurs indépendants, je vous souhaite ce qu’il y a de mieux pour vous et votre famille. Vous êtes décontractée, calme et respectueuse. Sachez que vous n’avez que des amis au Sénat.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au nom du bureau du représentant du gouvernement pour rendre hommage à notre collègue Nancy Hartling, qui part à la retraite.

Comme vous le savez, la sénatrice Hartling est une ardente défenseure de la cause des femmes et des familles. Elle a notamment fondé l’organisme à but non lucratif Support to Single Parents Inc., dont elle a été la directrice générale pendant 34 ans. La sénatrice Hartling est aussi une membre fondatrice de St. James Court Inc., un complexe résidentiel abordable destiné aux parents célibataires, et elle a coprésidé le Groupe de travail de la ministre provinciale sur la violence faite aux femmes.

Il n’a pas été surprenant que, peu après sa nomination au Sénat, la sénatrice Hartling ait continué de défendre les dossiers qui lui sont chers en faisant de la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes le sujet de sa première intervention au Sénat, comme l’a indiqué la sénatrice Saint-Germain, et en demandant à tous les sénateurs — et plus particulièrement à nous, les hommes — de s’unir afin d’être source de changement et de mettre fin à la violence contre les femmes.

Comme la sénatrice Saint-Germain l’a également indiqué, la sénatrice Hartling a poursuivi ses efforts visant à faire du Nouveau-Brunswick et du Canada des endroits meilleurs en marrainant le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, qui a modifié le Code canadien du travail afin de renforcer le régime actuel pour prévenir le harcèlement et la violence dans les milieux de travail, notamment le harcèlement et la violence de nature sexuelle. Cette mesure législative a eu une incidence sur de très nombreux Canadiens et elle a contribué à rendre les milieux de travail plus sûrs.

(1410)

Sénatrice Hartling, tout ce que vous avez fait a été une source d’inspiration pour les sénateurs et pour bien d’autres gens. Nous avons été nommés au Sénat à peu près en même temps, à l’automne 2016, et nous nous sommes joints peu de temps après au Groupe des sénateurs indépendants.

J’ai toujours beaucoup aimé et admiré votre ouverture, votre discernement, votre humanité et la volonté qui vous anime de travailler dans la collaboration, à partir de consensus. Dans chaque dossier, vous vous êtes toujours intéressée à tous les points de vue; c’est ce qui ressort de la période où vous avez été sénatrice, et ce à quoi nous devrions tous aspirer.

J’aimerais revenir brièvement, comme l’a fait la sénatrice Saint-Germain, à votre tout premier discours au Sénat. Vous avez alors dit :

Lors de ma première journée au Sénat, le 15 novembre, la tour de la Paix était illuminée en mauve. Aujourd’hui, le drapeau est en berne afin de nous rappeler que la violence doit être éradiquée. Je sens que le Sénat est un lieu d’espoir.

Sénatrice Hartling, en vous employant toujours à améliorer le sort des femmes, des familles, des Néo-Brunswickois et de l’ensemble des Canadiens, vous avez assurément fait de cette enceinte un lieu d’espoir.

Encore une fois, au nom du Bureau du représentant du gouvernement au Sénat, je vous remercie de tout ce que vous avez fait et je vous souhaite une très heureuse retraite.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour rendre hommage à notre collègue la sénatrice Nancy Hartling, qui prendra officiellement sa retraite du Sénat du Canada le 1er février 2025.

Avant de faire carrière au Sénat, la sénatrice Hartling s’est intéressée à de nombreux enjeux cruciaux, dont les problèmes socioéconomiques des familles, l’égalité des genres, la santé mentale, le diabète juvénile et j’en passe.

Nommée au Sénat en 2016, la sénatrice Hartling a fait partie de divers comités, dont le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Elle a aussi siégé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, où nous étions souvent assises côte à côte. C’est ainsi que nous avons pu faire connaissance, en discutant avant le début des réunions ou entre deux groupes de témoins. Je retiens de nos conversations qu’elle est plus qu’impatiente de pouvoir passer plus de temps avec sa famille adorée. J’attends encore que vous me révéliez le secret de votre incroyable jeunesse.

Que ce soit au Sénat ou ailleurs, la sénatrice Hartling a servi le Nouveau-Brunswick avec fierté et elle n’a jamais cessé de défendre ceux qui n’ont pas de voix pour se faire entendre.

Sénatrice Hartling, merci de vous être dévouée de la sorte pour les Canadiens et pour le Nouveau-Brunswick. Je remercie également les proches de la sénatrice de tout l’amour et le soutien qu’ils lui ont prodigués pendant qu’elle était ici.

Au nom du caucus conservateur, veuillez accepter mes meilleurs vœux de bonheur pour ce nouveau chapitre de votre vie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je me joins à mes collègues pour souligner le départ de la sénatrice Hartling du Sénat après huit ans de service à la Chambre haute.

Quand nous rendons hommage à nos collègues qui nous quittent, nous soulignons souvent les grandes choses qu’ils ont réalisées au cours de leur carrière, comme les postes importants qu’ils ont occupés, les récompenses notables qu’ils ont reçues et les mesures législatives importantes qu’ils ont présentées. La sénatrice Hartling a accumulé beaucoup de ces choses tout au long de sa carrière et au Sénat. Mes collègues leaders en ont énuméré un certain nombre. J’ai envie de procéder différemment.

L’Association canadienne des travailleurs sociaux compte six valeurs fondamentales. Je tiens à en souligner deux en rapport avec la sénatrice Hartling. L’association dit que les valeurs des travailleurs sociaux canadiens comprennent le respect de la dignité et de la valeur intrinsèques des personnes et le service à l’humanité. La sénatrice a incarné parfaitement ces valeurs au cours de son mandat au Sénat. Elle a souvent plaidé contre la violence faite aux femmes et pour l’équité sociale dans ses nombreuses interventions au Sénat et au sein des comités. Ces interventions démontrent clairement son adhésion à ces valeurs fondamentales.

Sur les 62 discours qu’elle a prononcés au Sénat, 41 étaient des déclarations de sénateurs qui portaient sur des sujets qui touchent les Canadiens au quotidien, comme la sensibilisation au diabète, la violence entre partenaires intimes et le racisme. Toutefois, les changements sociétaux ne s’opèrent pas du jour au lendemain ni avec des gestes grandioses. J’espère que la sénatrice Hartling conviendra, comme moi, que le véritable changement ne peut s’opérer que grâce à de petits gestes et à de petites actions que l’on pose fréquemment.

Le philosophe chinois Lao Tseu disait que le sage, sans jamais faire de grandes actions, accomplit de grandes choses. J’aimerais attirer votre attention sur quelques-uns des petits gestes de la sénatrice Hartling qui ont laissé et qui continueront de laisser leur marque sur notre pays.

Elle a marqué l’esprit des enfants de la classe de cinquième année de M. Kieller, de l’école élémentaire Columbia Park, en Colombie-Britannique, à qui elle était allée parler du Sénat et de la vie parlementaire. Elle a su nous inspirer avec l’histoire remarquable de Rebecca Schofield, cette jeune femme de Moncton qui, tout en luttant contre le cancer, a lancé le phénomène #BeccaToldMeTo sur les réseaux sociaux, qui encourage les gens à faire de bonnes actions.

La sénatrice Hartling nous a parlé de l’ouverture d’une nouvelle maison de soins palliatifs à Moncton, la maison Albert, et nous a expliqué pourquoi, les soins palliatifs étant très exigeants pour les hôpitaux, ce genre d’établissement constitue une bien meilleure solution. Pendant la pandémie, elle s’est démenée pour faire connaître les initiatives de soutien aux travailleurs de la santé et aux employés d’épicerie et elle a pris d’assaut Twitter pour demander à ses concitoyens de « rester chez eux, que diable » lors de la Journée mondiale de la santé de 2020.

Enfin, j’ai souvent vu la sénatrice Hartling tendre la main aux témoins du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour les aider à mieux expliquer leur position ou affiner leurs arguments. C’est le genre de chose qu’elle faisait très souvent, pour le plus grand intérêt des personnes concernées, et du comité. Elle savait de plus exercer ce talent exceptionnel avec respect et bienveillance. Elle aidait les témoins à exprimer ce qu’ils voulaient dire afin d’amplifier leur influence sur les travaux du comité.

Ces petits gestes mènent, et ont mené à de grandes choses. Ce sont aussi les marques d’une excellente travailleuse sociale et d’une sénatrice hors pair.

Sénatrice Hartling, au nom de tous vos collègues et amis du Groupe des sénateurs canadiens, je vous souhaite une retraite heureuse et le meilleur pour vos aventures à venir.

Des voix : Bravo!

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, c’est un grand privilège de prendre la parole aujourd’hui, en cette Journée des droits de l’homme, pour rendre hommage à la sénatrice Hartling au nom du Groupe des sénateurs progressistes.

Comme d’autres l’ont déjà dit, la sénatrice Hartling a été nommée au Sénat en novembre 2016 à titre de sénatrice indépendante du Nouveau-Brunswick, après une carrière extraordinaire passée à lutter contre des problèmes sociaux et à outiller les familles.

Son travail a toujours reposé sur la justice économique et sociale et les droits de la personne. La sénatrice Hartling est membre de l’Ordre du Nouveau-Brunswick et on lui a décerné le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » pour son engagement communautaire. Sa carrière, qu’elle a consacrée à la défense des droits des femmes et des enfants, s’est poursuivie ici même, au Sénat. Mes collègues en ont d’ailleurs parlé avec beaucoup d’éloquence.

En plus de tout ce qu’elle a fait au Sénat et au sein des comités, elle a notamment été coprésidente du caucus multipartite sur le diabète juvénile et du Groupe interparlementaire Canada-Cuba.

Le temps que la sénatrice Hartling et moi avons passé à intéresser la Colline du Parlement au travail social est un moment fort de mon travail de sénatrice. Sénatrice Hartling, je vous remercie de votre gentillesse, de votre humanité, de votre amitié, de votre solidarité et de votre engagement profond à l’égard des droits de la personne. J’ai beaucoup appris à vous voir mettre en pratique votre leadership.

J’ai beaucoup réfléchi au grand privilège qui m’est donné de faire ce discours et j’estime qu’il n’y a pas de meilleure façon de le terminer qu’en citant ce que vous avez dit du leadership.

(1420)

Voici une citation de la sénatrice Hartling :

Un leadership audacieux est synonyme de justice sociale et économique, particulièrement pour les filles et les femmes. Je crois que la collaboration, l’établissement de partenariats et le fait de donner du pouvoir aux autres créeront une société plus inclusive et permettront d’améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens.

Sénatrice Hartling, je vous remercie des années que vous avez consacrées à améliorer le sort de l’ensemble des Canadiens.

Je tiens aussi à remercier Don, votre famille et vos amis de vous avoir partagée avec nous. Vous allez me manquer énormément, et c’est peu dire. Les regards, les signes de tête et les messages que vous communiquiez sans paroles, lorsque les mots étaient inutiles, me manqueront tout particulièrement. Merci pour tout cela, et je vous souhaite tout le bonheur possible alors que vous amorcez un nouveau chapitre de votre vie.

Asante. Je vous remercie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Donald Kennedy, l’époux de l’honorable sénatrice Hartling, de Melissa et Marc Leblanc, ses enfants, d’Anouk Julian, sa petite-fille, et de Melanie Phillips et Kathy Baragar, ses sœurs. Ils sont accompagnés du révérend Shawn Redden, d’Anthony Lamoureux, membre du personnel de la sénatrice, ainsi que de leurs conjoints et de membres de la famille.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Nancy J. Hartling, O.N.-B.

Remerciements

L’honorable Nancy J. Hartling : Eh bien, bonjour à tous. C’est comme assister à ses propres funérailles, sauf qu’on est là pour tout entendre et qu’on est encore en vie.

C’est vraiment un plaisir pour moi d’être ici aujourd’hui. C’est difficile. Ratna nous disait qu’il fallait se préparer à affronter cette journée-là, mais je crois qu’on n’est jamais prêt. C’est une toute nouvelle expérience. Je remercie d’ailleurs les leaders des groupes parlementaires de leurs bons mots.

Raymonde, si je peux me permettre, je me rappelle quand vous êtes arrivée ici, vous étiez une véritable boule d’énergie. Elle a pris le relais, une fois le projet de loi adopté, et elle a fait le nécessaire pour que nos politiques sur le harcèlement au travail soient mises à jour. Je lui en suis profondément reconnaissante.

Marc, vos conseils juridiques et constitutionnels, vos enseignements, votre présence empreinte de calme... Vous prenez votre retraite l’année prochaine, non? Je vous vois avec votre guitare. Je suis sûr que vous allez jouer Raise a Little Hell pour faire sortir tout le méchant. Merci de tout ce que vous faites pour nous.

Yonah, j’ai été très contente d’être assise à vos côtés, parce que vous venez de la Colombie-Britannique et qu’une partie de ma famille vient de là aussi. Je me sens souvent proche de vous parce que vous habitez près de l’endroit où vivent mes enfants. Nos conversations étaient aussi charmantes qu’agréables. C’était toujours plaisant de discuter avec vous, et je vous en remercie.

Scott et moi nous croisons à l’hôtel maintenant que j’y demeure. Il est toujours souriant et plein d’énergie. Je vous remercie sincèrement pour l’intérêt que vous portez aux travaux du Comité des peuples autochtones, pour les questions que vous posez ainsi que pour le plus récent projet de loi que vous avez présenté. Vous avez réellement à cœur cette cause et j’estime que c’est très important, car nous avons besoin d’alliés non autochtones. Je vous en suis reconnaissante et je vous remercie de vos bonnes paroles.

Wanda, chère Wanda, je crois que nous sommes sœurs, d’une certaine manière. Nous avons beaucoup de choses en commun. Nous avons une merveilleuse relation et elle ne se terminera pas ici. Je vous remercie du travail que vous faites à l’égard de dossiers qui revêtent une grande importance pour moi aussi. Je sais que nous demeurerons dorénavant connectées par notre cœur et notre esprit. Cela me réjouit.

Je vous remercie tous de vos paroles bienveillantes. J’espère que je n’oublie personne. Il peut être décontenançant d’être ainsi mis sur la sellette.

Quoi qu’il en soit, j’ai préparé quelques notes pour vous exprimer mes pensées. Elles portent surtout sur mon parcours et mon expérience au Sénat, donc même si les personnes ici présentes — ma famille — ne sont pas sénateurs, je veux qu’elles sachent ce que leur mère a vécu et ce qu’elle a accompli.

Honorables sénateurs, merci pour vos bonnes paroles ainsi que pour les bons souvenirs que vous me laissez de mes années au Sénat. J’aimerais faire part de quelques souvenirs que j’en garde. Ce fut un grand honneur de représenter le Nouveau-Brunswick, ma province, ainsi que le Canada avec vous tous.

[Français]

Merci pour vos gentils mots. Je vais partager avec vous quelques souvenirs de cette période.

[Traduction]

Lorsque je suis arrivée à Ottawa il y a un peu plus de huit ans, c’était excitant, mais terrifiant. J’ai dit que j’avais été « terrixcitée » parce que j’ai été très honorée lorsque j’ai reçu cet appel du premier ministre. Je me suis dit : « Oh, mon Dieu. » J’ai dit au premier ministre : « J’ai rencontré votre mère. J’ai hâte de vous rencontrer. » Ce fut un choc de recevoir cet appel et un honneur de venir ici.

Je me suis rendue à Ottawa et, le 15 novembre, j’ai été assermentée en compagnie de cinq collègues uniques : la sénatrice Boniface, la sénatrice Bovey, le sénateur Cormier, la sénatrice Pate et le sénateur Woo. Comme vous le savez tous, lorsqu’on est assermenté avec d’autres personnes, il y a un lien unique qui se crée parce que ces personnes sont arrivées en même temps que nous et que tout est nouveau. Nous avons eu une belle aventure, n’est-ce pas, mes amis? Oui.

Nous n’étions que le deuxième groupe à être nommé. Nous étions novices, il y avait beaucoup d’éléments à assimiler, et nous essayions de tout comprendre ensemble. Nous étions dans l’autre édifice, qui est si imprégné d’histoire. Imaginez si ces murs pouvaient parler et raconter tout ce qui s’y est passé.

Ensuite, les rénovations ont commencé, alors nous avons emménagé ici pour les quatre années suivantes, ce qui fut très intéressant. Dans un monde déjà changeant, la pandémie a frappé. Nous nous demandions alors comment nous pourrions continuer à faire notre travail. Nous avons appris à travailler à distance, et même à voter au moyen de petits cartons à partir de chez nous. Je retiens de belles choses de cette expérience, mais j’étais quand même ravie de recommencer à côtoyer mes collègues après la pandémie.

Les sénateurs doivent trouver un endroit où habiter pendant qu’ils sont ici, alors j’ai choisi d’avoir un appartement. C’était extraordinaire, parce que c’est souvent synonyme de confort, un appartement. Maintenant, je descends à l’hôtel. C’est bien aussi. Pas besoin de faire son lit ni de nettoyer, ce qui est bien. J’ai choisi un hôtel très intéressant, le Château Laurier. Ce qui fait tout son intérêt, c’est le tunnel qui s’enfonce sous terre et qui nous évite de nous mouiller quand il pleut. J’aime bien passer par ce tunnel.

J’ai appris une anecdote au sujet du Château Laurier, mais j’imagine que vous la connaissez presque tous. Je vous la raconte quand même : on a demandé au président de la Grand Trunk Railway, Charles Melville Hays, de superviser la construction du bâtiment. Hélas, je ne sais pas si vous le savez, mais il est mort à bord du Titanic. Je ne sais pas ce que cela nous apprend au sujet de l’hôtel, mais le pauvre, il n’a jamais pu voir son œuvre, et l’ouverture officielle a dû se faire sans lui. C’est quelque chose, non?

Le Château Laurier a accueilli bien des gens, et si vous n’avez rien de mieux à faire, vous pouvez approfondir son histoire. R. B. Bennett, qui était originaire du Nouveau-Brunswick, y a vécu pendant cinq ans alors qu’il était premier ministre. C’est quand même intéressant. C’est une raison suffisante pour se rendre sur place, en tout cas. Je suis contente d’avoir pu y séjourner entre le temps passé en appartement et ma vie chez moi.

Les premiers temps, lorsque je suis arrivée ici, je croyais avoir déménagé dans un autre pays. Je me disais : « Bon sang, une autre culture, une autre façon de parler, de nouvelles façons de fonctionner. » C’était très dépaysant. J’avais même du mal à trouver les toilettes. Heureusement, j’avais remarqué un tableau représentant l’ancienne présidente du Sénat Muriel McQueen Fergusson près des toilettes des dames. Elle a toujours été mon modèle au Nouveau-Brunswick. Je faisais alors un pas en arrière et je disais : « Muriel, j’ai besoin de votre aide. Tout est tellement nouveau et différent. »

Lorsque de nouvelles personnes arrivaient, je m’empressais de leur dire deux choses : où sont les toilettes et où on peut casser la croûte. Nous avons l’estomac creux après un certain temps passé ici, n’est-ce pas? On mange beaucoup de biscuits ici. Selon moi, il faut informer nos collègues de nos petits trucs réconfortants.

Nous avons eu beaucoup de chance en arrivant, car Heather Lank était l’ancienne greffière principale du Sénat. Je ne sais pas si vous vous souvenez d’elle, mais elle vient de prendre sa retraite. Tous les mercredis, nous avions du tutorat avec elle après la séance, et elle nous expliquait certaines règles et procédures, mais la question la plus demandée était : « Pourquoi la Présidente dit-elle toujours “reporté”? » Je pense que c’est une question que beaucoup de gens se posent, n’est-ce pas? Elle était formidable. Nous étions assis ici le mercredi et elle répondait à toutes nos questions. Elle nous aidait à comprendre certaines choses. J’ai vraiment aimé cela.

Je tiens à remercier toutes les personnes dont le dévouement permet au Sénat de fonctionner au mieux. Il y a tellement de gens qui mettent l’épaule à la roue. Je tiens à remercier la Présidente Gagné. Je sais qu’il s’agit d’un nouveau poste pour vous, mais vous vous en sortez avec brio et je suis très fière de vous. Vous êtes arrivée juste un peu avant nous.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.

En outre, la sénatrice Ringuette est extraordinaire en tant que Présidente intérimaire. Elle a une mémoire institutionnelle, et nous aspirons tous à savoir ce qu’elle sait. Elle nous aide. Quand nous ne connaissons pas une règle ou autre chose, elle nous aide. En plus, elle chante aussi bien qu’Edith Piaf. Je ne sais pas si vous saviez cela à son sujet. Elle a une voix incroyable. Tout le monde a d’autres talents qui n’ont rien à voir avec ce que nous faisons ici.

(1430)

Je tiens à remercier tout particulièrement Greg Peters, l’huissier du bâton noir. Vous m’avez tellement simplifié la vie lorsque j’ai eu des invités. Vous les avez toujours bien accueillis et avez pris des photos avec eux. Vous êtes si courtois, et je vous en suis reconnaissante. Je ne pense pas que vous ayez manqué une seule journée, n’est-ce pas? Une journée, peut-être, pour les funérailles de la reine. Il est ici tous les jours à accomplir des tâches en coulisse pour tout ce qui se déroule. Les enfants et les autres invités vous adorent en raison de vos histoires incroyables sur les chevaux de la reine. Je me souviens que vous avez montré votre épée à mon petit-fils Max lorsqu’il est venu. Il a adoré cela. Vous avez fait en sorte que cela soit amusant pour eux. Je vous suis reconnaissante de tout ce que vous et votre équipe faites.

Je remercie les leaders des différents groupes au Sénat. Vous avez tous pris la parole dans chaque groupe. En ce qui concerne l’engagement des leaders, je pense que les gens ne se rendent pas compte de tout ce que vous faites en coulisse. Nous tirons notre inspiration des leaders de chaque groupe au Sénat et nous avons besoin d’eux. Nous vous remercions de votre engagement. Je vous en remercie personnellement. C’est tellement important.

Je tiens à remercier l’équipe à la table de Shaila Anwar, le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre, les interprètes et les pages. Vous êtes formidables. Pensez à ce que vous apprenez ici en nous aidant à faire notre travail. Je vous en suis reconnaissante. Je vous remercie.

Ensuite, bien sûr, les agents du Service de protection parlementaire sont extraordinaires. Si je suis à l’extérieur et que quelqu’un s’approche de moi, ils sont à mes côtés pour s’assurer que tout va bien. Il ne faut pas que nous les tenions pour acquis. On sait ce qui s’est passé ici il y a quelques années. Nous sommes en sécurité au Sénat, et je leur en suis reconnaissante.

Il y a tant de gens qui nous aident. Des employés de la cafétéria au personnel de nettoyage en passant par les chauffeurs d’autobus, je ne peux pas les nommer tous, mais la grande famille du Sénat compte des centaines de personnes qui nous aident tous les jours. Elles ont toujours un sourire à nous adresser. C’est tellement aimable de leur part. Je les en remercie.

Honorables sénateurs, nos ressemblances sont plus grandes que nos différences. Permettez-moi de m’expliquer, car cette affirmation peut sembler vague. Je pense que nous nous ressemblons en ce sens que nous représentons nos régions et notre pays dans le but d’améliorer la vie de tous. Nous étudions les projets de loi, siégeons dans des comités et participons à de nombreuses activités ici à Ottawa et dans notre coin de pays. Nous voulons améliorer le Canada, le pays que nous aimons tous. Nous sommes fiers d’être Canadiens. Là-dessus, nous nous rejoignons, même si nous ne sommes pas toujours au diapason dans nos réflexions et nos actions. Quand nous ne sommes pas d’accord, nous débattons et nous organisons des élections, mais notre point commun, c’est l’amour de notre pays. Nous en sommes fiers.

Je souhaite vous parler d’un texte législatif dont je suis très fière. Je ne sais pas qui était présent ce soir-là, mais je sais que la sénatrice Petitclerc se souviendra des discussions à propos de l’Ô Canada. C’est l’une des choses les plus excitantes et les plus dignes de fierté qui se soient produites au Sénat, selon moi. J’avais réagi avec un « wow ». Il était question de modifier le texte anglais de l’Ô Canada pour dire « all of us ». Pendant plus de 10 ans, les efforts en ce sens n’ont pas abouti — je crois que l’homme qui avait présenté le projet de loi est mort avant son adoption. Je me souviens très bien de la soirée du vote. C’était très excitant de voir cette mesure adoptée après tant d’années d’efforts. Je repense toujours à cette soirée lorsque j’entends cette chanson maintenant. Les petits changements, comme ceux évoqués par le sénateur Tannas, ont des effets. Nous pensons parfois que ce n’est pas le cas, mais oui, ils ont des effets. Ce projet de loi était très inclusif.

Nous avons aussi travaillé sur d’autres mesures législatives qui avaient un objectif d’inclusivité, par exemple les projets de loi portant sur l’aide médicale à mourir, les soins dentaires et l’assurance-médicaments. Ce sont là des choses positives que nous avons accomplies. Je ne citerai pas tous les projets de loi, car il y en aurait des milliers, mais j’ai beaucoup appris.

Puisqu’il est question d’« all of us », je souligne que nous avons tous des proches qui partagent nos vies, nos joies et nos difficultés, qu’il s’agit de membres de la famille ou d’amis. Depuis que je suis ici, nous avons perdu des collègues très chers, ce qui a été très triste, ainsi que des amis et des membres de notre propre famille. La perte et le deuil sont difficiles à vivre sur le plan personnel et professionnel. Ils nous obligent à nous arrêter et à réfléchir à nos vies et à nos relations.

Comme vous le savez, notre famille sénatoriale nous est chère, surtout lorsque nous tenons de longues séances. Nous pouvons partager un rire, une larme, une accolade ou un verre — peut-être un ou deux, peut-être aucun. Beaucoup de liens importants se tissent dans cette enceinte alors que nous débattons de textes législatifs et de décisions difficiles qui ont une incidence au pays et à l’étranger.

Et nous savons tous ce que les jeudis soirs impliquent. Que se passera-t-il jeudi soir? Allons-nous devoir changer de vol? Allons-nous siéger tard? La météo va-t-elle coopérer? Nous rendrons-nous à la maison sans qu’il y ait d’annulation ou de pépin mécanique? Les plans du jeudi soir se font dans un tourbillon. Je me souviendrai toujours des jeudis soirs.

Beaucoup d’entre nous sont des amis ici, et nous avons passé du temps ensemble et partagé diverses expériences, prenant parfois le temps d’apprendre à nous connaître les uns les autres, peut-être à propos de nos vies antérieures, de nos voyages, de nos animaux de compagnie et de nos familles, ou peut-être de nos espoirs et de nos rêves. J’ai beaucoup de chance d’avoir partagé une amitié incroyable avec la sénatrice Gwen Boniface au cours des huit dernières années. Je ne vais pas pleurer, Gwen. Merci, chère Gwen. Vous m’avez aidé à traverser ces huit années.

Nos familles et nos amis nous attendent toujours à la maison pour nous épauler dans ce voyage, et cela nous réconforte, même si nous ne sommes là que pendant une fin de semaine ou une relâche. Cela nous rend la vie plus agréable de savoir que quelqu’un nous attend, même s’il ne s’agit que de notre chien. Ils sont là, eux aussi. Nous pouvons les caresser ou nous blottir contre eux. Cela nous réconforte.

Si quelqu’un vous le demande, voici les qualités qui, à mon avis, sont indispensables pour devenir sénateur : il faut être flexible, souple et créatif. Il faut savoir travailler en équipe, savoir résoudre des problèmes et, surtout, avoir le sens de l’humour. Cela aide beaucoup. J’ai apprécié les nombreuses personnes qui composent cette assemblée, leur singularité — même leurs petites manies — et leurs connaissances sur un grand nombre de sujets. La diversité de notre Sénat, qui représente l’ensemble de notre pays, nous a permis, je crois, de mieux comprendre les Canadiens et leurs origines et expériences uniques. Nombre de nos débats sont importants; ils sont diversifiés et ils portent sur des expériences très variées sur un grand nombre de sujets pertinents.

Aujourd’hui, de nombreux membres de ma famille sont venus ici de partout au Canada, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique. C’est formidable d’avoir l’occasion d’échanger avec vous; pour des raisons pratiques, nous n’avons pas toujours l’occasion d’être réunis. Je vous remercie d’avoir fait le voyage jusqu’ici.

À mon mari, Don, merci de ton amour et de ton soutien pendant toutes ces années. Tu me prépares toujours mes oranges et mon lait. C’est tellement réconfortant. Merci à mon fils, Mark, à sa femme, Jodie, à ma fille, Melissa, et à ma petite-fille Anouk de leur présence. Cela me touche beaucoup. Je vous aime plus fort que tout.

Je remercie mes chères sœurs, Melanie et Cathy, le mari de Cathy, Scott, et notre cher frère, Jim, qui était présent lorsque j’ai prêté serment et qui est malheureusement décédé trop jeune, en 2020. Cependant, ton esprit est avec nous, Jim, et nous ne t’oublierons jamais. Merci également à notre ami Sean d’avoir souligné les chapitres de ma vie. L’amour — être aimé — est essentiel. Merci.

J’adresse un mot de remerciement spécial à Anthony Lamoureux. Il m’accompagne depuis huit ans en tant qu’employé, ami et membre de ma famille. Nous avons évolué ensemble. Nous lisons presque dans les pensées l’un de l’autre. Bienvenue à sa compagne, Alicia, et à sa charmante fille, Freya. Anthony, notre relation professionnelle prend fin ici, mais notre lien n’est pas rompu. Il se maintiendra en esprit. Cependant, comme vous le savez, quand les sénateurs partent, leur personnel n’a plus d’emploi. Je dis simplement que je peux donner des références sur demande.

Mon expérience ici a changé ma vie et m’a fait grandir. Les comités dont j’ai fait partie ont été à la fois intenses et intéressants. Le Comité des droits de l’homme et le Comité des peuples autochtones ont toujours été très importants pour moi.

Je me suis efforcée de trouver un moyen de rester en contact avec ma collectivité et ma province dans le cadre de mon travail au Sénat. J’ai donc commencé à produire un bulletin d’information mensuel intitulé Nouvelles de la Chambre rouge, qui présente les projets de loi que nous étudions, nos comités, les événements, les nominations de sénateurs et les départs à la retraite. Il contient des renseignements intéressants sur le Sénat et sur la collectivité et il est bien accueilli. Je pense qu’il a permis de faire connaître notre travail aux gens. C’est quelque chose que je voulais faire. Quand on est nommé au Sénat, certaines personnes se disent parfois : « Que lui est-il arrivé? S’est-elle égarée dans un dédale quelque part? » Non. Je suis ici et je travaille pour vous. Il est important de veiller à ce que la communication se fasse dans les deux sens. Je remercie Brian Cormier de Bricor Communications à Moncton pour son travail remarquable.

Je tiens à rendre hommage au regretté Murray Sinclair, qui est décédé le 4 novembre 2024. La sénatrice Petitclerc lui a rendu un bel hommage la semaine dernière. Je l’en remercie. Murray a été la première personne à m’appeler quand la nouvelle de ma nomination a été annoncée. Je lui en suis reconnaissante. Je lui suis également reconnaissante de l’œuvre de sa vie et en particulier de son travail sur la vérité et la réconciliation en tant que commissaire. Je pense qu’il a changé le parcours du Canada et, je l’espère, qu’il nous a rendus responsables des mauvais traitements très graves qui ont été infligés aux Autochtones dans les pensionnats de tout le pays. Les effets des pensionnats autochtones ont profondément marqué de nombreuses générations, et nous devons continuer à œuvrer en faveur de la réconciliation, et non pas nous contenter de belles paroles.

C’était un gentil géant, un professeur, une figure de proue et l’une des personnes les plus influentes du siècle présent. Je serai éternellement reconnaissante de l’avoir connu. Pendant le congé de Noël, je prévois poursuivre la lecture de son livre, Who We Are: Four Questions For A Life And A Nation. Je peux entendre sa voix douce dans ma tête alors qu’il aborde ces questions avec assurance. C’est merveilleux d’avoir pu compter sur la présence de Murray Sinclair au Sénat.

(1440)

Honorons sa mémoire au moyen des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

J’ajouterai une dernière chose à propos de Murray Sinclair : il avait un grand sens de l’humour, comme vous vous en souviendrez. Un jour, il m’a raconté qu’on avait demandé à sa petite-fille à l’école ce que faisait son grand-père à titre de sénateur. Avec le même sens de l’humour que son grand-père, elle a répondu qu’il « Sénatisait » des choses. Je me souviens clairement de ce moment. Il savait nous faire rire. Il savait nous faire pleurer. C’était un homme formidable. Je ne l’oublierai jamais.

Aujourd’hui, comme la sénatrice Bernard l’a dit, nous célébrons la Journée internationale des droits de l’homme, qui est très importante en cette période tumultueuse. Je suis fière que l’auteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, John Peters Humphrey, soit originaire de Hampton, au Nouveau-Brunswick; il y a passé son enfance. La déclaration qu’il a rédigée a été adoptée par les Nations unies en 1948.

Dans sa jeunesse, John Peters Humphrey a connu l’adversité : il a notamment perdu ses deux parents, et un de ses bras a dû être amputé. Il a été victime d’intimidation à l’école, et je pense que c’est ainsi qu’il a appris ce qui pouvait être fait pour changer les droits de la personne. Il a quitté Hampton pour faire ses études universitaires. Puis, en 1946, il est devenu le premier directeur de la Division des droits de l’homme du Secrétariat des Nations unies. Il a rédigé la version préliminaire de la déclaration qui a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1948.

De toute évidence, c’est un document qui change des vies et qui continue d’évoluer en fonction des enjeux nationaux et mondiaux auxquels nous devons faire face en matière de droits de la personne. Ce document a été traduit dans des centaines de langues, et c’est probablement le document juridique international le plus cité.

Continuons de promouvoir les droits de la personne dans le monde entier. Je suis honorée de pouvoir rendre hommage à ces personnes en cette journée spéciale qui me tient particulièrement à cœur.

En terminant, j’aimerais parler de Leonard Cohen. Je crois qu’il a été l’un des poètes, auteurs-compositeurs et interprètes canadiens les plus importants de notre époque. Sa voix et ses paroles uniques ont conquis le cœur et capté l’attention de bien des gens. Fait intéressant, lors de ma première journée de séance, le 15 novembre 2016, certains sénateurs lui ont rendu hommage — je crois qu’il s’agissait du sénateur Housakos et de la sénatrice Petitclerc — parce qu’il était décédé récemment. Je me souviens de l’avoir vu sur scène à Moncton quelques années auparavant. Il a donné une excellente prestation avec une énergie et une agilité extraordinaires, compte tenu de son âge.

C’est avec sa musique que j’ai découvert les difficultés qu’il a vécues au cours de vie. Il a exploré des thèmes universels comme l’amour, la religion, le pouvoir et la mort. Il n’a jamais cessé de faire preuve de créativité dans les moments les plus difficiles. Il nous a encouragés à ne pas abandonner et à trouver notre voie. Il me semble donc pertinent de citer les paroles de l’un de ses chefs-d’œuvre, intitulé Anthem, alors que je m’apprête à quitter cette enceinte :

Sonnez les cloches qui peuvent encore résonner

L’offrande parfaite, vous pouvez l’oublier

Il y a dans toute chose quelque chose de fêlé

C’est ce qui fait que la lumière peut entrer

Mes chers amis, même en cette période où la vie et le monde peuvent sembler sombres et difficiles, avec leurs défauts et leurs embûches, essayez de trouver à travers les fêlures la lumière qui aidera les générations futures et toute l’humanité à s’épanouir.

Joyeuses Fêtes! Que la paix soit toujours avec vous. Au revoir. Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Hommages à l’occasion de son départ à la retraite

L’honorable Joan Kingston : Honorables sénateurs, je veux rendre hommage aujourd’hui à une personne qui est une source d’inspiration pour moi depuis les années 1990 : ma marraine au Sénat, mon amie et ma concitoyenne néo-brunswickoise Nancy Hartling.

La sénatrice Hartling a beaucoup milité pour les droits et la sécurité des femmes. Elle a eu une brillante carrière qui s’étend sur 50 ans. Comme vous venez de l’entendre, elle est une grande tenante de la justice sociale et des droits de la personne. À titre de travailleuse sociale autorisée, elle a fondé l’organisme Support to Single Parents. Depuis sa création, c’est-à-dire depuis 34 ans, elle en est la directrice générale et elle aide sans relâche les familles de la grande région de Moncton.

En travaillant pour un autre organisme à but non lucratif, Nancy Hartling s’est rendu compte qu’il n’y avait pas vraiment de mesures de soutien pour les familles monoparentales. En 1982, elle a donc créé cet organisme, qui offre aux chefs de famille monoparentale des services qui transforment leur vie. Son organisme est le premier à accueillir aussi des hommes parmi ses bénéficiaires. La sénatrice Hartling a aussi contribué à la création du complexe domiciliaire pour familles monoparentales St. James Court, à Moncton.

Comme elle l’a elle-même dit à propos d’une autre sénatrice néo‑brunswickoise, Erminie Cohen, la sénatrice Hartling a défendu les droits des femmes et la justice sociale toute sa vie, c’est pourquoi cette grande femme est pour moi une héroïne et une mentor.

Nancy Hartling a fait la connaissance de la sénatrice Cohen en octobre 2000, à l’occasion de la Marche mondiale des femmes. Trente mille femmes — dont des Néo-Brunswickoises mobilisées par Nancy Hartling — ont manifesté sur la Colline du Parlement pour réclamer l’élimination de la violence et de la pauvreté qui touchent les femmes en particulier. En reconnaissance de ses efforts, on lui a demandé de présider le Groupe de travail de la ministre sur la violence faite aux femmes. Elle a également coprésidé de 1995 à 2001 le comité organisateur de la Journée nationale de commémoration du 6 décembre, et a siégé au conseil d’administration du Centre Muriel McQueen Fergusson pour la recherche sur la violence familiale.

La sénatrice Hartling a dirigé un projet de développement communautaire suivant une démarche de lutte contre la pauvreté pour permettre aux femmes à faible revenu d’acquérir des compétences afin de créer et d’exploiter de petites coopératives ou créer d’autres possibilités d’emploi pour devenir financièrement indépendantes.

Elle s’est aussi vu décerner le prix du leadership du Centre d’excellence de l’Atlantique pour la santé des femmes et le prix YWCA — Femmes de mérite de Moncton. En 2001, elle a reçu le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne », pour son travail communautaire. En 2016, elle a reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick pour son leadership dans la promotion des possibilités et des droits économiques et sociaux des femmes dans sa collectivité et dans toute la province.

Nancy, votre leadership bienveillant et empreint de compassion a laissé sa marque au Sénat. Nous vous offrons nos meilleurs vœux, à vous et à votre famille, alors que vous entamez un nouveau chapitre de votre vie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, le 15 novembre 2016 a été un jour merveilleux pour moi : c’est le jour où je suis devenue sénatrice. Ce fut aussi un jour spécial parce que j’ai rencontré une femme remarquable : l’honorable Nancy Hartling.

Au cours des huit dernières années, elle est devenue ma sœur de cœur, à défaut d’être ma sœur de sang. Nancy Hartling a apporté au Sénat non seulement son expérience professionnelle exceptionnelle en tant que défenseure des femmes qui vivent dans la pauvreté et cheffe de file à cet égard, mais aussi son expérience de mère de deux merveilleux enfants et de grand-mère d’Anouk et Max, ses deux rayons de soleil.

Mue par une soif constante d’apprendre, Nancy Hartling a obtenu sa maîtrise tout en élevant ses deux enfants. Pour ma part, j’ai pu tisser une amitié avec une femme magnifique et douée. Je lui en suis très reconnaissante.

Comme nous le savons tous, Nancy Hartling est courtoise et gentille, mais c’est aussi une femme de principes qui fait preuve d’une grande rigueur. Elle fixe ses limites très clairement et elle sait toujours précisément quels principes la guident. Son jugement est impeccable. Elle a tendu la main aux nouveaux sénateurs et les a toujours guidés pour qu’ils se sentent à l’aise dans ce nouvel environnement étrange. Elle leur a également donné son meilleur conseil : « La souffrance est facultative. »

Je crois que les femmes chérissent leurs amitiés d’une manière différente des hommes, et je chérirai cette amitié pour le reste de ma vie. Dans son roman Une vie comme les autres, Hanya Yanagihara a écrit ceci :

[...] le seul truc avec l’amitié, je pense, consiste à trouver des gens qui sont mieux que toi — pas plus intelligents ou plus cool, mais plus gentils, plus généreux et plus indulgents —, et puis de les apprécier pour ce qu’ils peuvent t’apprendre, et à essayer de les écouter quand ils te disent quelque chose sur toi-même, que ce soit négatif — ou positif —, et de leur accorder ta confiance, ce qui est le plus difficile. Mais aussi le plus gratifiant.

L’honorable Nancy Hartling est essentiellement cette personne. Je reconnais aussi qu’elle est plus intelligente et plus cool que moi.

Ma très chère amie, nous avons partagé bien des choses ces huit dernières années. Nous avons toutes deux perdu notre mère et des amis très chers. Nous avons vécu des hauts et des bas, mais il n’y a personne d’autre que j’aurais choisi, mon amie, pour m’accompagner dans ce parcours.

Vous me manquerez tous les jours au Sénat. Toutefois, nos aventures ne sont pas terminées. Je vous souhaite, à toi et à Don, tout le bonheur du monde et je sais que notre amitié ne s’arrête pas là. Après tout, mon amie, vous ne pouvez pas vous débarrasser de moi aussi facilement. Vous êtes la meilleure. Je vous aime et je vous offre mes meilleurs vœux.

Des voix : Bravo!

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, le 15 novembre 2016, le jour où nous avons tous deux été assermentés dans cette illustre enceinte, je ne connaissais pas personnellement notre chère collègue, la sénatrice Nancy Hartling. Bien sûr, j’avais entendu parler d’elle par des amis communs et, comme beaucoup d’entre vous, sans doute, j’avais lu les notes biographiques qui ont été publiées à sa nomination. Avant tout, en tant que Néo-Brunswickois, j’étais ravi de pouvoir compter sur cette nouvelle collègue à la carrière impressionnante.

Venant moi-même d’une famille de travailleurs sociaux, je me suis immédiatement découvert certaines affinités avec cette habitante de Riverview qui a œuvré toute sa vie pour les droits des femmes et pour défendre les personnes défavorisées, et qui porte un amour immense à sa communauté. Nous sommes entrés en fonction le même jour et nous avons discuté à maintes reprises du sens de notre charge, du rôle que nous pouvions jouer ici, à la Chambre rouge, et de l’impact possible de nos actions sur les citoyens de notre province. L’honnêteté a toujours été le fil conducteur de nos discussions, et quand vous vous adressez à la sénatrice Hartling, chers collègues, vous pouvez être sûrs qu’elle vous répondra avec un cœur franc et ouvert.

(1450)

Il y a plus de huit ans que nous nous sommes rencontrés, chère Nancy, et nous voici en train de vous remercier et de vous souhaiter le meilleur pour le prochain chapitre de votre vie et la réalisation de vos rêves.

[Français]

Durant votre mandat au Sénat, madame la sénatrice, vous avez servi votre communauté et votre province avec beaucoup de sensibilité et d’ouverture. Je vous le confirme : la voix du Nouveau-Brunswick dans cette Chambre a été enrichie par votre présence et votre contribution. Vous avez consacré toute votre carrière à la promotion de l’équité, de la dignité et de la justice sociale. Votre engagement envers les femmes, les minorités, les peuples autochtones et les plus vulnérables est une source immense d’inspiration pour tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Avec générosité et intégrité, vous vous êtes souvent mise au service de vos collègues et les avez aidés à défendre les causes qui leur tiennent à cœur. Vous avez appuyé les revendications des peuples autochtones et avez toujours tenu votre engagement à veiller à ce que les femmes soient respectées dans notre société et que leur contribution soit reconnue à sa juste valeur.

Chacun apporte sa propre contribution au Sénat selon son parcours professionnel et son expérience de vie. Comme certains de nos collègues, chère amie, vous avez dû faire preuve de beaucoup de courage et de détermination pour surmonter les difficultés que vous avez connues. Vous avez réussi à transformer ces expériences en force d’action, ce qui est tout à votre honneur. Voilà pourquoi vous êtes une source d’inspiration pour d’innombrables gens.

En cette Journée internationale des droits de l’homme, chère Nancy, vous pouvez quitter le Sénat avec une grande fierté et en paix.

Merci de votre sagesse.

Vous m’avez déjà dit avoir l’âme d’une Acadienne et l’impression d’avoir été échangée à la naissance. Nancy, je vous ai alors crue et je vous crois toujours. Ne perdez donc pas vos yeux brillants, votre sourire bienveillant et votre grande vitalité, qui se transmettent à quiconque a le privilège de vous connaître et de travailler avec vous.

Votre ami pour toujours, René.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, j’ai appris il y a quelques minutes seulement qu’on m’accordait du temps de parole pour rendre hommage à l’honorable sénatrice Nancy Hartling. En conséquence, je propose de retarder son départ à la retraite de deux à cinq ans, peut-être.

Bien entendu, nous ne pouvons malheureusement pas adopter à l’unanimité une telle motion, mais je ne pense pas que nous ayons besoin d’un vote à main levée ou d’un vote par appel nominal pour comprendre que tous les députés sont tristes de voir partir une collègue bien-aimée comme notre chère Nancy Hartling.

Comme vous l’avez déjà entendu, je faisais partie de la promotion de 2016 et vous avez probablement remarqué qu’un certain nombre de sénateurs de cette promotion ont rendu hommage à Nancy. C’est dû en partie au fait qu’elle a été le ciment qui a lié les membres de notre groupe en les réunissant année après année pour célébrer l’anniversaire de notre nomination au Sénat.

Je dirais toutefois qu’elle fait également partie de la clique qui m’a incité à aller dans un restaurant birman et m’a servi une bière après une autre jusqu’à ce que j’oublie que j’avais accepté de devenir facilitateur du Groupe des sénateurs indépendants.

Quand on pense à la sénatrice Hartling, on ne pense pas tout de suite à quelqu’un qui court les débits de boisson. Pourtant, j’ai appris dernièrement en lisant son bulletin Nouvelles de la Chambre rouge que son mari et elle ont participé à une activité qui s’appelle le Dublin Literary Pub Crawl, ou « tournée littéraire des pubs de Dublin ». Aucune idée si c’est la littérature ou la bière qui les a attirés le plus, mais j’aurais tendance à dire un peu des deux.

Parlant des Nouvelles de la Chambre rouge, je ne sais pas si vous avez eu la chance de jeter un œil sur ce bulletin. Il s’en dégage un petit air rétro — un bulletin qui parle du travail accompli par notre institution, imaginez —, mais c’est toujours inspirant et non partisan et on sent tout de suite tout l’amour que la sénatrice voue à notre assemblée. C’est rafraîchissant de recevoir ce genre d’infolettre mois après mois.

Nancy, vous avez été la collègue chérie de tous, mais vous avez aussi été une très bonne amie pour moi. Vous avez été à mes côtés et vous m’avez appuyé lorsque les temps se sont avérés difficiles pour moi et pour ma famille. Je vous en remercie.

Votre soutien, ce n’est pas la travailleuse sociale qui me l’a prodigué, même si je suis persuadé que vous avez les compétences pour ce faire, mais l’amie.

Je remercie les membres de votre famille qui sont ici aujourd’hui — Don, vos enfants et vos petits-enfants — de nous avoir prêté leur épouse, leur mère et leur grand-mère chérie durant huit ans.

Maintenant que nous la connaissons et que nous savons à quel point elle est merveilleuse, je suis étonné que vous l’ayez même laissée partir pendant huit ans, mais aujourd’hui, vous allez pouvoir la retrouver. Merci du plus profond de nos cœurs.

Nancy, je vous souhaite une retraite heureuse. Comme l’a déjà dit la sénatrice Boniface, nous n’en avons pas fini avec vous. Nous garderons certainement contact. D’ici là, je vous souhaite bonheur et santé pour votre retraite.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Thione Niang, entrepreneur social, auteur et agriculteur. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Gerba.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’Association canadienne de sécurité agricole

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je regrette de changer de sujet. Je prends toutefois un moment pour vous féliciter, sénatrice Hartling. Vous nous manquerez. Je vous souhaite bonne chance.

Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le travail essentiel de l’Association canadienne de sécurité agricole, et l’importance de la sécurité agricole pour les agriculteurs d’aujourd’hui et la prochaine génération.

Bien que l’agriculture soit au cœur de l’économie et de l’identité culturelle du Canada, elle demeure l’un des secteurs d’activité les plus dangereux. Chaque année, plus de 60 personnes, des adultes comme des enfants, perdent la vie dans des incidents liés à l’agriculture dans l’ensemble du pays. Cela donne à réfléchir sur les risques inhérents à ce secteur essentiel.

Créée en 1993, l’Association canadienne de sécurité agricole joue un rôle de premier plan dans la promotion et le soutien de la santé et de la sécurité en agriculture. Cette organisation nationale à but non lucratif travaille sans relâche avec des partenaires du secteur public, du monde des affaires et du milieu agricole afin de fournir les outils et les ressources nécessaires pour faire des exploitations agricoles des lieux plus sûrs où vivre, travailler et se divertir.

La mission de l’Association canadienne de sécurité agricole est claire : en collaboration avec les partenaires de nos communautés, promouvoir la sécurité et la santé en agriculture, afin que les communautés agricoles canadiennes saines prospèrent.

La vision de l’Association canadienne de sécurité agricole — un secteur agricole sécuritaire et durable où les communautés agricoles saines prospèrent — est une vision que nous devons tous nous efforcer de soutenir. Elle ne suppose pas seulement de protéger les agriculteurs d’aujourd’hui, mais aussi de voir à ce que les générations futures puissent continuer de travailler la terre de manière sûre et durable.

Les initiatives de l’Association canadienne de sécurité agricole comme le programme SécuriGrain, la page de ressources en santé mentale et la semaine FarmSafe Kids, sont essentielles pour sensibiliser les agriculteurs, leurs familles et leurs travailleurs aux risques présents dans les exploitations agricoles et à leur gestion efficace.

Cependant, la sécurité agricole ne consiste pas seulement à éviter les accidents, elle vise aussi à favoriser une culture d’inclusivité et de respect dans les collectivités agricoles. L’engagement de l’Association canadienne de sécurité agricole envers la diversité, l’équité et l’inclusion garantit que tout le monde — indépendamment de l’âge, du sexe, de la race ou des capacités — a la possibilité de participer pleinement au secteur agricole. En adhérant à ces valeurs, l’Association canadienne de sécurité agricole rend non seulement nos exploitations agricoles plus sûres, mais elle veille aussi à ce qu’elles soient des endroits où tout le monde est accueilli et valorisé.

Le travail de l’Association canadienne de sécurité agricole est essentiel, et nous avons tous un rôle à jouer pour le soutenir. Que ce soit au moyen d’activités de parrainage, de dons, de l’adhésion ou de la coordination d’une journée de la sécurité, il y a plusieurs façons de contribuer à la cause. En travaillant ensemble, nous pouvons faire en sorte que nos exploitations agricoles demeurent sûres, saines et dynamiques pour les générations à venir.

Honorables collègues, je vous exhorte à reconnaître l’importance de la sécurité agricole tout au long de l’année et à soutenir l’Association canadienne de sécurité agricole dans ses efforts pour assurer la protection de la vie et du bien-être des personnes qui travaillent si fort pour nourrir notre pays.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo.

(1500)

L’honorable Brent Cotter, c.r.

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, nous rendons aujourd’hui hommage à une personne remarquable qui a consacré sa vie au service public et à l’amélioration de notre grand pays, le sénateur Brent Cotter.

Ne soyez pas si surpris.

Alors que notre ami se prépare à prendre une retraite bien méritée, nous revenons sur un héritage fondé non seulement sur le travail acharné, mais également sur les valeurs qui définissent le sénateur Cotter : l’intégrité, la sagesse, un grand sens de la justice et, bien sûr, un amour profond pour la Saskatchewan.

La générosité d’esprit du sénateur Cotter fait de lui un homme accessible et respecté par ses collègues de toutes les allégeances politiques. On l’a vu dans sa façon de présider le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Il était ferme, mais juste. Il avait un esprit de collégialité, mais il était bien préparé. C’est un exemple de leadership judicieux pour n’importe quel président.

N’oublions pas son sens de l’humour. Pour ceux qui ont eu le plaisir de discuter avec lui, vous savez que Brent peut lancer une pointe aussi perçante que le vent d’hiver de la Saskatchewan en février, et qu’il n’est pas trop mal non plus dans les banquettes d’en face.

Le sénateur Cotter a aussi été un défenseur infatigable des peuples autochtones. À l’époque où il faisait carrière dans la fonction publique, il a été sous-ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones de la Saskatchewan, un poste où il a su faire montre d’un immense respect pour l’histoire, la culture et les droits des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Sa détermination à bâtir des ponts, à favoriser la compréhension mutuelle et à entretenir un dialogue constructif entre les communautés autochtones et la société canadienne en général est au cœur de son héritage. À l’époque, il a chapeauté diverses initiatives qui prônaient la réconciliation, et ce, bien avant que ce mot soit connu du grand public. Le don qu’il a pour écouter l’autre et aborder les dossiers difficiles avec humilité et empathie lui a valu le respect des chefs autochtones et de ses collègues.

Le projet de loi C-51, qu’il a parrainé et qui promulguait un traité reconnaissant la Première Nation dakota de Whitecap, constitue un excellent exemple de son sens du leadership. Il a fait adopter cette mesure législative historique par le Sénat en un temps record, et je sais qu’il suit ce dossier de près depuis. À une époque où nous avons plus que jamais besoin d’une véritable réconciliation et d’un partenariat authentique, la contribution du sénateur Cotter témoigne de son attachement sans faille à la justice, au respect et à l’avenir collectif de tous les Canadiens.

En terminant, qu’il s’amuse à badiner avec un collègue ou qu’il se retrousse les manches pour trouver un terrain d’entente, une chose est sûre : c’est la détermination à faire du Canada un endroit meilleur pour tous qui a toujours motivé le sénateur Cotter. Merci. Hiy kitatamihin.


AFFAIRES COURANTES

Le conseiller sénatorial en éthique

Dépôt du certificat de nomination et des notes biographiques

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et les notes biographiques concernant la nomination proposée de James O’Reilly à titre de conseiller sénatorial en éthique.

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du trente-troisième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Brent Cotter, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mardi 10 décembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son

TRENTE-TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 30 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

BRENT COTTER

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3389.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Housakos, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Régie interne, budgets et administration

Présentation du dix-septième rapport du comité

L’honorable Lucie Moncion, présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :

Le mardi 10 décembre 2024

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, qui est autorisé par le Règlement du Sénat à examiner les questions financières et administratives et, conformément au Règlement administratif du Sénat, à préparer les prévisions des sommes que le Parlement sera appelé à affecter au fonctionnement du Sénat, a approuvé le Budget principal des dépenses du Sénat pour l’exercice financier 2025-2026 et en recommande l’adoption.

Un résumé du budget des dépenses est joint au présent rapport. Votre comité fait remarquer que le budget proposé se chiffre à 139 258 436 $.

Respectueusement soumis,

La présidente,

LUCIE MONCION

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3399.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly, candidat au poste de conseiller sénatorial en éthique

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, à 15 h 15 le mardi 17 décembre 2024, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 65 minutes après le début de ses travaux;

Que les remarques introductives du témoin durent un maximum de cinq minutes;

Que, si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses du témoin y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur.

Le conseiller sénatorial en éthique

Préavis de motion tendant à approuver sa nomination

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 20.1 de la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, le Sénat approuve la nomination de James O’Reilly à titre de conseiller sénatorial en éthique.

[Français]

Projet de loi sur la Journée de l’indépendance de la magistrature

Première lecture

L’honorable Pierre Moreau dépose le projet de loi S-291, Loi instituant la Journée de l’indépendance de la magistrature.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Moreau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1510)

ParlAmericas

La rencontre du Réseau parlementaire sur le changement climatique de ParlAmericas, tenue les 23 juin et 5 juillet 2022

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la sixième rencontre du Réseau parlementaire sur le changement climatique de ParlAmericas, tenue par vidéoconférence les 23 juin et 5 juillet 2022.

Le Budget des dépenses de 2024-2025

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à déposer son rapport sur l’étude du Budget principal des dépenses à l’exception du crédit 1 auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur son étude sur le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025, à l’exception du crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement, auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude de la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adopté le mardi 6 février 2024 et le jeudi 9 mai 2024, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des finances nationales concernant son étude sur la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets et des énoncés économiques soit reportée à nouveau du 31 décembre 2024 au 30 juin 2025;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

La mise à jour économique

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, les sénateurs conservateurs vous ont interrogé à maintes reprises sur le congé de TPS compliqué de deux mois que le gouvernement financièrement irresponsable que vous représentez a proposé il y a quelques semaines. Le Globe and Mail a rapporté ce matin que c’était le Cabinet du premier ministre qui avait eu l’idée de cette combine fiscale ainsi que de la distribution de chèques de 250 $ à des personnes gagnant 149 000 $ par an. Le ministère de la ministre Freeland a enfin considéré qu’une initiative de ce cabinet était « peu judicieuse sur le plan financier » et « peu sensée sur le plan économique ». Nous pouvons finalement dire que nous sommes d’accord avec la ministre. Le Cabinet du premier ministre et la ministre ne sont pas sur la même longueur d’onde.

Si le premier ministre ne bénéficie même pas de l’appui de sa ministre, pourquoi les Canadiens devraient-ils l’appuyer? Il est temps de déclencher des élections sur la taxe sur le carbone, n’est-ce pas, monsieur le leader? Je vous demande de répondre aux deux questions, et non de vous contenter de répondre « non » à la deuxième.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Si, comme moi, vous avez lu tout l’article, vous savez aussi que la vice-première ministre et ministre des Finances a donné son appui et qu’elle a d’ailleurs témoigné devant notre comité. Ce dernier, qui est présidé par le sénateur Carignan, a consacré trois réunions à ce projet de loi pour l’étudier rigoureusement. Le comité l’a adopté sans amendement. Il fera très bientôt l’objet d’un débat.

Sénateur Plett, vos collègues et vous-mêmes aurez amplement l’occasion de faire connaître votre avis. Voilà la réponse à la première partie de votre question.

Pour ce qui est de la deuxième partie, comme en témoigne le rejet de la motion de censure, la seule semblait que votre parti... J’imagine que vous ne vouliez pas essuyer trois échecs consécutifs. Bref, le gouvernement libéral a toujours la confiance de la Chambre.

Le sénateur Plett : Vous avez la confiance de Jagmeet Singh. Or, personne n’a voté pour qu’il devienne premier ministre.

Selon le directeur parlementaire du budget, la ministre Freeland a dépassé son garde-fou budgétaire de 40 milliards de dollars. À en croire certains médias, le déficit pourrait atteindre 62 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne. Si ce chiffre est inexact — ce que j’espère —, pourquoi le gouvernement ne le dit-il pas maintenant au lieu d’attendre à lundi?

Le sénateur Gold : Monsieur le sénateur, comme nous le savons, et comme vous l’avez dit dans votre question, la vice-première ministre et ministre des Finances présentera son énoncé économique de l’automne lundi. C’est à ce moment-là que je prendrai connaissance de ce chiffre, en même temps que les autres sénateurs et tous les Canadiens.

L’infrastructure et les collectivités

Le logement abordable

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, malgré le fardeau financier important que représente la TPS pour les nouvelles maisons, et le coût de plus en plus élevé du logement au Canada, le gouvernement, avec l’aide du marxiste en Maserati Jagmeet Singh, a voté contre la motion des conservateurs qui visait à éliminer la TPS sur les maisons neuves d’une valeur de moins d’un million de dollars. Comment justifiez-vous le maintien de cette taxe alors que le coût du logement reste hors de portée pour un si grand nombre de Canadiens? Le gouvernement Trudeau a condamné toute une génération de jeunes Canadiens à vivre dans le sous-sol de leurs parents. Cette mesure conservatrice pleine de bon sens permettrait aux acheteurs canadiens d’économiser jusqu’à 50 000 $, et elle relancerait la construction de plus de 30 000 maisons et appartements dans tout le pays. Or, le gouvernement Trudeau a voté contre. Pourquoi, sénateur Gold?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Housakos, comme je l’ai déjà dit, et je profite de l’occasion pour le répéter, vous ne citez qu’une partie de ce qui est en cause dans les problèmes de logement. En effet, votre chef, que vous suivez si loyalement, a fait une proposition particulière. Ce que vous n’avez pas mentionné, mais qui est du domaine public, c’est son autre proposition de réduire de plusieurs millions — voire de plusieurs milliards — les investissements que le gouvernement a faits dans une série de mesures pour encourager la construction et fournir de l’aide en matière de logement. Vous ne pouvez pas — ou vous le pouvez, puisque c’est manifestement ce que vous faites — citer de façon sélective ce qui vous convient.

Le fait est que le gouvernement a investi sérieusement dans de multiples mesures afin de régler le dossier du logement. La proposition que votre parti a faite n’était pas sérieuse et faisait abstraction de tous les programmes dans lesquels il compte faire des compressions, au détriment du logement au Canada.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, si vous en avez le courage, déclenchez des élections et voyons quel chef la population canadienne suivra. Ne nous parlez pas, je vous prie, de vos tours de passe-passe avec la TPS ni de l’économie à la Mickey Mouse dont votre gouvernement tient les rênes. La comparution de Chrystia Freeland devant le comité la semaine dernière a été un désastre. Nous le savons désormais, son propre ministère a mis en garde contre la mesure. Le Comité des finances nationales, ici, au Sénat, a fait une analyse qui montre que ce tour de passe-passe avec la taxe fera économiser aux Canadiens la somme colossale de 4,50 $, chers amis. Quel coût les Canadiens devront-ils en fin de compte supporter en frais administratifs pour appliquer une mesure…

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, vous avez la parole.

Le sénateur Gold : Sénateur Housakos, je maintiens ma réponse. Le gouvernement a présenté un programme sérieux pour faire face à la crise du logement qui touche un grand nombre de Canadiens, et votre parti n’offre que des slogans bien rodés, mais vides de contenu.

La justice

Le contenu préjudiciable en ligne

L’honorable Chantal Petitclerc : Sénateur Gold, en septembre dernier, l’Organisation mondiale de la santé a dénoncé les effets des réseaux sociaux sur le développement des jeunes et leur santé à long terme. Selon ces données, les plateformes technologiques devraient donc assumer une plus grande part de responsabilité.

Il y a quelques semaines, le gouvernement de l’Australie a agi. Le Parlement australien a adopté une loi stricte qui interdit les réseaux sociaux aux jeunes de moins de 16 ans. Le gouvernement britannique envisage de suivre l’exemple de l’Australie.

Sénateur Gold, on s’entend généralement pour dire que les entreprises technologiques exploitent les enfants et les adolescents et qu’elles doivent changer leurs façons de faire. Comme chacun le sait, ces plateformes sont conçues pour créer une dépendance. Pour éviter des méfaits sur toute une génération, il faut agir de toute urgence.

Sénateur Gold, le gouvernement canadien répondra-t-il à l’appel de l’Organisation mondiale de la santé? Obligera-t-il les réseaux sociaux à assumer une plus grande part de responsabilité afin de mieux protéger les jeunes utilisateurs?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Merci aussi de souligner ce que nous en sommes tous venus à comprendre très tard et bien cruellement, c’est-à-dire que la facilité d’accès à l’information et les algorithmes qui se cachent dans nombre de réseaux sociaux ont des effets sur nos comportements et nuisent aux jeunes, certes, mais aussi à beaucoup d’autres personnes au Canada et ailleurs.

Il est aussi regrettable que bien des réseaux sociaux se contentent au mieux de faire de beaux discours au lieu d’encadrer leurs façons de faire. Ils ne font que nous présenter ce que nous voulons voir.

(1520)

Le gouvernement étudie toutes les options, mais il n’a pas prévu d’annoncer quoi que ce soit dans l’immédiat.

La sénatrice Petitclerc : En mars 2023, le premier ministre Trudeau a déclaré :

En tant que parent, je passe beaucoup de temps à parler à mes enfants de ce qu’il y a en ligne et à leur dire qu’ils devraient essayer de sortir, de faire un peu plus de sport et de ne pas être trop absorbés par leur téléphone.

C’est bien sûr une excellente chose. Cependant, sénateur Gold, êtes-vous d’accord pour dire que l’éducation donnée par les parents ne suffira pas à protéger les enfants et que le gouvernement doit intervenir?

Le sénateur Gold : Madame la sénatrice, j’avoue que je ne connais pas la réponse. Je m’abstiendrai donc de conjecturer. La loi n’est certainement pas le seul outil. S’il y a une intervention législative, tout est dans les détails. En l’absence de ces détails, j’hésite à émettre des suppositions. Il s’agit d’un problème social que nous devons aborder de manière globale.

Les affaires mondiales

La politique étrangère pour l’Arctique

L’honorable Marty Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Vendredi, le gouvernement annonçait une nouvelle politique étrangère pour l’Arctique. Il a notamment dit vouloir ressusciter la fonction d’ambassadeur aux affaires arctiques, un poste que le gouvernement précédent a aboli en 2006.

Qu’est-ce qui fait dire au gouvernement que c’est maintenant que cette fonction redevient importante? Croyez-vous qu’elle sera maintenue si un nouveau gouvernement prend les commandes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Permettez-moi tout d’abord de souligner que la politique étrangère pour l’Arctique, qui consiste en une stratégie axée sur la diplomatie, s’attaque aux véritables problèmes auxquels le Canada doit faire face de nos jours — et qui l’attendent au cours des 10 prochaines années — et offre les moyens de saisir les occasions qui s’offrent à lui. Elle donne au Canada les outils diplomatiques dont il a besoin pour continuer de faire valoir sa souveraineté, de défendre les intérêts liés à sa sécurité nationale et de promouvoir un Arctique stable, prospère et sûr pour ceux qui y habitent et pour le reste du pays.

Je ne peux pas m’avancer sur ce que ferait un futur gouvernement, mais un simple regard en arrière nous apprend que cette fonction, ou quelque chose d’équivalent, a déjà existé et que c’est un des gouvernements précédents qui l’a abolie.

Les circonstances ont changé, et notre compréhension des dangers et des menaces qui pèsent sur notre souveraineté en Arctique aussi. J’espère que tous les gouvernements, quels qu’ils soient, prendront la chose au sérieux. Il s’agit d’une partie importante de notre pays, de notre identité et de notre souveraineté.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Savez-vous quand ce nouveau bureau devrait être fonctionnel, avec un nouvel ambassadeur, et quand les bureaux satellites à Anchorage et au Groenland seront ouverts?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je n’ai pas d’échéancier précis à vous donner, sénatrice, mais on m’a informé que le processus était bel et bien lancé.

L’agriculture et l’agroalimentaire

L’industrie du vin au Canada

L’honorable Robert Black : Sénateur Gold, les provinces et territoires du Canada continuent d’être confrontés à des barrières commerciales interprovinciales et interterritoriales. En juillet 2017, l’Accord de libre-échange canadien est entré en vigueur; il a pour objectif de réduire et d’éliminer les obstacles à la circulation de la main-d’œuvre, des biens, des services et des investissements à l’intérieur du Canada afin d’établir un marché intérieur ouvert.

Un rapport de 2024 de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante intitulé Bulletin sur la coopération entre provinces et territoires au Canada : État des lieux du commerce intérieur donne un aperçu du travail accompli à ce jour pour lever les obstacles. Toutefois, il souligne également que des obstacles importants subsistent, entravant la capacité des entreprises à faire circuler les biens et les services entre les provinces et les territoires du Canada. Le rapport estime que jusqu’à 200 milliards de dollars pourraient être ajoutés au PIB du Canada chaque année.

L’industrie vinicole canadienne est un exemple de produit qui continue d’être entravé par les règles du commerce interprovincial. Le Canada peut exporter du vin vers les principaux marchés de la planète, mais il est impossible d’expédier du vin d’un endroit à l’autre du pays. Cette incohérence nuit aux produits agricoles nationaux.

Sénateur Gold, que prévoit faire votre gouvernement à cet égard?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Les obstacles au commerce international entravent depuis longtemps la croissance économique, et le gouvernement s’y est attaqué de front.

Comme vous le savez, chers collègues, en 2017, le gouvernement a fait preuve de leadership dans ce dossier par l’entremise de l’Accord de libre-échange canadien. Depuis ce temps, le gouvernement a soit restreint, soit totalement limité le tiers des exemptions fédérales, ce qui offre aux entreprises canadiennes davantage d’occasions de croître et de faire concurrence où que ce soit au pays. En 2019, il y a cinq ans, le gouvernement a éliminé le reste des obstacles réglementaires fédéraux au libre commerce intérieur du vin et d’autres boissons alcoolisées.

Les seuls obstacles restants — et ils sont nombreux — relèvent de la compétence exclusive des provinces et des territoires. Seuls les provinces et les territoires peuvent les éliminer.

Le sénateur Black : Merci. Sénateur Gold, l’Accord de libre-échange canadien n’atteint pas l’objectif visé. La Colombie-Britannique est aux prises avec la perte catastrophique de la récolte de raisins de 2023, qui a suivi deux hivers désastreux, tandis que l’Ontario est maintenant aux prises avec deux offres excédentaires consécutives. Il semblerait logique que le gouvernement fédéral décide d’aider à transporter le raisin d’une région à l’autre du pays. Les viticulteurs ne peuvent vendre leurs produits dans d’autres provinces, pas plus qu’ils ne peuvent vendre ou partager le raisin.

Au nom de l’industrie agricole, pouvez-vous nous dire de quelle manière votre gouvernement soutient l’industrie du vin?

Le sénateur Gold : Sénateur, le gouvernement du Canada soutient cette industrie du mieux qu’il peut en fonction de ses champs de compétence et de ses capacités, mais toutes les barrières qui restent au commerce interprovincial du vin et d’autres boissons alcoolisées relèvent de la compétence exclusive des provinces. C’est aux provinces qu’il revient de s’attaquer à ce problème.

[Français]

Les finances

Les mesures fiscales temporaires

L’honorable Pierre J. Dalphond : Hier, les journaux rapportaient que le directeur parlementaire du budget avait indiqué que le coût du congé de TPS/TVH pourrait aller jusqu’à 2,7 milliards de dollars. Lors d’une réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales, on a affirmé que le coût fiscal direct serait de 1,5 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral et possiblement de 1,2 milliard de dollars pour compenser les provinces qui ont harmonisé leur taxe.

Monsieur le sénateur Gold, pouvez-vous nous indiquer si des provinces ont indiqué qu’elles y renonceraient? Je crois comprendre que, du montant de 1,2 milliard de dollars, presque un milliard de dollars iraient à l’Ontario.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question.

Dans un premier temps, comme le ministre l’a constaté, il y a des discussions en cours avec toutes les provinces, et selon l’information que j’ai, elles sont fructueuses et se poursuivent.

Pour répondre à votre question, j’ai été informé que les provinces de l’Ontario, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Île-du-Prince-Édouard ont déjà renoncé à leur droit de compensation. En ce qui concerne les autres provinces, les discussions sont en cours.

Le sénateur Dalphond : Je comprends et je vous remercie de cette réponse.

Donc, le coût fiscal direct serait de 1,5 milliard de dollars et il n’y aurait pas de compensation pour la taxe harmonisée? Est-ce que je comprends bien?

Le sénateur Gold : Comme vous le savez, nous en avons appris davantage au comité. Il y a des ententes entre le Canada et les provinces, et ces ententes prévoient un droit de compensation si la perte de revenus atteint un certain niveau. Pour le moment, ce que j’ai rapporté est correct, vous avez raison, et les autres discussions vont se poursuivre.

[Traduction]

La sécurité publique

Le régime d’autorisation du Code criminel

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Gold, il s’est écoulé près d’un an et demi depuis l’adoption du projet de loi C-41. Jusqu’à présent, 12 demandes au titre du régime d’autorisation ont été présentées, dont une a été retirée. Pourtant, aucune réponse n’a été transmise aux personnes dont la demande a été présentée il y a quatre, cinq, six ou sept mois. Le faible nombre de demandes montre que les organismes hésitent à travailler dans les zones contrôlées par des entités terroristes, et on les comprend.

Quand le gouvernement donnera-t-il l’occasion aux organismes non gouvernementaux de présenter leurs arguments par écrit ou de vive voix en soumettant le projet de loi C-41 à un examen de fond en comble?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice, et je vous remercie aussi de nous rappeler ce projet de loi important de même que les obstacles qui l’empêchent de remplir ses objectifs et de produire les résultats escomptés.

Je me renseignerai auprès du ministre afin de savoir ce qu’il en est de l’examen. J’espère que les parties intéressées, qui font un travail extraordinaire pour les personnes qui demandent l’asile et qui en défendent les intérêts, sauront se faire entendre.

(1530)

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, pendant toute cette période où le gouvernement est demeuré les bras croisés, certains programmes ont été mis sur la glace ou reportés, ce qui a généré des coûts, sur le plan financier, mais aussi sur le plan humain. Dernièrement, une femme qui travaille pour un organisme qui vient en aide aux migrants et aux réfugiés est venue me demander ce que le gouvernement entend faire pour atténuer ces coûts.

Que dois-je lui répondre?

Le sénateur Gold : Je répète, sénatrice, que le gouvernement fait tout pour atteindre les nombreux objectifs concernant l’aide offerte aux demandeurs d’asile, et qu’il œuvre en partenariat avec les organismes et partenaires d’ici et d’ailleurs, et en collaboration et en consultation avec les provinces et les territoires.

Je comprends les difficultés que vivent ces gens, et j’applaudis encore une fois tout ce que vous faites pour eux.

Le taux de criminalité

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, vendredi dernier, un homme de 20 ans s’est fait tirer dans le dos. Ce gardien de sécurité s’est fait tuer dans l’exercice de ses fonctions dans un immeuble à logements d’Edmonton. Nous devons plus que des condoléances à ses proches en deuil : nous leur devons justice et réponses.

Il semblerait que l’un des individus inculpés de meurtre dans cette affaire ait de lourds antécédents de crimes violents. En 2018, arme au poing, il aurait notamment forcé une femme à entrer dans le coffre d’une voiture. En 2022, la GRC l’aurait accusé de nombreuses infractions liées à un cambriolage, dont 16 chefs d’accusation pour possession d’armes prohibées.

Ne devrait-on pas dire aux Canadiens s’il s’agit du même criminel, sénateur Gold, et, si oui, pourquoi il était libre comme l’air?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur, je suis sincèrement désolé de ne pas pouvoir répondre à votre question. Il faudrait fournir aux Canadiens plus de renseignements que cela pour que je puisse y répondre.

Je suis navré. L’histoire dont vous parlez est horrible, tant pour les victimes que pour tout le monde. Je ne sais pas si le meurtrier était en liberté parce qu’il avait purgé sa peine, parce qu’il avait été libéré d’office, comme le prescrit la loi, ou parce qu’on lui avait accordé une libération conditionnelle.

Je peux uniquement offrir mes condoléances aux victimes des crimes violents qu’il a commis. Je ne cherche pas à esquiver votre question, sénateur, mais vous pouvez poser une question sur la criminalité en général. La criminalité est un grave problème pour les Canadiens. Si vous voulez une réponse, vous devez me fournir l’information nécessaire pour que je puisse répondre.

Le sénateur Plett : Je n’ai pas à fournir cette information. Pourquoi votre gouvernement ne la trouve-t-il pas? Vous savez de qui je parle; votre gouvernement sait de qui je parle.

Les Canadiens ont tout à fait le droit de savoir s’il s’agit de la même personne. Vous pouvez vous renseigner. Ils méritent de savoir s’il était en liberté sous caution ou s’il bénéficiait d’une autre forme de mise en liberté lorsqu’il a tué un agent de sécurité.

Les Canadiens ne méritent-ils pas un gouvernement qui se concentre sur la lutte contre la criminalité et les vrais criminels et qui découvre pourquoi ces derniers se retrouvent dans la rue, au lieu de faire des coups d’éclat en promettant de retirer davantage d’armes à feu aux Canadiens respectueux des lois?

Le sénateur Gold : Monsieur le sénateur, la prochaine fois que vous voudrez obtenir une réponse de ma part, vous pourriez peut-être avoir la courtoisie de me donner un préavis afin que je puisse peut-être fournir la réponse dans cette enceinte. Je ne connais tout simplement pas les faits entourant ce cas particulier, et vous le saviez lorsque vous m’avez posé la question. Cependant, vous avez fait valoir vos arguments, bravo.

[Français]

La justice

Le contenu préjudiciable en ligne

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, je ne peux faire autrement que de poser une question pour faire suite à celle de la sénatrice Petitclerc.

Je suis extrêmement déçue de constater que le gouvernement ne fait pas face aux problèmes aigus de santé mentale qui surviennent à cause d’une trop longue exposition aux médias sociaux. C’est toute une génération qui est menacée. Or, le projet de loi C-63 ne prévoit qu’une mesure qui empêche les images d’exploitation sexuelle sur Internet, des images qui sont déjà illégales.

Pourquoi ne pas en faire davantage? Le Canada accuse du retard sur tous les grands pays occidentaux qui réfléchissent sur le sujet. C’est vraiment un très grave problème de société.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je suis tout à fait conscient qu’il s’agit d’un problème de société très grave. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il n’y a pas de réflexions qui se font ici ou ailleurs. Tout ce que je peux dire, chère collègue, c’est qu’aucun projet de loi ne traite de ce problème en particulier actuellement.

Encore une fois, je m’engage à poser vos questions ainsi que celles de la sénatrice Petitclerc, mais pour le moment, il n’existe pas de projet de loi comme celui que vous avez mentionné.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourtant, je suis la marraine d’un projet de loi qui en est à l’étape du rapport à la Chambre des communes et qui propose de travailler sur une petite partie de ce problème assez pointu, afin à tout le moins de protéger les enfants de l’exposition à la pornographie. Or, le gouvernement est contre.

Le sénateur Gold : Je suis au courant de votre projet de loi, qui a été étudié au Sénat. Vous êtes également au courant de la réaction du gouvernement, qui n’est pas de dire que le principe du projet de loi n’est pas important ou qu’il n’y souscrit pas.

L’environnement et le changement climatique

Les impacts de la mode jetable

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Ma prochaine question porte sur un autre sujet.

Le Conseil québécois du commerce de détail demande au gouvernement fédéral d’imposer des pénalités aux plateformes chinoises comme Shein et Temu, qui vendent de la mode jetable et qui livrent une concurrence déloyale aux détaillants québécois.

En France, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité un projet de loi qui imposera des pénalités de 50 % de la valeur du produit et les redistribuera à des producteurs de vêtements durables locaux. Qu’entend faire notre gouvernement pour rétablir une concurrence saine, plutôt que de laisser toute la place à cette mode jetable qui pollue notre planète?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement a lancé une consultation afin de recueillir des commentaires au sujet de l’élaboration d’une feuille de route pour lutter contre les déchets de plastique et développer une politique pour le secteur du textile et des vêtements, en s’appuyant sur l’intérêt et la mobilisation que les principaux intervenants du secteur ont rapidement démontrés.

Le document de consultation propose une approche de la gestion des déchets qui maintient le plus longtemps possible le textile et les vêtements dans l’économie circulaire. La priorité sera accordée à la reconfection, la réutilisation, la réparation et au recyclage des produits plutôt qu’à la récupération d’énergie et à l’enfouissement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je reviens à mon sujet principal.

Shein offre des robes à moins de 10 $. Comment est-ce possible? Shein a déjà confirmé l’existence de cas d’exploitation d’enfants parmi ses fournisseurs. Une enquête a également révélé que le géant chinois de la mode jetable utilise du coton provenant du Xinjiang, où les Ouïghours sont enrôlés dans du travail forcé.

Au-delà de nos beaux discours sur les droits de la personne, que faisons-nous concrètement?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. L’Agence des services frontaliers du Canada multiplie les inspections, engage davantage de chiens dépisteurs et utilise de nouvelles technologies pour empêcher la circulation des drogues, des armes à feu et des marchandises illicites.

Comme l’a affirmé le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, le gouvernement fait les investissements nécessaires dans les organismes chargés de l’application de la loi qui disposent des outils dont ils ont besoin.

[Traduction]

La défense nationale

Le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord

L’honorable Rebecca Patterson : Sénateur Gold, vendredi dernier, alors qu’elle répondait aux questions sur la nouvelle Politique étrangère du Canada pour l’Arctique, la ministre Joly a laissé entendre qu’il serait peut-être temps de revoir la décision qui a été prise en 2005 de ne pas se joindre au programme américain de défense contre les missiles balistiques. La Russie a déjà utilisé des missiles balistiques de moyenne portée contre l’Ukraine, et les conséquences ont été dévastatrices. Elle se dit d’ailleurs prête à les utiliser sans réserve, et elle a aussi évoqué de possibles missiles balistiques intercontinentaux.

(1540)

Le danger est bien réel. Puisque la Russie et le Canada sont voisins, nous devons agir de manière réaliste et penser dès maintenant à notre défense.

Quand le gouvernement nous dira-t-il comment il entend contrer la menace de missiles balistiques qui pèse sur le pays, sur l’Arctique canadien et sur l’Amérique du Nord?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser cette question et de mettre en lumière, une fois de plus, qu’il est crucial sur le plan stratégique de défendre le Nord canadien contre les menaces de plus en plus grandes auxquelles il est confronté de la part non seulement de la Russie voisine, mais aussi d’autres pays qui ont des visées sur le Nord canadien.

Le gouvernement libéral a fait et continuera de faire des investissements sans précédent dans la défense du pays et dans les éléments nécessaires à notre souveraineté.

Il continuera aussi de travailler au sein du NORAD et avec nos alliés, dont les États-Unis, pour défendre la souveraineté canadienne dans le Nord de l’Amérique du Nord.

Nous vivons une période difficile. Je n’ai pas besoin de mentionner les multiples défis actuels, mais le gouvernement est déterminé à faire tout en son pouvoir pour protéger et promouvoir les intérêts du Canada, y compris notre souveraineté et nos intérêts nationaux dans l’Arctique.

La sénatrice Patterson : Comme l’a si bien dit la ministre Joly : « Je pense que nous devons être extrêmement réalistes en ce qui concerne les menaces qui pèsent sur l’Arctique », et cela inclut le fait que la Chine n’était pas très présente en 2005. Nous sommes également très conscients de la position de l’administration actuelle et future de nos voisins du Sud en ce qui concerne notre engagement de 2 % à l’égard de l’OTAN.

En tant que nation fière et souveraine, nous ne réagissons pas très bien au fait d’être contraints à l’action par la honte. Le gouvernement sera-t-il proactif et fera-t-il avancer — ou non — l’examen de notre participation avec les États-Unis à une forme quelconque de programme de défense balistique?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. La réponse la plus honnête et exacte que je puis vous donner est que l’actuel gouvernement s’emploie très sérieusement à examiner la manière dont il travaillera avec son partenaire du Sud dans un éventail de dossiers, que je n’ai pas besoin d’énumérer.

Au fil du temps, nous en apprendrons davantage sur les mesures que le Canada, en tant que nation fière et indépendante, va prendre pour demeurer une nation fière et indépendante.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-78, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Projet de loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens

Troisième lecture—Débat

L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le privilège de prendre la parole aujourd’hui dans le cadre du débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).

Le travail du Sénat sur ce projet de loi a été particulièrement engagé et productif. Je me réjouis de poursuivre sur cette lancée aujourd’hui.

Le projet de loi C-78 vise à relever un défi bien précis. Selon le directeur parlementaire du budget, ce projet de loi est manifestement orienté vers la consommation et l’objectif déclaré est de rendre la vie plus abordable dans les dépenses de consommation.

Les dépenses de consommation par habitant restent faibles depuis la pandémie, ce qui empêche l’économie canadienne de fonctionner à son plein potentiel. Cela s’explique en partie par l’inflation et les taux d’intérêt élevés, qui sont des conséquences inévitables des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, causées d’abord par la pandémie, puis par les chocs énergétiques mondiaux provoqués par l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie. Les effets positifs de la baisse des taux d’intérêt peuvent prendre du temps avant d’influencer l’économie et les habitudes des consommateurs. La Banque du Canada estime que cela peut prendre de 18 à 24 mois avant que l’on puisse constater les effets de ces réductions sur l’économie nationale.

[Traduction]

Au Comité des finances nationales, il a été question de la faible productivité du Canada. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, a expliqué la situation ainsi :

[...] le principal problème du pays, c’est que la productivité y est faible; par conséquent, le revenu réel que peuvent gagner les Canadiens a vraiment stagné depuis la grande crise financière de 2010.

Collectivement, notre plus gros problème consiste à hausser les investissements de manière à améliorer la productivité des travailleurs et, partant, leur revenu et leur pouvoir d’achat. Pour ce faire, nous devons investir. Le gouvernement, par exemple, doit investir dans ses services essentiels, comme les transports, la justice, et cetera, de manière à compléter les investissements privés. C’est ainsi que les travailleurs pourront avoir les outils dont ils ont besoin pour être plus productifs et, du coup, avoir de meilleurs revenus.

Je suis contente que le projet de loi C-78 nous amène à parler de productivité. Il s’agit d’une question complexe, et il existe de nombreuses façons de mesurer la productivité. Certains économistes remettent en question l’utilisation de la productivité de la main-d’œuvre comme seul indicateur, car celui-ci se contente de diviser les résultats obtenus par le nombre d’heures travaillées, sans tenir compte des capitaux.

Dans l’article d’opinion « Canada’s productivity problem isn’t that big if we exclude oil », ou « le problème de productivité du Canada n’est pas si imposant que cela si on fait abstraction du pétrole », qui a été publié dans le Globe and Mail, un professeur de sciences économiques de l’Université McMaster explique qu’au lieu de parler de productivité, nous devrions parler de productivité multifactorielle, une notion qui compare les résultats obtenus aux intrants, à savoir la main-d’œuvre et le capital. Si on exclut le secteur pétrolier, on voit que la productivité du Canada a crû au même rythme que celle des États-Unis.

En fait, le gouvernement fédéral est tout à fait conscient de la nécessité d’investir dans la productivité. Le budget de 2024 contenait une série de mesures importantes en ce sens. Je pense par exemple aux investissements ciblés visant à stimuler le développement d’infrastructures d’intelligence artificielle propres au Canada. Il a aussi bonifié le soutien à la recherche en investissant 3,5 milliards de dollars dans une nouvelle infrastructure de recherche stratégique et dans les bourses de recherche fédérales. C’est sans oublier le nouveau crédit d’impôt à l’investissement dans la chaîne d’approvisionnement de véhicules électriques, le soutien au secteur canadien des biocarburants et les nombreuses autres mesures visant à stimuler la recherche, l’innovation et la productivité.

Ces investissements stratégiques ne résoudront pas nos problèmes de productivité du jour au lendemain, mais si nous continuons d’investir de manière constante et ciblée dans les secteurs les plus névralgiques, nous pouvons croire à la prospérité à long terme de notre pays.

D’ici là, cela dit, les Canadiens continuent de ressentir le fardeau des dernières années sur leurs épaules, ce qui se reflète sur leurs habitudes de consommation. Nous savons que les répercussions sur l’ensemble de l’économie sont bien réelles. Même si l’inflation a ralenti et que les taux d’intérêt ont redescendu, les dépenses de consommation par habitant demeurent modestes et l’économie canadienne ne tourne pas à plein régime.

Le projet de loi C-78 a la solution à ce problème bien réel. En un mot, il propose d’offrir un congé de deux mois de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée, soit la TPS et la TVH, sur toutes sortes d’articles, notamment à l’épicerie, qui sont normalement taxés, comme les repas au restaurant, les boissons, les collations, les vêtements pour enfants et les jouets. Le congé en question sera en vigueur du 14 décembre 2024 au 15 février 2025. Comme nous en avons discuté, nous constatons qu’il existe un fondement théorique solide pour ce type de soutien. Dans les bonnes conditions, les interventions du gouvernement dans l’économie — par exemple au moyen d’un soutien ou d’une réduction de la taxe — peuvent entraîner un changement positif et stimuler les dépenses de consommation.

(1550)

Les mesures du projet de loi sont également calibrées de manière à répondre aux difficultés qu’entraîne le sentiment actuel des consommateurs, qui n’est pas en phase avec l’amélioration observée des indicateurs économiques. En effet, les mesures sont temporaires et leur impact sur l’inflation est censé être très limité. L’inflation s’étant ralentie et les taux d’intérêt ayant baissé, les mesures soutiendraient donc les consommateurs et les entreprises du Canada d’une manière qui ne stimulera pas l’inflation, mais qui aidera les Canadiens à joindre les deux bouts tout en stimulant la croissance économique.

[Français]

Nous avons entendu les témoignages de représentants des secteurs canadiens de la vente au détail et de la restauration, qui ont exprimé leur soutien aux mesures de stimulation temporaires prévues dans le projet de loi C-78.

[Traduction]

Le représentant du Conseil canadien du commerce de détail, Karl Littler, vice-président principal des Affaires publiques, a conclu que :

[...] nous appuyons cette politique visant à accorder un congé de TPS et nous croyons qu’elle aura des avantages concrets et importants tant pour les consommateurs que pour les détaillants.

Comme l’a expliqué M. Littler :

« [...] même ceux qui ne vendent pas les produits concernés pourraient en tirer un avantage, car ces mesures réduisent la pression sur le portefeuille des consommateurs [...] ».

Il a ajouté que « c’est l’avantage du côté de la demande ».

Il a ensuite expliqué ceci :

[...] il y a un autre avantage pécuniaire pour les détaillants [...] Comme ces produits nouvellement inclus sont détaxés, les détaillants disposeront de crédits de taxe sur les intrants majorés. Ceux-ci réduisent à leur tour la TPS qu’il faudrait autrement payer au gouvernement. Cet avantage est calculable et concret pour chaque détaillant.

Le représentant de Restaurants Canada, Maximilien Roy, vice‑président, Fédéral et Québec, a appuyé encore plus vigoureusement le projet de loi C-78. Comme l’a souligné M. Roy :

[...] le projet de loi C-78 est plus qu’une mesure temporaire, c’est une bouée de sauvetage pour une industrie en difficulté et un catalyseur pour la reprise économique. Il est bon pour les entreprises, les travailleurs et les Canadiens [...]

Une fois de plus, les observations de M. Roy montrent que l’effet d’entraînement positif qui se produit quand l’argent circule dans l’économie entraîne des retombées économiques encore plus importantes.

[Français]

Comme l’a également précisé M. Roy, cet impact pourrait être important pour le secteur de la restauration, et même au-delà. Il nous a dit ce qui suit, et je cite :

Selon notre économiste en chef, cette pause fiscale pourrait générer près de 1,5 milliard de dollars en ventes additionnelles pour notre industrie pendant cette période. Ce chiffre témoigne de l’impact positif qu’un tel geste peut avoir, non seulement pour les restaurateurs, mais aussi pour l’ensemble de l’économie.

[Traduction]

Somme toute, les témoins que nous avons entendus nous ont donné un aperçu concret de la façon dont les mesures de stimulation prévues dans le projet de loi C-78 leur seront bénéfiques.

Oui, il est vrai que certains témoins nous ont dit que l’allégement fiscal offert par le projet de loi C-78 imposerait un fardeau administratif aux entreprises qui devraient ajuster la TPS/TVH sur les produits précisés dans le projet de loi. Leurs préoccupations n’étaient pas liées à l’incitatif fiscal créé par le projet de loi C-78 ou à ses répercussions financières sur les entreprises et l’économie, mais plutôt à la quantité de travail générée avant et après les ajustements à la TPS/TVH. Ces témoins nous ont également dit que l’Agence du revenu du Canada apporte de façon active et proactive un soutien accru aux entreprises pour les aider à mettre en œuvre l’allégement proposé.

Certains témoins ont aussi clairement affirmé que les avantages pour les entreprises dans l’économie en général l’emporteraient sur tout fardeau administratif. M. Littler, du Conseil canadien du commerce de détail, a dit :

Ces problèmes n’enlèvent rien au fait que le congé de TPS permettra aux consommateurs d’économiser environ 1,6 milliard de dollars. Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que nous sommes les principaux bénéficiaires de cette mesure. Elle est conçue et mise en œuvre en tant que mesure destinée aux consommateurs, mais nous en sommes les principaux bénéficiaires secondaires.

La clientèle des entreprises qui vendent des produits nouvellement détaxés trouvera les prix tout compris de ces produits plus abordables [...]

Le point de vue des représentants des secteurs de la vente au détail et de la restauration sur la manière dont le projet de loi C-78 soutiendra l’économie est aussi étayé par les travaux d’économistes professionnels.

Par exemple, à la suite de l’annonce par le gouvernement, le 21 novembre 2024, des mesures d’allégement de la TPS/TVH prévues dans le projet de loi C-78, la Direction des études économiques de la Banque de Montréal a revu ses prévisions de croissance à la hausse, indiquant que « […] l’allégement de la TPS/TVH entraînera des dépenses supplémentaires et fera passer de 1,7 à 2,5 % la croissance du PIB au premier trimestre de 2025 […] ».

Je voudrais faire un commentaire, chers collègues. Nous parlons d’un chiffre d’affaires supplémentaire de 1,5 milliard de dollars pour le seul secteur de la restauration. Si on prend en considération la partie de la TVH et de la TPS qui sera incluse dans cette somme déterminée par le directeur parlementaire du budget, les ventes seront encore plus importantes. Nous devons donc tenir compte des retombées qu’une telle mesure aura. Si les clients vont économiser 1,5 milliard de dollars en TVH, combien de ventes cela va-t-il générer? Le volume est vraiment un facteur à prendre en considération.

[Français]

Chers collègues, tout cela met en lumière ce que j’ai clairement indiqué au début de mon intervention aujourd’hui, à savoir que le travail du Sénat sur ce projet de loi a été très réfléchi et productif. Nous avons constaté que le Canada fait face à une reprise tardive des dépenses de consommation, même si l’inflation est retombée dans sa fourchette cible, que les taux d’intérêt se normalisent et que les conditions économiques globales en matière d’emploi et de croissance sont solides. Nous avons aussi constaté que ce frein à la confiance des consommateurs empêche l’économie d’atteindre sa pleine capacité.

Nous avons appris que le projet de loi C-78 augmenterait temporairement la demande agrégée à un moment de l’année où les Canadiens sont aux prises avec des dépenses plus élevées qu’à l’habitude. Ce projet de loi permettrait de réduire de façon temporaire les coûts auxquels font face les Canadiens. Ce faisant, il est prévu qu’il y aurait une incidence positive sur l’économie et sur le niveau de confiance des consommateurs.

Nous savons également qu’il s’agit d’une bonne mesure au bon moment. Avec le ralentissement de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt, le projet de loi C-78 offre la possibilité de soutenir les consommateurs et les entreprises du Canada d’une manière qui ne stimulera pas l’inflation, mais qui aidera plutôt les Canadiens à joindre les deux bouts. La mesure est restrictive et vise des secteurs bien définis, certains d’entre eux souffrant davantage de la conjoncture économique.

Des représentants des secteurs de la vente au détail et de la restauration nous ont indiqué pourquoi ils soutiennent le projet de loi et comment il soutiendrait non seulement leur secteur, mais aussi l’ensemble de l’économie. Certains économistes de grandes banques ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour l’économie canadienne à la suite de l’annonce de ce soutien. Ce sont là des raisons économiques viables pour soutenir le projet de loi C-78.

Comme le gouvernement l’a bien indiqué, le projet de loi permettra aux Canadiens de disposer d’un peu plus d’argent à un moment de l’année où les dépenses sont plus élevées, pour les aider à compenser le coût des choses dont ils ont besoin. Ils pourront se concentrer davantage sur le temps passé à festoyer en famille et entre amis et passer moins de temps à s’inquiéter de leurs finances.

C’est aussi une façon de reconnaître que le gouvernement compte sur les Canadiens pour continuer d’alimenter une forte reprise économique jusqu’à la fin de l’année et même au cours de l’année 2025.

(1600)

[Traduction]

J’aimerais faire part à mes collègues d’un article publié dans le Globe and Mail par la journaliste Shannon Proudfoot. Elle a écrit ceci :

Or, cette semaine, la ministre des Finances Chrystia Freeland a comparu devant le Comité sénatorial des finances nationales pour défendre le congé de TPS accordé par son gouvernement pour deux mois. Puisqu’il s’agissait d’un comité du Sénat et non d’un comité de la Chambre des communes, la façon de travailler était complètement différente. Il ne s’agissait pas d’un exercice manifestement partisan et il n’y avait ni envolées théâtrales ni manœuvres politiques, seulement des questions précises et techniques dans le but d’obtenir de vraies réponses.

En a conclu son article ainsi :

Cette semaine, les sénateurs qui siègent au Comité des finances nationales ont rendu service à la population en posant leurs questions avec calme et minutie.

[Français]

Je remercie mes honorables collègues, qui ont fait un excellent travail en prenant en compte toutes les dimensions du projet de loi C-78 dans leur analyse. Ils ont fort bien compris les dimensions politiques et économiques de ce projet de loi. Ils se sont interrogés sur son bien-fondé et sa faisabilité. Ils ont très bien évalué les aspects économiques des nouvelles mesures proposées, tant du point de vue de la situation financière des ménages que de l’impact économique sur leur province respective.

En tenant compte de ce qui précède, je vous encourage à appuyer le projet de loi C-78, au nom des Canadiennes et des Canadiens qui en ont réellement besoin.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

L’honorable Percy E. Downe : Je me demande si la sénatrice accepterait de répondre à une question.

La sénatrice Moncion : Je vais répondre à toutes les questions, monsieur le sénateur.

Le sénateur Downe : Merci. Il y a cinq jours, le premier ministre a publié un gazouillis :

Dans moins de deux semaines, votre épicerie vous coûtera moins cher. Les Canadiens vont avoir un congé de taxe, et ça commence le 14 décembre.

Comment le premier ministre peut-il savoir comment les sénateurs indépendants voteront?

La sénatrice Moncion : C’est une très bonne question. Il a supposé que les sénateurs voteraient en faveur de ce projet de loi. C’est tout ce que je peux dire. Je ne sais pas ce qu’il pensait à ce moment-là, sénateur.

Le sénateur Downe : Ne pensez-vous pas que les députés libéraux infligent un affront au Sénat lorsqu’ils diffusent des publicités indiquant que nous aurons un allégement fiscal le 14 décembre, avant même que le Sénat se soit prononcé sur la question? Si oui, ne sommes-nous pas en train de participer à une sorte de mascarade, où des gens interviennent avec de bonnes intentions, prononcent des discours et font des observations? Tout cela n’est qu’une comédie. Êtes-vous aussi préoccupée que moi, étant donné que l’on diffuse partout au Canada des publicités annonçant qu’il y aura un allégement fiscal le 14 décembre?

La sénatrice Moncion : Merci, sénateur Downe. Je suis déçue que vous pensiez cela de nos travaux et que vous les considériez comme une comédie. Ce projet de loi n’a pas été examiné à la Chambre des communes. Il a été transmis au Sénat pour un examen approfondi, effectué par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le travail que nous avons effectué et que nous effectuons sur chaque projet de loi est important, que nous nous prononcions pour ou contre le projet de loi. Ce que nous faisons ici est extrêmement important pour les Canadiens.

Comme l’a dit la journaliste, nous avons fait notre travail avec diligence et nous avons posé de bonnes questions. Je m’en tiendrai à cela. Je trouve vos autres commentaires décevants, car le travail que nous effectuons ici est important.

On entend souvent dire à la Chambre des communes que plusieurs personnes ont voté en faveur d’une mesure ou d’une autre. Dans le cas présent, ce que nous faisons ici est extrêmement important, et c’est ensemble que nous déciderons de l’issue de ce projet de loi, aujourd’hui ou cette semaine.

Le sénateur Downe : Vous n’avez pas répondu à ma question. Cela ne vient pas de la Chambre des communes, mais de députés qui publient des annonces dans les journaux en présumant de ce que fera le Sénat. Comment peut-on dire que cela n’est pas un jugement à l’endroit du Sénat et des personnes qui y travaillent, y compris tous les membres du Comité des finances?

La sénatrice Moncion : Sénateur, je ne suis pas nécessairement d’accord avec vous, parce que pour tout projet de loi sur lequel nous travaillons, nous recevons tellement d’informations de la part de nombreuses personnes qui nous dictent comment nous devrions voter.

Le projet de loi C-78 n’est pas différent. Si le premier ministre a décidé que nous devons voter en faveur de ce projet de loi, c’est sa prérogative de le dire. Comme pour beaucoup de commentaires que nous entendons, la valeur que nous leur accordons dépend de la façon dont nous les recevons et de la façon dont nous choisissons de les utiliser.

[Français]

L’honorable Clément Gignac : Madame la sénatrice, premièrement, je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez fait et pour la diplomatie dont vous avez fait preuve, sans parler de votre courage à titre de marraine de ce projet de loi, qui s’intitule quand même Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).

Comme vous le savez, je ne suis plus membre du Comité des finances nationales, mais j’ai été observateur lors des séances du comité. Étant donné que le titre du projet de loi est Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), les membres du comité en sont arrivés à la conclusion, selon les témoignages qu’ils ont entendus, et je cite :

[...] que le projet de loi C-78 ne répond pas adéquatement aux besoins des Canadiens qui ont du mal à se procurer des produits de première nécessité, notamment de la nourriture et un abri.

Comment mes collègues ont-ils pu en arriver à une telle conclusion?

La sénatrice Moncion : Merci pour la question, sénateur Gignac. J’ai assisté aux réunions du comité. On a beaucoup parlé d’inflation. On a parlé du coût de la vie qui augmente depuis plusieurs années. La nourriture et le logement sont probablement les deux aspects les plus coûteux et les plus importants qui sont associés aux coûts que les consommateurs canadiens doivent assumer. Malheureusement, on est obligé de manger, si ce n’est pas trois fois, à tout le moins deux fois par jour.

Ce projet de loi ne règle pas la totalité de l’enjeu de l’abordabilité, mais il aide et il permet aux gens d’avoir un peu plus d’argent dans leurs poches à un moment de l’année où les dépenses sont plus élevées pour la nourriture, car ce sont des choses qu’ils n’achètent pas souvent au cours de l’année. Il s’agit de permettre aux gens d’avoir un peu plus d’argent dans leurs poches durant une période qui est potentiellement un peu plus difficile pour les familles.

Le sénateur Gignac : Même si je vais appuyer ce projet de loi, j’ai réagi à un mot que vous avez utilisé. Vous avez dit que le projet de loi avait été bien réfléchi. Cela m’a quelque peu interpellé. Même si je vous ai dit en privé et que je dis maintenant que je vais appuyer le projet de loi pour toutes sortes de raisons, pas nécessairement économiques, à votre connaissance, dans les 30 ou 40 dernières années, avez-vous déjà vu une mesure fiscale qui avantage un Canadien davantage, selon la province où il réside? En Ontario, les gens vont bénéficier d’un rabais de 13 %, puisqu’il s’agit d’une taxe de vente harmonisée. Au Québec, où l’on administre et l’on collecte la TPS, et où l’on fait tout pour le gouvernement fédéral, le gain est seulement de 5 %.

Étant donné que vous avez dit que cette mesure avait été mûrement réfléchie, avez-vous déjà vu une telle mesure fiscale prise par un gouvernement, qui avantage plus les Canadiens d’une province que d’une autre?

La sénatrice Moncion : Merci pour votre question bien réfléchie, monsieur le sénateur Gignac. Ce que je peux vous dire par rapport à cela, c’est que les sénateurs qui siégeaient au comité ont réfléchi au projet de loi C-78. C’est dans ce contexte qu’on parle de réflexion. Si vous me demandez de retourner en arrière, au cours des 40 dernières années, je peux vous dire que certains projets de loi ont été souvent adoptés avec une pince sur le nez. Cela arrive souvent dans le cas de projets de loi d’intérêt privé. On en a vu une panoplie récemment pour lesquels on a dû se pincer le nez pour les adopter. Si vous me parlez des 40 dernières années, on n’a pas à aller aussi loin.

Je tiens pour acquis, monsieur le sénateur, que les membres du comité ont fait leur travail. J’étais là. Je vous dirais que, d’un côté de la pièce, il y avait la « French connection », dont certains économistes et d’anciens banquiers faisaient partie, et de l’autre côté, ce n’était pas la « French connection », mais plutôt la « other province connection ». Les questions qui ont été posées étaient bien réfléchies et excellentes. J’ajouterais que ces questions venaient presque toujours des femmes. Même les questions qui sont ressorties du groupe étaient excellentes.

(1610)

Bien que ce soit un projet de loi qui peut nous rendre mal à l’aise pour toutes sortes de raisons, il émane du gouvernement et il cherche à aider les Canadiens dans une période peut-être un peu plus difficile.

[Traduction]

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Moncion, à la fin de votre discours, vous avez cité une chronique que Shannon Proudfoot vient d’écrire à ce sujet. J’ai été surprise que vous citiez un extrait de cette chronique, car elle était plutôt accablante envers le gouvernement. Elle s’intitule « Chrystia Freeland a répondu aux questions du Sénat sur l’exemption de la TPS, et cela ne s’est pas bien passé ». Dans l’extrait que vous avez cité, vous avez arrêté juste avant cette phrase : « En résumé, c’était un désastre pour un gouvernement qui veut se montrer prévenant et cohérent avec cette mesure. » On y cite ensuite un certain nombre d’excellentes questions que de nombreux sénateurs ont posées lors de la comparution de Chrystia Freeland devant le comité.

En plus des nombreuses préoccupations soulevées par les sénateurs, une grande partie de la discussion sur le projet de loi C-78 a porté sur l’absurdité des choix faits par le gouvernement Trudeau dans le cadre de ce qu’on appelle le congé de TPS. On inclut notamment les poupées avec lesquelles les enfants jouent, mais pas celles que les gens exposent. On inclut les jeux LEGO « pour enfant », mais pas les jeux LEGO « pour adulte » qui sont presque identiques, comme des jeux de la Guerre des étoiles, par exemple. Les guitares jouets sont incluses, mais pas les vraies guitares. Voilà le genre de choix que le gouvernement Trudeau a faits dans le cadre de ce projet de loi. Comment pouvez-vous défendre cette mesure en disant qu’elle a du bon sens?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie pour la question. Premièrement, en ce qui concerne l’article, j’ai cité l’extrait qui faisait l’éloge du travail du Sénat et du Comité des finances nationales, car je crois qu’il est important de féliciter mes collègues de l’excellent travail qu’ils ont fait.

En ce qui a trait aux choix que le gouvernement a faits, il appartenait au gouvernement de l’heure de les faire. Nous pouvons en discuter, nous pouvons les approuver ou les désapprouver, mais en fin de compte, nous devons travailler avec la mesure qui nous est présentée, c’est-à-dire le projet de loi C-78, avec tous ses tenants et ses aboutissants. Je ne m’aventure pas plus loin que cela par rapport aux questions qui ont été posées. Ces questions ont été posées par les sénateurs membres du comité et ceux-ci semblaient approuver le rapport qui a été présenté.

La sénatrice Batters : Plus tôt dans votre discours, vous avez parlé du problème de la productivité au Canada. J’aimerais savoir en quoi ce petit tour de passe-passe fiscal temporaire va contribuer à régler ce problème. Dans votre discours sur le projet de loi C-78, vous avez dit, si je ne m’abuse, que cela aidera les travailleurs à augmenter leur productivité. N’est-ce pas en fait un énorme problème relativement au projet de loi C-78? Le congé de TPS de deux mois que propose le gouvernement Trudeau forcera les propriétaires de petite entreprise et leurs employés à consacrer, en cette période de l’année très occupée, une multitude d’heures improductives à rajuster les prix d’une centaine d’articles dans leur magasin pour tenter de se conformer à une politique irréfléchie du gouvernement Trudeau qui semble avoir été rédigée sur une serviette de table en papier. N’est-ce pas le sort qui attend les petites entreprises canadiennes?

La sénatrice Moncion : Merci de votre question. En ce qui concerne la productivité, il s’agissait d’une observation de David Dodge, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada. Elle portait sur la mesure qu’il a présentée au comité. L’argument que je présente dans mon discours est différent. C’est plutôt un contre-argument selon lequel nous examinons la productivité en supprimant la part du secteur pétrolier. Nous avons ainsi une représentation plus précise de notre productivité, et la conclusion de cet économiste, c’est que notre productivité est semblable à celle des États-Unis.

Quant à la quantité de travail qui sera générée pour les petites et moyennes entreprises, en fonction de leur taille, c’est préoccupant en raison de la quantité de travail que représentera la reprogrammation des systèmes afin de prendre en compte le congé de TPS et les avantages qui y sont associés. C’est une préoccupation. Le gouvernement a l’intention d’examiner cette situation — pas maintenant, mais plus tard — pour voir comment les choses vont se passer à la fin de cette période de deux mois et pour voir ce qui peut être fait, le cas échéant.

La prémisse, c’est que la plupart des entreprises profiteront de cette mesure grâce aux économies de 1,5 milliard de dollars qui seront réalisées. C’est le coût du congé de taxe selon le rapport du directeur parlementaire du budget. Il s’agit uniquement de la TPS, ou de la TVH dans certaines provinces. C’est 1,5 milliard de dollars. Je n’ai même pas fait le calcul qui me permettrait de vous dire combien de ventes seront générées pour que les économies s’élèvent à 1,5 milliard de dollars.

L’honorable Marty Deacon : Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Moncion : Oui.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. Cela s’inscrit peut-être dans le prolongement de la discussion que nous avons maintenant. J’ai essayé de mettre les choses en contexte. Au cours de la fin de semaine, j’ai rencontré, peut-être pas intentionnellement, plusieurs propriétaires d’entreprise.

C’est peut-être parce que c’est nouveau et qu’il y a un peu de panique face au changement ou parce que les gens essaient de s’adapter à des aspects à court terme, mais les préoccupations dont on m’a fait part concernent pour l’essentiel le point de vente. Vous en avez parlé il y a un instant. Les chefs d’une petite entreprise, en particulier, disent que leurs clients ont cessé de magasiner il y a une semaine et demie et attendent la baisse des prix le 16 décembre. Ils disent qu’ils n’ont pas le personnel nécessaire, qu’ils ne peuvent pas engager quelqu’un, et que, maintenant, ils pensent que chaque transaction leur prendra deux ou trois fois plus de temps. L’élément qui semble aussi dominer ce genre de conversations est la question de savoir si, le 15 février, il y aura un programme ou une ligne téléphonique en place pour aider les petites entreprises à suivre la procédure et pour répondre à des questions au moment de la déclaration de la TPS?

C’est le genre de choses qui semblent les inquiéter : la difficulté d’avoir un personnel suffisant, la perte de revenus au lieu d’un gain en raison de cette pause de magasinage pendant la période la plus occupée de l’année, les façons de tenter de s’adapter et le contrôle qui sera exercé au bout du compte. Par l’entremise de vos propos d’aujourd’hui ou de ce qui est ressorti de l’étude du Comité des finances nationales, je me demande si vous pouvez apaiser certaines des inquiétudes de ces personnes qui doivent se conformer à la mesure.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Les représentants de l’Agence du revenu du Canada étaient présents. Depuis le 21 novembre, ils répondent à des questions et ils travaillent avec les différentes entreprises sur la façon de procéder.

Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais le projet de loi C-78 ne prévoit aucune pénalité ni sanction, et c’est un choix délibéré. Des représentants de l’Agence du revenu du Canada nous ont dit qu’ils travailleront avec les propriétaires pour régler toutes les situations, et que les erreurs commises de bonne foi seront traitées comme telles. Il semble qu’un cadre complet sera mis en place. Le gouvernement n’a pas l’intention de pénaliser les propriétaires d’entreprise, mais plutôt de travailler avec eux pour assurer la réussite de ce projet.

La sénatrice M. Deacon : J’ai lu au sujet des pénalités et j’ai essayé d’exprimer ce qu’il est en. Je ne sais pas si c’est à cause des mesures liées à la COVID ou d’autre chose, mais les gens s’inquiètent de ce qui se passera ensuite.

Lors de vos conversations avec l’Agence du revenu du Canada et avec différentes personnes, vous a-t-on indiqué si les petites entreprises ou les personnes qui ne sont pas dans les grandes entreprises avaient pu être consultées lors de l’élaboration de ce projet de loi, dans le cadre de vos audiences?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question. C’est une question qui a déjà été posée. Sans avoir tenu de consultations, le gouvernement a tout de même travaillé avec les entreprises dès le 21 novembre sur différents aspects de ce projet de loi. Même s’il n’y a pas eu de consultations officielles, le gouvernement a collaboré avec différentes entreprises.

(1620)

L’honorable Jim Quinn : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Moncion : Oui.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie de toutes vos observations, sénatrice Moncion. J’ai pu voir le témoignage de la ministre des Finances lorsqu’elle a comparu devant le comité. Les membres du comité ont fait du bon travail; ils ont posé d’excellentes questions. Je dois dire que les réponses m’ont paru plutôt courtes, voire évasives.

Dans mon coin du monde, il n’y a eu aucune consultation auprès des trois provinces des Maritimes qui ont la TVH. Ma province, le Nouveau-Brunswick, a appris qu’il y aurait ce programme la veille de l’annonce, en soirée. Le premier ministre King, de l’Île-du-Prince-Édouard, l’a appris dans un communiqué de presse, et la Nouvelle-Écosse était en pleine période électorale. Je crois que les députés ont été pris par surprise par cette mesure, comme c’était peut-être le cas des membres du Cabinet, mais, étant donné que les provinces ont été peu consultées, voire pas du tout, et, compte tenu de ses répercussions financières, la Chambre des communes n’aurait-elle pas dû demander à son comité de procéder à un examen initial de cette politique fiscale avant qu’elle soit renvoyée au Sénat? Il semble que les élus auraient dû avoir la possibilité de le faire. Êtes-vous de cet avis? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait?

La sénatrice Moncion : Il m’est difficile d’être d’accord ou non, car je ne suis pas nécessairement au courant de la façon dont certaines de ces choses sont élaborées au sein du gouvernement.

Je peux toutefois dire, sénateur, que jusqu’à présent Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et l’Ontario ont annoncé qu’elles renonceraient à leur portion de la TVH. Le gouvernement fédéral travaille avec le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse pour trouver des terrains d’entente et comprendre comment ces provinces comptent procéder.

Le sénateur Quinn : Je crois savoir que des discussions ont eu lieu avec les provinces que vous avez mentionnées, de sorte qu’il y aura évidemment un certain type de compensation. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, il s’agit d’une perte de 70 millions de dollars. Dans les accords en matière de TVH conclus avec les provinces, il y a un avenant de 1 %, si vous voulez, qui dit que si quelque chose dépasse le 1 %, cela se traduit par une ponction automatique; c’est une exigence légale. Le gouvernement n’a pas respecté cette exigence.

Pour ce qui est des provinces que vous avez mentionnées, il doit y avoir un compromis. En ce qui concerne le Nouveau-Brunswick, je ne peux pas commenter leurs discussions, mais je peux dire qu’il y aura un impact fiscal de 70 millions de dollars dans ma province — une province dont la population n’est pas la plus riche du Canada.

Comment les provinces qui ne sont pas compensées gèrent-elles cette question dans le cadre de leur propre régime fiscal? D’une manière ou d’une autre, ce sont les contribuables qui paieront la note.

La sénatrice Moncion : Le seuil de 1 % est toujours en place, sénateur. Il faudra trouver une solution dans le cadre des seuils en place. Ce n’est pas un coût qui sera assumé par les contribuables — en fin de compte, oui, la perte de revenus provenant de la TVH aura une incidence sur les états financiers du gouvernement. Toutefois, grâce au seuil, les provinces n’auront pas à en payer le prix.

Le sénateur Quinn : Puis-je poser une dernière question?

La sénatrice Moncion : Vous pouvez en poser autant que vous le souhaitez.

Le sénateur Quinn : Ce sera ma dernière, même si j’en ai d’autres.

Comme la sénatrice Marty Deacon, de l’Ontario, j’ai eu l’occasion la semaine dernière de discuter avec des propriétaires de petites entreprises de Saint John, d’où je viens. Il n’y en a pas un seul qui était content, à part peut-être quelques propriétaires de restaurants. Les autres devront dépenser jusqu’à 1 000 $ pour reprogrammer leurs appareils, et pour seulement deux mois, parce qu’ils devront ensuite tout recommencer dans l’autre sens.

Les petites entreprises qui doivent assumer ces coûts devraient-elles être indemnisées? Devraient-elles faire l’objet d’une négociation à part, semblable à celle que vous évoquez pour les provinces?

La sénatrice Moncion : Merci, sénateur Quinn, pour la question.

On sait que les petites et moyennes entreprises vont devoir assumer des coûts, mais elles vont aussi recevoir des revenus. Le gouvernement estime que la plupart de ces petites et moyennes entreprises gagneront plus d’argent en augmentant leurs ventes que ce qu’il leur en coûtera pour programmer leurs systèmes.

Comme je l’ai dit plus tôt, à la fin du processus, le gouvernement examinera la situation et discutera des différentes critiques que le projet de loi a suscitées. Il n’y a pas de promesses ici, mais il y aura des discussions sur ce point particulier.

L’honorable Denise Batters : Je voudrais faire suite à une réponse que vous avez donnée plus tôt, sénatrice Moncion. Vous avez dit que le projet de loi C-78, ne prévoit aucune sanction pour les propriétaires de petites entreprises qui ne versent pas correctement les taxes perçues. J’imagine que la raison pour laquelle il n’y a pas de sanctions précises pour ce projet de loi, c’est parce qu’il ne fait que modifier la Loi sur la taxe d’accise, qui prévoit de telles sanctions pour toute omission d’effectuer les versements qui doivent être faits au gouvernement du Canada et à l’Agence du revenu du Canada pour ce genre de choses.

Je voulais simplement que vous le précisiez, car je ne veux pas que les personnes qui pourraient être responsables de verser les bons montants de taxe pensent que le gouvernement du Canada leur donne un passe-droit leur permettant de ne pas verser les bons montants.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question. Ce projet de loi ne modifie pas une loi; il ajoute un nouvel article à une loi. C’est dans le document qui a été fourni lorsque le projet de loi C-78 a été présenté.

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je félicite la sénatrice Moncion d’avoir parrainé ce projet de loi, car elle nous rend un grand service. Je suis le porte-parole désigné du Groupe des sénateurs canadiens. Je vous promets de ne pas en parler pendant 45 minutes, mais je suis quand même content de pouvoir parler de ce projet de loi.

Chers collègues, les dernières semaines ont été extrêmement difficiles pour les petites entreprises. Puis, juste au moment où s’entamait le moment le plus occupé de ce qui aurait pu être une bonne année pour elles, voilà que les travailleurs de Postes Canada ont décidé de faire la grève. Une semaine plus tard, le 21 novembre, elles ont appris qu’elles seraient contraintes d’appliquer pendant deux mois un congé de TPS et de TVH à une liste aléatoire de produits, ce qui n’est pas une mince affaire, comme nous venons de l’entendre.

Quand le premier ministre et la vice-première ministre ont annoncé le congé de taxe, le premier ministre a déclaré que, pendant deux mois, les Canadiens profiteraient d’un moment de répit dans tous les domaines de leur vie.

Il a ajouté ceci :

Le gouvernement ne peut pas fixer les prix à la caisse, mais il peut faire en sorte que les gens aient plus d’argent dans leurs poches. Les Canadiens pourront bénéficier du répit dont ils ont besoin.

Pour citer le premier ministre, le congé de taxe devait d’abord être accompagné d’un chèque de 250 $ afin que les travailleurs du pays puissent acheter les choses dont ils ont besoin et épargner pour les choses qu’ils désirent. C’est seulement dommage que, de nos jours, les Canadiens soient beaucoup plus nombreux à se soucier de leurs factures en retard que de leur compte d’épargne. Cette mesure ponctuelle, qui s’adresse aux travailleurs du pays, devrait permettre à 18,7 millions de Canadiens ayant gagné moins de 150 000 $ en 2023 de recevoir un chèque de 250 $ au début du printemps 2025.

Lorsque je pense à ceux qui ont le plus de mal à payer leur panier d’épicerie, je ne pense pas en premier lieu à ceux qui gagnent 150 000 dollars par an, ce qui inclut pratiquement toutes les personnes présentes dans la salle.

Le lendemain, le premier ministre a déclaré que « ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur épicerie ». Il a raison, et vous m’entendrez répéter cette importante déclaration fréquemment au cours de mon discours, mais il n’y a pas de TPS sur les articles d’épicerie.

Qu’est-ce qui a donc donné naissance à la politique annoncée le 21 novembre? Il semblerait, et cela n’a pas été démenti, que le premier ministre et la vice-première ministre n’ont consulté ni le Cabinet ni leurs collègues de caucus qui ont des comptes à rendre aux citoyens de leur circonscription. Ils n’ont pas non plus consulté les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada responsables de l’orientation et de la conformité des entreprises en matière de TPS. Au comité, quand j’ai demandé aux fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada s’ils avaient été consultés, ils m’ont répondu un peu sèchement « non ».

(1630)

Je crois comprendre qu’une ou deux provinces avaient été prévenues, mais la plupart ne l’ont pas été. Maintenant, on s’efforce de contraindre par la honte les provinces à participer proactivement à l’initiative. La vice-première ministre a répété le mot « proactivement » au comité, mais, dans ce contexte, utiliser ce mot me semble au mieux malhonnête.

Dans sa chronique publiée dans le Globe and Mail qui relate l’excellent travail du Comité des finances nationales, Shannon Proudfoot a déclaré que cette stratégie revenait à annoncer unilatéralement à vos frères et à vos sœurs que vous avez acheté à vos parents un téléviseur à écran géant et qu’ils vous doivent chacun 500 $. Cette stratégie n’aurait pas fonctionné dans ma famille.

Le projet de loi C-78, appelé Loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens, inclut seulement le congé de TPS et de TVH, ainsi que des modifications à la Loi sur la taxe d’accise.

On négocie encore avec le NPD pour déterminer qui recevra les chèques de 250 $. S’il est adopté, le projet de loi C-78 créera un trou de 90 millions de dollars dans le budget de la Nouvelle-Écosse, quelques mois après que la province a annoncé plusieurs décisions visant à réduire de façon permanente les frais et les taxes.

Selon l’entente sur la TVH conclue avec la Nouvelle-Écosse, le gouvernement fédéral est tenu de rembourser la province si sa décision unilatérale réduit les recettes provinciales globales de plus de 1 % au cours d’une année civile. Compte tenu de cette obligation contractuelle, je suis profondément troublé par le fait que ce gouvernement tente de contraindre ma province à assumer la responsabilité de cette décision fédérale.

Le plus décevant, c’est qu’il n’y a eu aucune consultation avant l’annonce de cette politique. On a forcé la main au caucus, aux ministères fédéraux et aux entreprises, et voilà maintenant qu’on tente de forcer la main aux provinces.

Chers collègues, voici pourquoi je suis totalement opposé au projet de loi C-78.

Premièrement, il n’y a aucune logique sous-jacente à la liste aléatoire d’articles sélectionnés pour l’inclusion. La ministre a déclaré à plusieurs reprises au comité que ce projet de loi supprimerait la TPS et la TVH sur les produits d’épicerie, mais il n’y a pas de TPS ou de TVH sur les produits d’épicerie essentiels, seulement sur les aliments préparés plus coûteux. Lorsqu’on examine la liste, on constate que ceux qui en bénéficieront le plus ne sont certainement pas ceux qui ont le plus besoin d’aide. La majorité des articles sur la liste n’étant pas essentiels, les familles qui ont déjà du mal à payer leur épicerie n’en tireront que peu d’avantages. Cela contredit l’affirmation du premier ministre selon laquelle ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur épicerie.

Deuxièmement, le ministère responsable de la mise en œuvre et de la conformité du projet de loi C-78, l’Agence du revenu du Canada, n’a jamais été consulté. C’est une grave erreur, et ce sont les petites entreprises qui en paieront le prix. Ce ne sera peut-être pas sous la forme de pénalités, mais ce le sera certainement sous forme de TPS ou de TVH qui n’auront pas été perçues mais devront être versées. De plus, étant donné que cette mesure est mise en œuvre sur deux années d’imposition, il s’agit d’un risque en matière de responsabilité qui ne sera pas réglé de sitôt. Le fait de ne pas tenir compte de la mise en œuvre et de la conformité devrait être une raison suffisante pour rejeter cette nouvelle politique ou ce nouveau programme.

Troisièmement, les ministères fédéraux dont les objectifs stratégiques sont opposés à cette annonce n’ont pas été consultés. Par exemple, consommer de la malbouffe et des friandises n’est pas recommandé par Santé Canada et n’est pas conforme au projet de loi C-252, qui est appuyé par le gouvernement et qui en est à l’étape de la troisième lecture ici, au Sénat. Le projet de loi C-252 vise à réduire la consommation d’aliments malsains, en particulier chez les enfants. Encore une fois, ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur épicerie.

Quatrièmement, cette politique témoigne de bien peu de considération pour les petites entreprises qui sont forcées de mettre en œuvre cette mesure. Le personnel de première ligne devra expliquer aux clients le caractère aléatoire de la liste très précise des articles admissibles et composer avec toute frustration qui en résultera. J’ai moi-même entendu des propriétaires de petite entreprise exprimer de réelles préoccupations au sujet de la gronde des clients si ces derniers refusent de croire l’inexplicable.

La politique entraînera des coûts disproportionnés pour les petites entreprises. Sa mise en œuvre ne coûtera pas grand-chose aux grandes entreprises. Les petites entreprises devront faire l’opération deux fois, séparément, et ce sont dans bien des cas de petites entreprises familiales.

Cinquièmement, la mise en œuvre des modifications nécessaires aux systèmes de points de vente favorise les grands détaillants qui ont les systèmes, le soutien technique et l’expertise comptable qui leur permettent de faire les modifications de manière centralisée pour ensuite les appliquer à l’échelle nationale. Il leur est plus facile de défendre et d’expliquer les modifications aux clients parce qu’ils disposent d’une campagne publicitaire nationale. Il y a peu de risques qu’ils doivent défendre leurs actions à l’Agence du revenu du Canada de la même manière que les petites entreprises.

Certes, comme l’a dit la sénatrice Moncion, nous avons entendu les mots « efforts raisonnables », « erreurs de bonne foi », et que l’on adoptera « une approche pragmatique en matière de conformité », mais, en cas d’erreur, les petites entreprises demeureront responsables de la TPS ou de la TVH qu’elles ne percevront pas, et elles devront la payer pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans. Elles courent un risque non négligeable si elles ne s’y prennent pas correctement.

Comparativement aux petites entreprises, il sera beaucoup plus facile pour les grandes entreprises de défendre et d’expliquer les modifications aux clients. Je me demande quand nous commencerons à respecter les petites entreprises plus que nous ne le faisons actuellement.

Sixièmement, les Canadiens qui profiteront le plus du congé de TPS/TVH sont ceux qui peuvent se permettre de dépenser le plus. Les familles en difficulté ne peuvent que rêver de pouvoir dépenser les 2 000 $ dont a parlé le ministère des Finances pour acheter des produits admissibles comme des vêtements pour enfants, des chaussures, des jouets, des couches, des livres, des jeux vidéo, des collations à prendre à la maison et des repas au restaurant. Ce ne sont pas les familles en difficulté qui réaliseront des économies de TPS ou de TVH au cours de la période de deux mois.

Chers collègues, quand il a été annoncé, ce congé ponctuel de TPS ou de TVH s’accompagnait d’une proposition de chèque ponctuel de 250 $ pour les Canadiens dont le revenu ne dépassait pas 150 000 $ en 2023. Cette mesure exclut les retraités et les personnes handicapées, ainsi que la tranche de 5 % de la population ayant les revenus les plus élevés. Ce chèque n’est donc pas destiné à ceux qui ont le plus besoin d’aide. Bien au contraire. Encore une fois, ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur panier d’épicerie.

Chers collègues, ce cadeau ne figurait pas dans le programme électoral des libéraux de 2021. On y trouvait plutôt un engagement ferme à mettre en œuvre des services bancaires axés sur le consommateur, également connus sous le nom de services bancaires ouverts, avant janvier 2023. Pourtant, la ministre Freeland a sans cesse retardé la mise en œuvre de cet engagement malgré de vastes consultations entreprises en 2018 — il y a donc plus de cinq ans — avec le soutien enthousiaste du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie en 2019 et le soutien inébranlable des fonctionnaires du ministère des Finances, des provinces, des entreprises, des groupes de consommateurs et de tous les autres groupes auxquels on pourrait penser, à l’exception des cinq grandes banques canadiennes.

Pourquoi soulever cette question maintenant? Qu’est-ce que le fait de donner aux consommateurs un contrôle sûr sur leurs données financières a à voir avec le projet de loi C-78 et l’annonce faite le 21 novembre? C’est important parce que si la ministre Freeland avait donné suite à cette promesse électorale de 2021, les Canadiens économiseraient déjà en moyenne 250 $ par personne chaque année grâce à l’élimination des frais et des coûts bancaires excessifs.

C’est ce qu’a constaté North Economics en comparant les bénéfices des banques canadiennes à ceux des banques britanniques, où les consommateurs contrôlent leurs données. Les consommateurs se servent de leurs données pour obtenir des prêts à moindre coût, payer moins de frais, faire de plus gros intérêts sur l’épargne et courir un moindre risque de fraude. L’étude a révélé que les grandes banques canadiennes réalisaient des bénéfices excédentaires de 8,5 milliards de dollars par an. D’après cette entreprise, c’est parce que le Canada ne s’est pas doté d’un système bancaire ouvert et que nos banques continuent d’exploiter nos données à leur profit, et non au nôtre.

L’agence Fitch Ratings vient de rapporter que les grandes banques canadiennes ont bénéficié d’une hausse de leurs revenus sur 12 mois de 13 %, et le Globe and Mail de samedi rapporte que les primes des dirigeants des grandes banques canadiennes ont bondi de 12 % en 2024 pour atteindre 23,75 milliards de dollars. Les primes des dirigeants des grandes banques canadiennes ont totalisé 23,75 milliards de dollars en 2024.

Si le gouvernement avait tenu sa promesse électorale de 2021, les Canadiens économiseraient en moyenne 250 $ par an, sans qu’il en coûte quoi que ce soit aux contribuables. En tardant à tenir ses promesses électorales, le gouvernement a fait payer aux Canadiens des frais et des coûts parmi les plus élevés au monde, ce qui est particulièrement préjudiciable aux plus vulnérables.

Collègues, la décision dont nous débattons concerne l’annonce du 21 novembre et sa représentation initiale dans le projet de loi C-78. Il ne s’agit pas seulement du montant estimé à 1,7 milliard de dollars, qui ne tient compte que de la TPS dans le contexte de cette mesure; il faut aussi penser à la TVH, et celle-ci ajoute un montant de 1,4 milliard de dollars. C’est le contribuable qui paiera ces sommes, que le premier ministre et la vice-première ministre choisissent ou non d’honorer la responsabilité du gouvernement fédéral envers les provinces.

(1640)

Il est certain que, si nous adoptons ce projet de loi, nous signalerons que nous approuvons la distribution de 4,75 milliards de dollars supplémentaires sous la forme de chèques de 250 $. Cela représente un total de 7,85 milliards de dollars. Or, le chef du NPD, Jagmeet Singh, veut maintenant que les chèques de 250 $ soient distribués à tous les adultes dont le revenu est inférieur à 150 000 $ et qui n’ont pas touché de revenu d’emploi en 2023.

En 2022, selon Statistique Canada, environ 33 millions de Canadiens âgés de 18 ans ou plus gagnaient moins de 150 000 $. Si Jagmeet Singh obtient ce qu’il souhaite, on parlerait alors de 8,2 milliards de dollars en chèques de 250 $. Par conséquent, le coût total de l’annonce bancale du 21 novembre pourrait s’élever à plus de 11 milliards de dollars.

Qu’apportera donc aux Canadiens cette dépense de 8 ou 11 milliards de dollars? Nous savons qu’elle ne représente pas grand-chose pour les familles qui ont du mal à s’acheter des aliments, mais quel est le coût de renonciation de cette annonce politique? Quels sont les autres risques majeurs auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui?

Pour répondre à cette question, j’ai repensé à la réunion des premiers ministres qui s’est tenue à Halifax en juillet dernier. Les premiers ministres y avaient prédit l’avenir dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui : notre stabilité économique exige de toute urgence que le gouvernement fédéral considère la sécurité et la défense comme une question économique. Ils étaient unanimement convaincus que le fait de continuer à ignorer notre objectif de dépenses de 2 % fixé par l’OTAN pourrait grandement nuire aux entreprises, à l’emploi, aux collectivités et aux familles.

Comme l’a dit le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew :

Je veux que les Canadiens considèrent qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale. Il s’agit d’un investissement dans les Forces armées canadiennes, mais j’encourage les Canadiens à y voir également un investissement dans les échanges commerciaux [...] Si nous ne respectons pas nos responsabilités envers nos alliés de l’OTAN, cela aura un impact sur le renouvellement de [l’Accord Canada—États-Unis—Mexique]. Cela aura un impact sur les relations.

Quelques jours après l’annonce faite par le premier ministre et la vice-première ministre le 21 novembre sur la mesure dont nous débattons aujourd’hui, le président élu Donald Trump a publié sa déclaration sur l’imposition de tarifs douaniers de 25 %, ce qui a fait écho à la prédiction des premiers ministres d’ici.

Investir jusqu’à 11 milliards de dollars dans la malbouffe, la bière, les jeux vidéo, les arbres de Noël et d’autres cadeaux, plutôt que dans la sécurité à la frontière et la défense, pourrait nous coûter cher. Si le nouveau président donne suite à la menace qu’il maintient, le 21 janvier marquera le début d’une récession dévastatrice au Canada, indépendamment des tarifs douaniers de rétorsion que le Canada pourrait imposer.

Pour reprendre les termes de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, « […] c’est un petit bonbon aujourd’hui pour soulager la douleur qui nous attend ».

Chers collègues, quand le premier ministre m’a appelé et m’a accordé l’honneur de me nommer au Sénat, il m’a demandé une seule chose. Je vous en ai déjà parlé. Il m’a demandé de « questionner le gouvernement ». Bon nombre d’entre vous ont reçu la même demande lorsqu’il vous a nommés.

Nous sommes le seul organe parlementaire à examiner sérieusement cette politique, et nous faisons généralement preuve de déférence envers les projets de loi comportant des affectations de crédits. Cependant, devant une politique et un projet de loi aussi peu réfléchis et sérieux, nous devons bousculer nos habitudes, surtout lorsque nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux, plongé dans l’incertitude économique et rempli de risques pour la sécurité.

Est-ce que vous vous souvenez de cette annonce du premier ministre : « Ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur panier d’épicerie »?

Le projet de loi C-78 ne les aide pas à cet égard. Cependant, 11 milliards de dollars pourraient contribuer grandement à démontrer à quel point nous prenons au sérieux la sécurité et la défense de l’Amérique du Nord et de l’OTAN, ce qui pourrait permettre d’éviter une récession dévastatrice.

Chers collègues, réfléchissez à ce que cela pourrait nous coûter si nous approuvions ce projet de loi mal conçu. Je sais qu’il s’agit d’un projet de loi de finances et que le gouvernement a la prérogative de dépenser l’argent comme il l’entend. Cependant, le projet de loi C-78 témoigne d’un tel mépris pour les petites entreprises, d’un tel mépris pour la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, que je ne peux pas le soutenir, en aucune façon. Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Batters : Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon : Oui.

La sénatrice Batters : Je vous remercie de votre discours et d’avoir très bien présenté votre point. Vers la fin de votre discours, vous avez dit qu’il fallait questionner le gouvernement. Je suis d’accord avec vous. C’est très important de pouvoir le faire.

À ce propos, j’aimerais corriger une récente déclaration de la sénatrice Moncion. Elle a dit qu’elle ne croyait pas que ce projet de loi contenait la moindre référence à un projet de loi précédent ou à un projet de loi actuel prévoyant l’imposition de sanctions. Pourtant, si je lis le projet de loi C-78 — il est très court —, le sommaire dit ceci :

Le texte modifie la Loi sur la taxe d’accise afin de mettre en œuvre un congé temporaire de la TPS/TVH entre le 14 décembre 2024 et le 15 février 2025 inclusivement relativement à certaines fournitures taxables.

Donc, le projet de loi ne fait que modifier la Loi sur la taxe d’accise en y ajoutant une annexe afin de permettre aux entreprises de savoir exactement ce qui est visé par cette « détaxation temporaire », comme le dit le gouvernement.

Comme je sais que vous avez une grande expérience du monde des affaires, est-ce que les sanctions et les autres éléments qui sont prévus dans la Loi sur la taxe d’accise régissent les sanctions et les autres éléments qui sont prévus dans ce projet de loi?

Le sénateur C. Deacon : J’essayais de suivre le fil de vos propos. Pourriez-vous préciser le sens de la question?

La sénatrice Batters : Ma question est la suivante : n’est-il pas exact qu’il s’agit d’une loi qui modifie la Loi sur la taxe d’accise? Le projet de loi C-78 ne fait rien d’autre qu’ajouter une annexe à la Loi sur la taxe d’accise. Donc, toutes les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise s’appliquent aux entreprises dans le cadre de la mesure.

Le sénateur C. Deacon : Sénatrice Batters, jusqu’à présent, on ne nous a rien donné d’autre que quelques déclarations pour dire que les entreprises seront traitées avec ménagement. Toutefois, oui, à ce stade, toutes les personnes à qui j’en ai parlé m’ont confirmé que les sanctions restent effectivement en place. Elles pourraient ne pas être appliquées, mais elles restent applicables. Si un commerçant ne perçoit pas la TVH ou la TPS qu’il devrait percevoir, il doit quand même la verser.

L’honorable Pamela Wallin : Sénateur Deacon, vous avez employé le terme « aléatoire ». Je pense que nous avons tous entendu ce qu’avaient à dire les petits détaillants de nos régions respectives. J’ai été inondée d’histoires : les livres d’autocollants ne sont pas inclus, mais les livres à colorier le sont. Si, dans un panier-cadeau, 90 % des produits sont exempts de TPS, alors l’ensemble est exempt de TPS, mais cela a obligé de nombreux détaillants à refaire les emballages. Cela prend du temps et cela coûte cher.

Un autre exemple a été donné à propos des modèles réduits d’avions. Si la colle est incluse, le produit est exempt de TPS, mais si vous achetez la colle séparément, la TPS s’applique. C’est de la folie pour quelqu’un qui essaie de gérer un magasin.

Ce qui me préoccupe — mais j’aimerais que vous en parliez aussi, pour faire suite à la question de la sénatrice Batters — c’est qu’on dit aux gens qui ont acheté des articles avant le 14 décembre et qui veulent les retourner qu’ils devront demander un remboursement à l’Agence du revenu du Canada et se battre avec le détaillant à ce sujet. Les achats en ligne sont également limités présentement parce que les infrastructures de livraison sont paralysées par la grève des postes. Il semble que nous serons plongés dans le chaos juste avant Noël.

Le sénateur C. Deacon : Je résumerais la situation ainsi : j’ai entendu la sénatrice Moncion dire que l’idée est que la mesure fera augmenter les ventes pour les entreprises. J’espère vraiment que c’est le cas, mais je n’ai rencontré personne qui le pense.

Je suis certain que la mesure ne fera aucun tort aux plus grands détaillants du pays; il est tout à fait possible qu’elle leur soit profitable. Cependant, la complexité de la mesure pour les petits détaillants m’inquiète beaucoup. La complexité n’est pas comparable pour les restaurants. La mesure pourrait avoir un effet en janvier; c’est possible. Cependant, si on a les moyens d’aller acheter un repas dans un restaurant en janvier, quelques pour cent de plus ou de moins ne changeront pas grand-chose.

Je ne sais pas. J’espère que, si le projet de loi est adopté, il fera augmenter les ventes des petites entreprises, parce qu’elles en ont vraiment besoin. C’est une période terrible pour ceux qui dépendent de l’expédition. C’est très déroutant. Je pense qu’aucun d’entre nous ne comprend à quel point il est difficile de gérer tous ces problèmes qu’il était impossible de prévoir en tant que petite entreprise.

(1650)

Parfois, le fardeau devient très lourd. En accordant ce congé, le gouvernement fait preuve d’un manque total de respect à cet égard, après des années de vaches maigres et à une période difficile de l’année. Les entreprises doivent déjà assumer des coûts énormes : celles qui se sont engagées à offrir la livraison gratuite pour favoriser l’expédition de différents articles doivent soudainement payer des coûts d’expédition deux ou trois fois supérieurs à ce qu’elles avaient prévu dans leur budget. C’est une période difficile. J’espère que les prévisions de la sénatrice Moncion sont correctes.

La sénatrice Wallin : En ce qui concerne les retours, en fin de semaine, j’ai visité deux magasins, et ils commencent déjà à subir les conséquences du projet de loi parce que, bien sûr, le gouvernement en fait la publicité, même s’il n’a pas été adopté en bonne et due forme. Toutefois, les magasins reçoivent déjà des retours. Ils feront peut-être des ventes après le 14 décembre, mais il ne s’agira pas de nouvelles ventes. Il s’agira des mêmes ventes. Les magasins assumeront le coût du retour, du réemballage et du remboursement des articles, puis ils les revendront le matin du 15 décembre.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je n’ai pas entendu de question. Sénateur Gold, vous avez la parole.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur?

Le sénateur C. Deacon : Absolument.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre discours. Sénateur, vous avez mentionné des rapports qui laissent entendre que le Cabinet et le caucus n’ont pas été consultés au sujet du projet de loi C-78, mais surtout, vous n’avez pas parlé des votes à la Chambre. Pourriez-vous nous confirmer que le Cabinet, le caucus et, en fait, une majorité à l’autre endroit, qui est la Chambre du Parlement qui doit directement rendre des comptes aux Canadiens sur les mesures fiscales, ont bel et bien voté en faveur de cet allègement fiscal?

Le sénateur C. Deacon : Je suis certain que c’est le cas, sénateur Gold. Je serais curieux de savoir s’il s’agissait d’un vote soumis à la discipline de parti.

Le sénateur Gold : J’ai une question complémentaire.

Sénateur Deacon, croyez-vous qu’il appartient au Sénat de rejeter et de défaire la politique fiscale dûment adoptée par l’autre endroit, qui incarne le principe selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation, voire toute notre constitution?

Le sénateur C. Deacon : Sénateur Gold, je respecte tout à fait votre question. Je sais que ce que je propose est contraire à la tradition du Sénat.

Cependant, je ne peux pas exprimer à quel point, à mon avis, cela va à l’encontre de très nombreux principes fondamentaux de saine gestion publique à cause de la façon dont cette mesure a été structurée, parce qu’elle est sortie de nulle part, qu’il n’y a pas eu de consultation, que l’on comprend mal tous les effets que cela aurait sur les groupes visés en ce qui a trait à la mise en œuvre et qu’il n’y a aucune logique. J’ai donc choisi de voter contre. Je ne sais pas ce que mes collègues feront. J’ai fait ce choix parce que je ne peux pas appuyer un projet de loi rédigé de manière aléatoire à la dernière minute, sans consultation, semble-t-il, qui mobilise de très nombreux groupes qui doivent y prendre part. Je trouve cela profondément troublant.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, alors que nous examinons aujourd’hui le projet de loi C-78, ne perdons pas de vue le fait que nous sommes à une période de l’année où nous nous réunissons et célébrons tout ce pour quoi nous sommes reconnaissants — une période qui nous encourage à tendre la main, en particulier à ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui sont sans abri, qui ont faim ou qui sont marginalisés par leur lieu de vie ou leur situation.

Ces courtes journées froides mettent en évidence les réalités différentes de ceux qui n’ont pas le privilège d’avoir une maison chaude, le ventre plein ou de l’espoir pour l’année à venir. Nous devons travailler ensemble pour venir en aide aux personnes vivant dans la pauvreté et le besoin. Nous ne pouvons pas continuer à laisser tomber autant de gens.

Depuis la pandémie de COVID-19, l’itinérance a considérablement augmenté, en particulier sous la forme des campements de sans-abri. Au lieu d’être reconnus pour ce qu’ils sont, un symptôme de l’échec systémique du Canada à faire respecter les droits à l’égalité et le droit au logement pour tous, les discours et les politiques entourant les campements sont devenus de plus en plus cruels et punitifs. Malgré les engagements du gouvernement fédéral à réduire la pauvreté de moitié d’ici 2030, les données du gouvernement indiquent que le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté augmente.

Les loyers inabordables obligent les gens à faire des choix impossibles entre se nourrir et se loger. Plus de Canadiens que jamais ont recours aux banques alimentaires et aux refuges — qui sont débordés — et s’en voient refuser l’accès.

Les statistiques officielles du gouvernement — selon lesquelles 1 personne sur 10 est abandonnée dans la pauvreté alors que nous vivons dans un pays riche et doté de solides ressources — devraient à elles seules nous inciter à agir. Selon les experts de la lutte contre la pauvreté, la situation est toutefois plus grave encore : en réalité, près d’un Canadien sur quatre vit en situation de pauvreté et n’a pas les moyens de payer de la nourriture, un logement et d’autres produits de première nécessité pour lui-même et ses proches. Signalons, en particulier, que le taux d’enfants vivant dans la pauvreté est en croissance pour la première fois en 10 ans et qu’il augmente à une vitesse alarmante.

Lorsque les gens sont plongés dans la pauvreté, ils doivent faire des choix impossibles, impensables et injustes. Ils doivent choisir entre la nourriture, le chauffage, les médicaments, un toit et la sécurité. Ils risquent des problèmes santé, des crises, l’isolement, la victimisation ou la judiciarisation, ce que n’ont pas à vivre ceux d’entre nous qui jouissent d’une situation privilégiée.

Les coûts humains, sanitaires et sociaux de la pauvreté s’élèvent à environ 80 milliards de dollars par année. Ils sont exacerbés par les conséquences qu’a la pauvreté sur le système de santé, le système pénal, les systèmes d’aide sociale et l’économie du pays.

Ces coûts ne sont pas inévitables. Les mesures de soutien mises en place dans le contexte de la COVID-19 — en particulier la Prestation canadienne d’urgence — ont permis de réduire la pauvreté de moitié pendant la pandémie. Le Canada a la capacité d’éliminer la pauvreté, mais les personnes qui auraient le pouvoir de changer les choses choisissent de ne pas agir.

L’objectif déclaré du projet de loi C-78 est d’alléger le coût de la vie pour certains, mais il n’a pas été conçu pour ceux qui en ont le plus besoin. Le premier ministre affirme qu’il est conçu pour « les Canadiens de la classe moyenne qui travaillent dur ». Il s’agit là d’un changement radical de politique de la part d’un gouvernement qui, au début de son mandat, a clairement indiqué que le rôle du gouvernement est d’aider ceux qui sont laissés pour compte, ce qui était attendu depuis longtemps et a été bien reçu.

Le projet de loi C-78 propose un congé de deux mois de la TPS ou de la TVH sur certains articles. Si l’on ajoute à l’annonce simultanée du gouvernement d’offrir des chèques uniques de 250 $ aux personnes dont le revenu d’emploi est inférieur à 150 000 $ par an, on arrive à un coût de plus de 6 milliards de dollars. C’est bien plus que ce qui serait nécessaire pour couvrir le coût annuel net d’un revenu de subsistance garanti, une approche qui pourrait commencer à générer des milliards d’économies en aval, améliorer la santé, prévenir la criminalité, permettre aux gens de sortir de la pauvreté et de l’itinérance, et créer des choix et de l’espoir.

Au Comité des finances nationales, les témoins n’ont pas mâché leurs mots lorsqu’il a été question de la valeur du projet de loi C-78 en ce qui concerne la sécurité et les besoins économiques.

Au lieu d’adopter le projet de loi C-78, David Macdonald, du Centre canadien de politiques alternatives, propose d’augmenter les mesures existantes de type revenu de base, telles que le crédit d’impôt pour la TPS ou l’Allocation canadienne pour enfants. Il a déclaré :

Nous avons déjà des programmes de revenu de base destinés à certains groupes précis [...] Comment pouvons-nous les modifier pour les améliorer, en particulier pour cibler les gens les plus pauvres et tenter de réduire réellement les taux de pauvreté?

Dans son témoignage, Sylvain Charlebois, expert en sécurité alimentaire et professeur à la Faculté de gestion de l’Université Dalhousie, a déclaré :

Au lieu d’envoyer simplement des chèques et de soumettre l’économie à un afflux de capitaux temporaires, il serait plus important de stabiliser l’économie en fournissant aux ménages qui en ont besoin une source de revenus constante et prévisible. Je préfèrerais certainement envisager un revenu minimum garanti.

Pourquoi le revenu minimum garanti pour les personnes en situation de pauvreté est-il considéré comme trop cher, alors que le Canada peut se permettre de payer deux fois plus pour des prestations minuscules et ponctuelles destinées aux personnes ayant des revenus plus élevés?

Pourquoi, par la voie du projet de loi C-78, le gouvernement choisit-il d’alimenter les discours qui présentent la fiscalité équitable et progressive comme une cause d’insécurité économique plutôt que comme un moyen de financer les programmes dont nous avons besoin pour y remédier?

En présentant le projet de loi comme récompensant ceux qui « travaillent fort » et qui « travaillent dur pour faire partie de la classe moyenne », le gouvernement alimente des mythes et des stéréotypes nuisibles selon lesquels la pauvreté peut être simplement surmontée par l’ardeur au travail. Nous savons, notamment grâce à des recherches menées par l’Université de la Colombie-Britannique, que le fait de naviguer dans la pauvreté — essayer de prendre soin de soi et de sa famille avec beaucoup trop peu ou de ne pas savoir si on aura un toit au-dessus de sa tête le soir venu — peut être une charge mentale trop lourde à porter.

La pauvreté n’est pas un test que doivent passer les plus méritants. C’est un piège cruel, épuisant et empreint de jugement, qui est alimenté par des inégalités systémiques et qui doit être corrigé par des solutions systémiques.

Pourquoi ce projet de loi semble-t-il se complaire à prétendre le contraire? Pourquoi, alors que tant de personnes peinent à se loger et à se nourrir convenablement, le projet de loi C-78 se concentre-t-il sur les personnes à revenu moyen plutôt que sur celles qui sont le plus démunies?

(1700)

Chers collègues, en cette période des Fêtes, le projet de loi C-78 abandonnera les gens à leur sort. Nous savons que réduire la pauvreté permet d’économiser de l’argent et de créer des sociétés plus saines, plus sûres, plus justes et plus inclusives, ce qui profite à tous. Nous savons ce qu’il faut faire pour aider les plus démunis à échapper à la pauvreté. Nous disposons des ressources, des outils et de l’ingéniosité nécessaires pour apporter des solutions significatives, telles qu’un revenu de subsistance garanti.

En cette période de l’année, je dois à nouveau nous demander à tous et à chacun de réfléchir et de réclamer de l’action.

Meegwetch. Merci.

[Français]

L’honorable Éric Forest : Chers collègues, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-78, qui propose un congé de taxe ponctuel de deux mois.

Permettez-moi tout d’abord de souligner un constat partagé par une très grande majorité : personne ne remet en question le fait que les Canadiennes et Canadiens ont souffert ces derniers mois des effets de l’inflation, particulièrement les plus vulnérables de notre société.

Les factures de chauffage ont grimpé en flèche, tout comme le coût du panier d’épicerie. Que l’on soit locataire ou propriétaire, se loger est devenu nettement plus coûteux. Dans ce contexte, l’intention du gouvernement d’offrir un répit aux contribuables est louable. Malheureusement, un congé de taxe de 5 % pendant deux mois sur une liste limitée de produits n’est pas une mesure structurante susceptible d’avoir un effet important sur les ménages.

En mars, lorsque cette mesure prendra fin, les coûts des biens essentiels, comme le logement, le chauffage, l’alimentation et les vêtements, resteront tout aussi élevés.

En outre, comme l’a souligné le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, les détaillants, manufacturiers et restaurateurs pourraient absorber cet avantage en augmentant leurs prix. Il a déclaré ceci :

Ce n’est pas clair non plus que l’entièreté du bénéfice va aller au consommateur. C’est possible qu’une partie demeure avec les producteurs. Il pourrait y avoir moins de baisses de prix que prévu.

Le professeur Sylvain Charlebois, en témoignant devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, a rappelé un précédent similaire : lorsque le gouvernement Harper avait réduit la TPS de 7 % à 5 % de façon permanente, l’effet pour les consommateurs avait été atténué.

Les témoignages recueillis au Comité des finances ont également mis en lumière le fait que la réduction temporaire d’une taxe est l’une des pires approches pour aider les citoyens. D’une part, cela crée une lourde charge administrative pour les commerçants. Ils devront reprogrammer leurs systèmes de point de vente deux fois en deux mois; il s’agit d’une tâche coûteuse, alors qu’ils se remettent à peine de la pandémie. D’autre part, un congé de taxes ne cible pas les personnes qui en ont véritablement besoin.

Certes, les familles à faible revenu apprécieront une réduction sur les couches, par exemple, mais de manière générale, plus une personne consomme, plus elle bénéficiera de cette mesure. Par ailleurs, le professeur Luc Godbout a expliqué que les 20 % des ménages les plus riches dépensent trois fois plus au restaurant que les 20 % les plus pauvres. Ainsi, cette aide devient régressive. De facto, ceux qui ont le moins besoin d’aide en recevront davantage.

Alors que des milliers d’enfants ne mangent pas à leur faim et que les refuges débordent, un rabais de 5 % sur les consoles de jeux vidéo, les bouteilles de vin ou la bière semble être une mauvaise priorité.

Plutôt que d’adopter cette mesure compliquée et mal ciblée, le gouvernement aurait pu privilégier des outils existants, comme le crédit de TPS, qui vise réellement les contribuables à revenu modeste. Ce dispositif est déjà en place et aurait simplement pu être bonifié, à l’image de l’Allocation famille au Québec, qui est augmentée à la rentrée pour l’achat de fournitures scolaires. Cette solution présente un avantage supplémentaire en ce sens qu’elle permet aux bénéficiaires de décider comment utiliser cette aide sans obligation de consommer. D’autres mesures pourraient consister à rembourser une carte de crédit, payer les factures de chauffage ou acheter des médicaments.

Enfin, je tiens à rappeler les propos du professeur Luc Godbout, qui a dénoncé le caractère improvisé de cette politique publique. Permettez-moi de le citer :

[...] on rappelle que le gouvernement fédéral n’a toujours pas présenté de mise à jour économique. S’il peut être acceptable, dans certaines situations, qu’une politique fiscale aggrave les déficits, par exemple en voulant lutter contre les changements climatiques au nom de l’équité intergénérationnelle, ce n’est manifestement pas le cas en accordant un congé de TPS sur les boissons gazeuses ou les croustilles.

Les raisons soulevées auraient dû suffire à renoncer à un tel projet, et en deux mots, je vous dirais que le congé de TPS et de TVH est de la mauvaise politique fiscale.

En conclusion, je ne voudrais pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Je suis convaincu que les Canadiennes et Canadiens ont besoin d’un répit après les épreuves qu’ils ont traversées, certains et certaines plus que d’autres. Toutefois, en m’appuyant sur mes valeurs les plus profondes et dans le contexte budgétaire actuel, à mon humble avis, les fonds publics doivent servir à soutenir les Canadiennes et les Canadiens les plus fragilisés économiquement. J’aurais souhaité des mesures mieux ciblées et plus structurantes pour les aider, comme ce fut le cas avec le renforcement de la Loi sur la concurrence, visant à réduire les prix grâce à un marché plus compétitif. Malheureusement, le projet de loi C-78 ne s’inscrit pas dans cette logique.

Merci.

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole sur le projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).

En guise d’introduction, je vais commencer par les conclusions et observations du Comité sénatorial permanent des finances nationales dans son vingtième rapport portant sur son étude du projet de loi C-78. Je cite :

Votre comité est d’accord, en principe, avec les objectifs prévus du projet de loi C-78 visant à « mettre plus d’argent dans les poches des Canadiens » pour les aider à faire face au coût de la vie.

Toutefois, le comité estime que cette mesure risque de ne pas améliorer la situation de ceux qui ont des enjeux d’abordabilité. Le comité a entendu le témoignage concernant le fardeau administratif qui reposera sur certaines petites et moyennes entreprises, comme l’ont mentionné les représentants d’un éventail d’associations d’entreprises et des fiscalistes. En outre, aucune province ou entreprise n’auraient été officiellement consultées à propos des changements fiscaux proposés.

Le comité porte à l’attention du gouvernement le témoignage au comité soulignant que le projet de loi C-78 ne répond pas adéquatement aux besoins des Canadiens qui ont du mal à se procurer des produits de première nécessité, notamment de la nourriture et un abri.

Autrement dit, le comité a observé une inadéquation entre l’objectif poursuivi par le projet de loi et l’outil privilégié, soit un congé de TPS pendant deux mois.

Avant toute chose, chers collègues, permettez-moi de souligner de quelle façon ce projet de loi a été adopté à l’autre endroit. Les règles habituelles ont été suspendues par deux motions de clôture. À cet égard, voici comme le député conservateur John Nater, de Perth—Wellington, a présenté les choses :

Ce qui est intéressant au sujet de la motion no 43, c’est qu’il s’agit d’une motion de guillotine qui a elle-même été guillotinée par une motion de guillotine. Il s’agit d’une motion visant à imposer la clôture à l’égard d’une motion visant à imposer la clôture et à mettre fin au débat.

À la fin du débat, le Président a déclaré que le projet de loi avait été adopté de cette manière, que ce projet de loi était « réputé renvoyé » à un comité plénier, « réputé étudié » en comité plénier, « réputé avoir fait l’objet d’un rapport » sans amendement, « réputé adopté » à l’étape du rapport et « réputé lu une troisième fois et adopté ».

Autrement dit, l’étude de ce projet de loi a été menée de façon improvisée, les débats ont été bousculés, les députés muselés, et aucun témoin n’a été entendu.

Je suis heureux que notre étude de ce projet de loi soit plus sérieuse et digne de nos façons de faire habituelles. En ce sens, l’importance de notre rôle de second examen objectif n’en est que décuplée. Notre Comité sénatorial permanent des finances nationales a fait un travail remarquable en très peu de temps pour organiser ses travaux. D’ailleurs, outre l’équipe merveilleuse qui soutient notre comité et à qui j’exprime ma profonde gratitude, je veux remercier les membres du comité, soit mes collègues les sénateurs, qui ont fait un travail vraiment studieux et méthodique. Mes remerciements vont aussi à tous les témoins qui sont venus généreusement offrir leur point de vue à ce comité.

(1710)

Un éditorial paru dans le Globe and Mail de ce samedi sur les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales se concluait de façon fort intéressante :

[Traduction]

Cette semaine, les sénateurs qui siègent au Comité des finances nationales ont rendu service à la population en posant leurs questions avec calme et minutie.

[Français]

Le travail du comité a permis de soulever de nombreux problèmes. En fait, il y a tellement de problèmes avec ce projet de loi que je pourrais vous en parler pendant plusieurs heures. Je vais donc devoir me discipliner et aller à l’essentiel.

Je peux tout de même vous mentionner les aspects problématiques du projet de loi que je n’aborderai pas dans mon allocution par manque de temps. Je vais vous donner la liste de ce dont je ne parlerai pas. Je ne vous parlerai pas de l’absence de consultations avec les provinces, de l’absence d’un énoncé économique au moment où l’on votera sur le projet de loi, de l’incidence du projet de loi sur la dette du Canada, des effets inflationnistes de la mesure et des risques d’augmenter les prix à la consommation.

Voici les autres éléments dont je ne parlerai pas, soit la disparité entre les provinces, les coûts pour les provinces, les ententes entre celles-ci et le gouvernement fédéral, les retombées fiscales réelles ou imaginaires de la mesure, la discrimination entre les objets de culte des différentes religions, les risques d’erreur pour les commerçants dans le codage des articles détaxés, et par conséquent les risques de se trouver en défaut devant l’Agence du revenu du Canada, le tout sur deux années financières distinctes, les coûts et impacts particuliers pour le Québec, les effets contre-productifs du projet de loi ni la lourdeur pour les commerçants.

Enfin, je ne mentionnerai pas non plus les problèmes avec l’Agence du revenu du Canada en ce qui a trait au manque de ressources pour administrer la mesure et répondre aux commerçants qui ne s’y retrouveront pas, l’incidence pour les provinces ni la renonciation ou non des provinces ayant une taxe harmonisée à la compensation qu’elles auraient le droit de recevoir du gouvernement fédéral, montant estimé par le directeur parlementaire du budget à 1,3 milliard de dollars, qui pourrait s’ajouter si, effectivement, il n’y a pas de renonciation.

Une fois ces 16 failles problématiques du projet de loi C-78 écartées de mon discours, il m’en restera 16 autres à aborder dans le cadre de mon intervention.

D’abord, voyons quel est l’objectif de ce projet de loi. Lors de son témoignage le 4 décembre dernier, la ministre Freeland l’a présenté ainsi :

L’inflation ralentit et les taux d’intérêt diminuent, mais nous savons que la vie est encore difficile pour les Canadiens et les Canadiennes. C’est pourquoi c’est le moment de leur donner un coup de pouce. Notre gouvernement ne peut pas fixer les prix à la caisse, mais nous pouvons mettre plus d’argent dans les poches des Canadiennes et des Canadiens pour les aider à acheter ce dont ils ont besoin et à économiser pour les choses qu’ils ont envie d’acheter.

Essentiellement, l’objectif du projet de loi est donc de mettre plus d’argent dans les poches des citoyens pendant deux mois, ce qui représente la durée de vie de la mesure fiscale prévue dans le projet de loi C-78.

En regard de cet objectif noble, le sénateur Forest s’est interrogé sur la pertinence de cette mesure.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur la troisième lecture du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

[Traduction]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénatrice Pate propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Boehm :

Que le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit lu pour la troisième fois.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Adler MacAdam
Al Zaibak Massicotte
Aucoin McCallum
Audette McNair
Bernard McPhedran
Black Mégie
Boehm Miville-Dechêne
Boudreau Moncion
Brazeau Moodie
Burey Moreau
Cardozo Muggli
Clement Osler
Cormier Oudar
Cotter Pate
Cuzner Patterson
Dasko Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Prosper
Downe Ravalia
Duncan Ringuette
Forest Robinson
Francis Ross
Fridhandler Senior
Galvez Sorensen
Gerba Varone
Greenwood Wells (Alberta)
Hartling White
Kingston Woo
Kutcher Youance
Loffreda Yussuff—58

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Petten
Batters Plett
Busson Quinn
Carignan Richards
Gold Seidman
Harder Smith
Housakos Tannas
LaBoucane-Benson Verner
Manning Wallin
Martin Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—20

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Anderson Klyne—3
Dalphond

Projet de loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens

Déclaration d’intérêts personnels

L’honorable Toni Varone : Honorables sénateurs, je, Toni Varone, déclare que je pense avoir des intérêts personnels qui pourraient être touchés par la question dont est saisi actuellement le Sénat. La nature générale de cet intérêt est que je suis propriétaire d’une entreprise dans le secteur de l’accueil. Merci.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le sénateur Varone vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi C-78 et, conformément à l’article 15-7 du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.

[Français]

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).

L’honorable Claude Carignan : Je n’ai pas de conflit d’intérêts, mon arbre de Noël est acheté.

En regard de cet objectif noble, le sénateur Forest s’est questionné sur la pertinence de cette mesure en soulignant qu’avec un congé de TPS, l’objectif est de faire en sorte que les Canadiens aient plus d’argent dans leur compte de banque après les Fêtes.

(1740)

Pourquoi les pousser à dépenser pour bénéficier de l’aide gouvernementale? Il s’est demandé si cela n’allait pas directement à l’inverse de l’objectif du projet de loi.

Le sénateur Forest a même affirmé qu’il trouvait paradoxal que, pour que les gens aient plus d’argent dans leurs poches, ils doivent dépenser plus. Cela lui semblait être une incohérence entre l’objectif, qui est de laisser plus d’argent, et la route pour y arriver.

Effectivement, pour qu’une famille bénéficie véritablement de la réduction de la TPS pour deux mois, elle devra dépenser plusieurs centaines de dollars pour que cela paraisse. Mais aurait-elle plus d’argent dans ses poches? Poser la question, c’est y répondre.

À cet égard, Luc Godbout, professeur titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, s’est fait cinglant. Il a dit ceci :

La manière dont le gouvernement fédéral a choisi d’intervenir en modifiant l’application de la TPS/TVH est extrêmement surprenante. La joute politique a manifestement prévalu sur la logique économique. Si un tel projet hypothétique avait été présenté par des étudiants à des fins de formation, j’aurais été très critique quant à sa pertinence, aux moyens utilisés pour atteindre l’objectif, au fardeau administratif pour les commerçants et aux enjeux interprovinciaux qu’engendre un tel projet de loi. Il s’agit d’une mesure mal ciblée, à mon avis.

David Dodge, ancien gouverneur de la Banque du Canada, a également adopté cette position. Il nous a affirmé, et je cite :

[Traduction]

Comme le professeur Godbout, je pense que le congé temporaire de TPS sur une série d’articles constitue une mauvaise politique économique aussi bien à court terme qu’à long terme. À court terme, elle entraîne des coûts d’adaptation majeurs, comme M. Godbout vient de le dire, tant pour le gouvernement que pour les entreprises, ce qui signifie que le coût financier est susceptible de dépasser les avantages réels pour les consommateurs. En outre, comme ce coût financier sera probablement financé par une augmentation des emprunts, l’avantage consenti aux consommateurs aujourd’hui se traduira simplement par une réduction des avantages dans les années à venir, car les gouvernements réduiront les services ou augmenteront les impôts pour gérer les charges accrues du service de la dette fédérale.

[Français]

En fait, l’économie réelle engendrée par ce projet de loi est minimaliste. Sylvain Charlebois, professeur titulaire à la Faculté en management et en agriculture de l’Université Dalhousie à Halifax et directeur scientifique de l’Institut canadien de prospective agroalimentaire, nous a affirmé que, selon le Laboratoire d’analyse agroalimentaire de son institution, les chercheurs ont estimé qu’au détail, le consommateur moyen épargnera 5 $ sur deux mois.

Donc, il s’agit de la moyenne par Canadien, si l’on s’en tient au volume de vente et selon les taxes perçues par les épiciers.

Certains, pour souligner des économies plus substantielles, ont fait valoir que les économies seraient plus importantes dans les restaurants, et encore là, en fonction de la province, puisque le congé de taxe sera différent d’une province à l’autre, selon le cas où la taxe de vente est harmonisée ou non.

Prenons l’exemple de l’Ontario par opposition au Québec. Comme l’Ontario a une taxe de vente harmonisée, le congé de TVQ sera de l’ordre de 13 %, mais au Québec, qui n’a pas de TVQ, mais plutôt la TPS en plus de la TVQ, l’économie sera de 5 %.

Le Canadien moyen dépense 186 $ par mois au restaurant. Donc, pour un Québécois, l’économie serait de 18,60 $ sur deux mois.

Il y a évidemment de fortes chances que les résidants de Gatineau aillent se sustenter dans les restaurants d’Ottawa à compter du 14 décembre 2024 jusqu’au dernier souper de la Saint-Valentin, au plus tard le 15 février 2025. De lourdes pertes financières pour les restaurateurs du Québec sont à anticiper.

Par ailleurs, nous constaterons cet impact minimaliste évoqué par le professeur Charlebois dans d’autres secteurs, notamment la vente de jouets. Voici un exemple tiré d’un reportage publié dans Le Journal de Montréal de ce samedi 7 décembre 2024 :

Lucie Bourbonnais est propriétaire du commerce de jeux et de jouets La Ribouldingue, à Vaudreuil-Dorion en Montérégie. [...]

Plusieurs commerçants ont déjà fait part de leurs inquiétudes et de leurs plaintes par rapport à la mesure fédérale, qui touche particulièrement les magasins de jeux et de jouets.

On est frappés dur dans mon domaine, a affirmé Lucie Bourbonnais. Ça implique un travail colossal pour des commerces comme le mien, ajoute-t-elle.

Elle poursuivait ainsi :

Pour vous donner un aperçu, on a plus de 20 000 produits actifs dans le système, alors c’est une grosse tâche pour nous.

Mme Bourbonnais est convaincue que cette mesure n’incitera pas les Québécois à se procurer des jeux ou des jouets dans son commerce, à cause de la date de la mise en place du congé de TPS.

Elle conclut en affirmant ce qui suit :

La majeure partie des achats de Noël sont faits un peu plus d’avance [...]. Les achats qui sont faits à partir du 14 décembre, ce sont théoriquement des achats de dernière minute [...], alors, taxe ou pas taxe, les achats auraient lieu de toute façon.

Pour conclure sur cet aspect des choses, comme l’a souligné à juste titre le sénateur Forest, on pousse les consommateurs à dépenser davantage afin de se prévaloir du congé de TPS, ce qui les laissera avec moins d’argent dans leurs poches, l’effet inverse de l’objectif du projet de loi.

Venons-en maintenant aux choix du gouvernement de détaxer certains produits et pas d’autres. Soulignons tout d’abord que cette liste est loin de prêcher par excès de clarté. Je plains sérieusement les petits commerçants, comme Mme Bourbonnais, qui devront s’y retrouver. Ils risquent de passer une bien mauvaise nuit entre le 13 et le 14 décembre prochain. Prenons quelques exemples.

Dans le cas des livres physiques, ces articles sont considérés comme des livres physiques admissibles si les livres imprimés sont les plus publiés, reliés ou brochés. Comment le commerçant saura‑t‑il si le livre fait partie des livres les plus publiés? Il y a aussi les abonnements à des magazines et périodiques dont l’espace imprimé consacré à la publicité ne dépasse pas 5 %, si l’abonnement complet est payé pendant la période du congé de taxe et seulement pour les magazines et périodiques reçus pendant la période du congé de taxe. Donc, le pauvre commerçant devra feuilleter chaque magazine et calculer le pourcentage d’espace destiné à la publicité. C’est insensé.

Par ailleurs, on essaie de comprendre la logique derrière le choix des produits qui figurent dans la liste d’exemptions de taxe. On a l’arbre de Noël, mais pas les boules ni les décorations qui vont le garnir. Il n’y a rien de plus triste qu’un sapin sans décorations. On cherche encore la vision, la philosophie. Pierre de Coubertin nous disait : « Un esprit sain dans un corps sain. »

Dans la liste d’exemptions, nous avons de la malbouffe, et on a exclu tous les équipements de sport et ce qui touche l’art, le chant et la musique. On peut donc être exempté pour l’achat d’une copie d’une guitare, mais pas d’une guitare. Un jouet qui copie une guitare sera exempt de taxe, mais si je veux offrir une véritable guitare à mon enfant, elle ne sera pas exempte de taxe. Je peux avoir des souliers pour courir, mais pas pour danser. Tous les produits culturels ou sportifs sont exclus. Les cahiers et les crayons à colorier sont exclus.

J’ai demandé à la ministre des Finances qui avait dressé cette liste. Quelle est la logique de ne pas favoriser des activités culturelles ou sportives ainsi que des denrées alimentaires qui sont saines pour les enfants? Pourquoi ce choix de priorités? On a l’impression qu’on a un gouvernement qui favorise la malbouffe et les jeux vidéo plutôt que le sport et la culture.

(1750)

Voici la réponse de la ministre :

Il était nécessaire pour nous de voir quels sont les produits qui sont déjà définis dans la cote fiscale pour permettre aux petites et moyennes entreprises de mettre en œuvre cette idée plus facilement. On était guidé par ce qui était possible.

Pour les vêtements, les couches, les choses dont les enfants ont besoin, tout est bien défini dans le code fiscal.

Par sa réponse, la ministre semblait s’en remettre au fameux code fiscal sans répondre vraiment à ma question qui, à sa face même, soulignait l’absurdité de la liste déterminée par le gouvernement.

Heureusement, un fonctionnaire du ministère des Finances, soit le directeur des opérations générales et questions frontalières de la TPS/TVH, Division de la taxe de vente, a affirmé ce qui suit en répondant à mes questions :

Quant aux jouets, c’est vrai, ce sont de nouvelles définitions qui ont été rédigées qui sont incluses dans le projet de loi. Finalement, la décision à savoir ce qui est taxable ou non est prise par le gouvernement. Comme la ministre l’a déjà dit, c’était la décision du gouvernement de décider si un produit est taxable ou non.

[...] si un bien est inclus dans le champ d’application du projet de loi, c’est une décision du gouvernement. C’est vrai qu’il y a certaines définitions qui sont déjà utilisées dans certains cas, comme je l’ai déjà dit, et cela simplifie l’application de la loi pour certains vendeurs qui vendent déjà ces produits et l’administration pour l’Agence du revenu du Canada aussi, mais en fin de compte, la décision d’un produit qui est taxable ou non, c’est une décision du gouvernement.

C’est donc le gouvernement qui a fait le choix de favoriser la malbouffe plutôt que l’exercice physique, et c’est le gouvernement qui a fait le choix de favoriser les jeux vidéo plutôt que les arts et la culture. C’est à n’y rien comprendre.

Cette liste improvisée du gouvernement jette la consternation chez bon nombre de commerçants. Le président-directeur général de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Dan Kelly, a déclaré à un journaliste de Radio-Canada que des propriétaires l’ont appelé en larmes alors qu’ils essayaient de déterminer quels produits étaient taxables et lesquels ne l’étaient pas.

Son association a notamment passé 10 jours à essayer de trouver une réponse pour le propriétaire d’un magasin de loisirs sur la façon de classer les matériaux utilisés pour fabriquer un modèle réduit d’avion. Ce sont des décisions que les propriétaires de petites entreprises n’ont jamais eu à prendre auparavant. Ils doivent mettre tout cela en place en deux semaines, pendant leur saison la plus chargée.

De plus, les conséquences de l’exemption de la TPS sur les articles qui sont rapportés suscitent également des inquiétudes. Selon M. Kelly, les commerçants pourraient perdre de l’argent si les clients rapportent les articles qu’ils ont achetés avec une carte de crédit avant le 14 décembre pour les racheter ensuite pendant cette période de congé de taxe.

La perte viendrait du fait que les commerçants paient des frais pour chaque vente par carte de crédit. Si vous rapportez le produit, ils paient une autre commission à la société de carte de crédit, et si vous le rachetez, ils doivent la payer une troisième fois.

Il affirme qu’il se peut qu’une petite entreprise ait, en fait, dépensé plus en frais de carte de crédit que le profit qu’elle a réalisé sur cet article.

Un autre aspect qui pose problème avec le projet de loi C-78, c’est qu’il favorisera, à n’en pas douter, les plus fortunés de notre société. Le professeur Godbout a affirmé que :

Si l’objectif était d’aider les contribuables, la détaxation de certains produits va générer une économie beaucoup plus importante en valeur absolue pour les ménages à revenus élevés. Si on va voir du côté des dépenses des ménages selon le quintile de revenu, données disponibles selon Statistique-Canada, le manque à gagner découlant des dépenses des plus riches sera 7,5 fois plus élevé lorsqu’on parle de vêtements pour des enfants de moins de 14 ans. Lorsqu’on parle des boissons alcoolisées achetées en magasin, les dépenses des plus riches sont 3,3 fois plus élevées que chez les plus pauvres et lorsqu’on parle des repas au restaurant, c’est 3,1 fois plus élevés pour les riches que pour les plus pauvres.

M. Godbout a également évoqué les motivations probables du gouvernement à donner un congé de TPS et il a aussi évoqué une autre mesure qui aurait été plus juste et équitable envers tous les citoyens. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi le gouvernement libéral avait opté pour une mesure aussi inéquitable envers les citoyens les plus pauvres, il a affirmé ce qui suit :

C’est probablement pour des raisons de visibilité, il voulait trouver une nouvelle façon d’accorder de l’aide aux Canadiens. Si on avait simplement bonifié le crédit pour la TPS, cela aurait aussi bien amené de l’argent dans les poches des ménages, mais on aurait pu cibler plus précisément les ménages à revenus modestes et les gens auraient été libres de consommer ou de ne pas consommer davantage.

À cet égard, la sénatrice Moncion y est allée d’une hypothèse intéressante qu’elle a soumise au professeur Godbout. Elle s’est questionnée, à juste titre, au sujet de l’invisibilité d’utiliser le crédit d’impôt dont le professeur Godbout avait fait état, par exemple, sur la TPS et la TVH ainsi que l’invisibilité de la mesure pour l’incitatif sur le carbone. Elle a soulevé que ces mesures sont invisibles, ou à peu près, pour les Canadiens, alors qu’au contraire, en parlant de congé de TPS sur certains articles, le gouvernement faisait d’un coup d’éclat.

M. Godbout a acquiescé en soulignant ce qui suit :

En matière d’élaboration de la politique fiscale, on doit essayer d’exclure les coups d’éclat pour les bonnes décisions économiques et budgétaires à long terme. Il n’y a rien de structurant dans ce congé. On ne sait pas qui va en profiter, ni à quel niveau. Les gens sont contents d’entendre congé de TPS, mais ils ne savent pas combien cela va redonner dans leur poche. Je ne suis pas sûr que le Québécois est conscient qu’il en aura moins que l’Ontarien, car le taux du congé est différent.

Honorables sénateurs, en plus d’être inéquitable entre les plus riches et les plus pauvres de notre pays, le projet de loi est également inéquitable entre les citoyens des différentes provinces.

Je l’ai mentionné précédemment : le congé de taxe variera d’une province à l’autre en fonction des ententes précises avec le gouvernement fédéral pour chaque province. À ce propos, le professeur Godbout nous a affirmé ceci :

Du côté de l’uniformité de la mesure, jusqu’ici, lorsque le gouvernement fédéral mettait en place des mesures ponctuelles pour aider les contribuables canadiens, les mesures s’appliquaient uniformément d’un océan à l’autre. Dans le cas du congé temporaire de TPS/TVH, le traitement est différencié selon la province où les gens vivent. Cela apparaît difficilement justifiable. Le congé est de 5 points de TPS, dans les cinq provinces où elle s’applique, mais varie entre 13 et 15 points selon si on est dans les provinces où la TVH s’applique.

Le sénateur Gignac a exprimé au directeur parlementaire du budget ses préoccupations face à cette iniquité entre les citoyens des différentes provinces. Il a soumis au directeur parlementaire du budget que cela amenait des distorsions, notamment dans la région de Gatineau. Le sénateur Gignac a précisé que si le gouvernement avait décidé de réduire de 1 % la TPS sur tout au lieu de supprimer la TPS sur certaines choses pour un mois pendant le temps des Fêtes, cette approche beaucoup plus simple n’aurait pas eu d’incidence sur les provinces, tandis qu’en ce moment, on va jouer dans l’assiette fiscale et cela va créer des distorsions.

Pour notre honorable collègue, il est évident que les Canadiens sont plus avantagés selon leur province de résidence.

Comme je l’ai mentionné précédemment, une autre option pour atteindre l’objectif du projet de loi aurait été de bonifier le crédit de TPS momentanément pour ceux qui y ont droit, comme cela a déjà été fait par le passé. Cela aurait été une mesure beaucoup plus ciblée, mais moins tape-à-l’œil — un aspect qui semble être un objectif sous-jacent du gouvernement.

Le professeur Godbout milite pour cette approche, de toute évidence. Il a mentionné ceci à ce sujet :

En ce moment, on demande à des centaines de milliers de commerçants de changer leur système informatique. Si on avait dit à une seule organisation, l’ARC, d’envoyer immédiatement à tous les bénéficiaires du crédit de TPS — il y a 11 millions de ménages — 200 $ par individu ou 500 $ par couple dès maintenant, cela aurait été plus facile à faire. Les gens auraient reçu 200 $, 500 $, ou le montant de TPS. On aurait pu choisir le montant qu’on voulait. On aurait pu dire que quiconque a reçu un montant en septembre dernier est admissible à recevoir par la poste un montant X qui sera immédiatement distribué par l’ARC.

Cela aurait été beaucoup plus simple et efficace de le faire ainsi. On aurait évité les biais qui ont été soulevés, comme le fait qu’un restaurant de Gatineau aura un congé de 5 % tandis qu’un restaurant à Ottawa en aura un de 13 %. On aurait évité plein de choses. Cela aurait été bien plus simple à gérer. Il n’y aurait pas eu de coût pour les commerçants et pas de risque d’erreur dans le changement de leur système informatique. On aurait pu être beaucoup plus ciblé. Les ménages les plus riches n’auraient rien reçu, mais est-ce vraiment eux qu’on veut aider avec ce congé?

(1800)

Sous un autre angle, l’ex-gouverneur de la Banque du Canada a tenu des propos très intéressants. Il disait, et je cite :

En bref, sénateurs, il s’agit d’un bonbon aujourd’hui en échange d’une douleur future.

Mais les implications à long terme sont encore pires.

Tout d’abord, le principe de la TPS est d’avoir une assiette large avec un taux aussi bas que possible. Si on réduit cette assiette, même temporairement, l’impôt est un moyen beaucoup moins efficace de recueillir les revenus nécessaires aux programmes gouvernementaux. Les résultats, que toutes les autres taxes augmentent, soit les programmes qui soutiennent les citoyens ordinaires doivent être réduits.

Deuxièmement, et c’est peut-être encore plus important, notre besoin collectif aujourd’hui est d’augmenter l’investissement, et non la consommation. Sans une augmentation des investissements pour donner aux travailleurs les outils dont ils ont besoin pour augmenter leur productivité et, par conséquent, augmenter les revenus qu’ils sont capables de gagner, nous nous condamnons à la stagnation, voire à une baisse de notre niveau de vie. En optant pour une mesure fiscale qui augmente la consommation, le gouvernement a renoncé à la possibilité d’augmenter les investissements d’autant.

Par ailleurs, au Québec, le gouvernement provincial perçoit lui-même une taxe de vente (TVQ) de 9,975 %, et le ministre Eric Girard a affirmé sans équivoque qu’il ne se priverait pas de ces revenus sans obtenir une compensation. C’est donc dire que les citoyens des quatre provinces atlantiques bénéficieront d’un rabais de 15 %, soit les 5 % de la TPS et les 10 % ajoutés par leurs gouvernements provinciaux, alors que ce rabais sera de 13 %. Aucune des trois autres provinces qui imposent une taxe de vente provinciale, soit la Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie-Britannique, n’a fait part de son intention de la suspendre en même temps que la TPS.

Au Québec, le ministre des Finances, Eric Girard, a confirmé que le gouvernement du Québec n’harmonisera pas sa taxe de vente avec celle d’Ottawa, soutenant qu’il s’agit d’une mesure improvisée de Justin Trudeau qui n’aura pas d’impact sur l’économie.

L’administration Legault aurait toutefois emboîté le pas si le gouvernement du Québec avait reçu une compensation du gouvernement fédéral. Le ministre a affirmé, et je cite : « C’est une mesure surprenante et un peu inattendue, improvisée. » Puis, M. Girard a ajouté qu’il préférait « faire des mesures qui ont un impact sur le potentiel économique du Québec ».

Donc, dans la même veine que M. Dodge, qui affirme qu’il est préférable d’augmenter les investissements, et non la consommation, le ministre Girard estime maintenant que c’est au gouvernement Trudeau de défendre son geste fiscal. Je le cite :

Ils ont des motivations que, moi, je n’ai pas, a-t-il dit. Nous, ce sont les intérêts supérieurs du Québec, a conclu le ministre.

Cette déclaration du ministre Girard est un beau préambule pour réfléchir à l’opportunisme politique et électoraliste du projet de loi C-78.

Avant de conclure, je veux revenir sur un point que j’ai évoqué au tout début de mon allocution. Je vous ai dit que je n’aborderais pas l’absence de consultation du gouvernement fédéral auprès des provinces. Toutefois, hier, un événement est survenu et a permis de souligner à grands traits cette absence de consultation.

En effet, le 9 décembre, donc hier, le directeur parlementaire du budget a rendu public son rapport sur le projet de loi C-78; il a affirmé que si les provinces ne renonçaient pas à leur droit de compensation par le gouvernement fédéral à la suite de la suspension, cela pourrait produire une facture qui pourrait aller jusqu’à 2,8 milliards de dollars.

Or, immédiatement après la publication du rapport du directeur parlementaire du budget, une porte-parole de la ministre fédérale des Finances a encouragé toutes les provinces à renoncer à leur taxe de vente sur les mêmes biens et services. Je la cite :

Nous espérons que toutes les provinces se joindront à nous et offriront leur part d’allégement fiscal à leurs résidents pendant les Fêtes, comme l’ont fait l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, a écrit Katherine Cuplinskas dans un communiqué. Cet allégement fiscal aidera tous les Canadiens dans chaque province.

Le gouvernement se nourrit donc d’espoir. S’il avait préalablement et correctement négocié avec les provinces, il ne serait pas obligé, à quelques jours de la mise en place de la mesure, de quémander la collaboration des gouvernements provinciaux; ce n’est assurément pas une saine façon d’administrer les deniers publics et de respecter l’entente d’harmonisation qui oblige de consulter les provinces avant d’implanter ce type de changement. Enfin, pour terminer, je citerai de nouveau le professeur Charlebois, qui a dit ceci :

En conclusion, la suspension temporaire de la TPS s’avère une mesure coûteuse, inefficace et mal pensée, qui risque d’aggraver les tensions inflationnistes tout en rendant la vie plus difficile pour les détaillants. Si Ottawa souhaite véritablement aider les consommateurs, il est temps d’envisager des solutions plus cohérentes et structurelles.

Il serait malheureux que le travail minutieux et consciencieux qu’a fait le Comité des finances, qui a permis aux Canadiens et aux Canadiennes de s’exprimer, experts compris, ne soit pas pris en compte par les collègues du Sénat.

Chers collègues, je viens de vous donner 32 bonnes raisons de voter contre ce projet de loi improvisé, mal ciblé, hautement lacunaire et, surtout, franchement électoraliste.

Je sais que certains sénateurs veulent s’abstenir. Honorables sénateurs, nous représentons chacun environ 400 000 à 450 000 personnes. Ces gens ne nous demandent pas de nous abstenir et nous n’avons pas été nommés au Sénat pour nous abstenir. Nous avons été nommés pour prendre des positions, des positions qui sont parfois difficiles, mais des positions quand même.

Je vous invite donc à prendre position pour les 450 000 citoyens que vous représentez en moyenne et à voter contre ce projet de loi.

[Traduction]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Carignan?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, bien sûr.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Merci. Sénateur Carignan, vous et nos collègues vous souviendrez peut-être que le Parti conservateur a annoncé une proposition de politique semblable en 2021. À l’époque, le chef du parti Erin O’Toole avait déclaré :

Le mois de décembre marquera la fin d’une année très difficile pour le Canada, et nous pensons que les familles canadiennes méritent un répit.

Par conséquent, pouvez-vous préciser ce qui a changé depuis 2021? Ayant été leader du gouvernement au Sénat, pensez-vous que cette enceinte devrait accorder beaucoup de considération à l’autre endroit lorsqu’il s’agit de politique fiscale?

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous avez cité un individu qui a été battu dans une élection pour avoir tenu ce genre de proposition. Il n’est plus chef de notre parti.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Sénateur, je vous inviterais à offrir une réponse un peu plus détaillée. C’était la position défendue par le Parti conservateur. Vous êtes membre de ce parti.

N’êtes-vous pas d’accord, sénateur, pour dire que notre assemblée non élue, à qui la Constitution interdit d’adopter des projets de loi de finances ou d’imposer des coûts, devrait faire preuve d’une certaine déférence à l’égard de la Chambre des élus et du gouvernement qu’elle forme lorsqu’elle propose des mesures de politique fiscale?

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le sénateur, si constitutionnellement nous n’avions pas le pouvoir de voter contre, nous ne serions pas saisis de ce projet de loi. Si nous en sommes saisis, c’est parce que nous avons un rôle constitutionnel et que nous sommes en mesure de voter en faveur ou contre ce projet de loi.

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends également la parole au sujet du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité). Avant de me lancer dans mon discours, je voudrais d’abord citer Ivan Morgan. Ivan Morgan a déjà été un collaborateur de l’actuel premier ministre. Je voudrais lire ce qu’Ivan Morgan a à dire :

(1810)

Quel gâchis! J’espère que vous ne faites pas attention. J’espère que vous vous concentrez sur des choses plus importantes, comme Noël et la famille.

Je fais référence à la politique à Ottawa. Il s’y passe des choses étranges.

Je ne plaisante qu’à moitié en posant la question : notre premier ministre est-il stupide? Je veux dire, pas intelligent? Nous avons eu de nombreux premiers ministres intelligents et accomplis dans le passé. Je commence à me poser des questions sur le dernier en date. Il a dit et fait des choses d’une stupidité sans bornes ces dernières semaines.

Il s’est rendu récemment au Brésil pour rencontrer des personnes riches et puissantes qui s’inquiètent du changement climatique. Dans une entrevue, il a déclaré, en gros, que sauver la planète était plus important que de nourrir et loger sa famille...

Ensuite, il annonce qu’il va rendre aux gens une partie de leur propre argent, en versant 250 $ aux travailleurs canadiens. Mais pas aux personnes âgées. Elles ne recevront pas de chèque.

Ses adversaires pensent qu’il est diabolique. Je me demande s’il n’est pas simplement stupide.

Même s’il est stupide, où sont ses conseillers, ceux qui ont été engagés pour le protéger de lui-même? (J’ai déjà été du lot.) Y a-t-il une sorte de mouvement autour de lui pour que les gens le voient enfin tel qu’il est? Pour l’abandonner à son sort, si on veut?

Et quand il envisage de soudoyer l’électorat avec son propre argent, ne serait-il pas politiquement prudent d’inclure les personnes âgées?

J’ai récemment été catapulté dans la catégorie des personnes âgées et, croyez-moi, les pensions du gouvernement sont plutôt maigres. Il y a peut-être des gens pour qui chaque repas est un festin, mais j’en connais aussi qui mangent de la pâtée pour chats dans le noir.

Je m’en tiendrai à cela. Il a bien d’autres choses à dire, et je vous encourage tous à lire ce qu’Ivan Morgan a encore à dire sur notre premier ministre.

Chers collègues, la marraine du projet de loi a déjà expliqué qu’il supprimera la TPS ou la TVH sur une série de produits pendant une période de deux mois. Selon le premier ministre, cela signifie que « pendant deux mois, les Canadiens vont bénéficier d’un véritable répit ». Chers collègues, pendant deux mois, dit-il, nous allons bénéficier d’un répit.

Ne vous emballez pas trop vite, car je tiens à vous rappeler une fois de plus que c’est ce même premier ministre qui a fait monter en flèche le coût de la vie au Canada. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté 37 % plus vite au Canada qu’aux États-Unis. Le coût du logement a doublé. Notre PIB par habitant est inférieur à ce qu’il était lorsqu’il a pris ses fonctions. Nous avons le plus haut niveau d’endettement des ménages par rapport au revenu disponible parmi les pays du G7. Notre système de santé est en crise et notre économie est en difficulté.

Selon un rapport national récent de Campagne 2000, le taux de pauvreté infantile a augmenté de 2,5 points de pourcentage de 2021 à 2022. C’est la plus importante hausse annuelle jamais enregistrée. Ces deux dernières années au Canada, 358 520 enfants de plus qu’au plus fort de la pandémie en 2020 vivaient dans la pauvreté. C’est une honte, chers collègues.

Ainsi, à l’échelle du Canada aujourd’hui, près de 1 enfant sur 5 vit dans la pauvreté, ce qui représente près de 1,4 million d’enfants. Aucune région du Canada n’est épargnée. La pauvreté infantile a augmenté dans l’ensemble des provinces et des territoires. Le Nunavut affiche la hausse la plus marquée : la pauvreté infantile y a augmenté de 6 %.

L’Ontario a aussi connu un bond de 3,5 %. En 2023, le pourcentage d’enfants vivant dans un ménage souffrant d’insécurité alimentaire est passé de 24,3 % à 28,5 %. Tout cela est arrivé sous la direction du premier ministre dont Ivan Morgan se demande s’il est stupide.

Pire encore, l’ampleur de la pauvreté des familles, c’est-à-dire l’écart entre le seuil de la pauvreté et le revenu médian des familles à faible revenu, s’est accrue de 42 % depuis 2015. Par conséquent, pour les familles dont le revenu était de 10 050 $ sous le seuil de la pauvreté en 2015, l’écart s’est creusé pour atteindre 14 276 $.

Après neuf ans d’un gouvernement dirigé par Justin Trudeau et Jagmeet Singh, chaque mois, il y a maintenant 2 millions de personnes qui font la file aux banques alimentaires. L’année dernière, les banques alimentaires ont reçu 7,7 millions de visites de plus de 1 million de personnes rien qu’en Ontario. Autrement dit, les Ontariens qui fréquentent les banques alimentaires sont plus nombreux que la population de toute la Nouvelle-Écosse. Un Canadien sur quatre s’est mis à sauter des repas. Il y a des villages de tentes dans tout le pays, et les collectivités sont submergées par la criminalité, le chaos, les drogues et le désordre. Cependant, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, chers collègues, le premier ministre a un plan. Il va emprunter 1,6 milliard de dollars au nom des Canadiens et utiliser cet argent, notre propre argent, pour nous donner à tous « un véritable répit ».

Cependant, n’oublions pas que le premier ministre a pris la décision de distribuer non seulement 1,6 milliard de dollars de recettes fiscales fédérales, mais aussi 1,1 milliard de dollars de recettes fiscales provinciales. Autrement dit, selon le directeur parlementaire du budget, le coût réel s’élèvera à 2,7 milliards de dollars environ. De plus, comme il n’y a aucun plan pour rembourser ces 2,7 milliards de dollars, les intérêts s’accumuleront à raison d’environ 1 milliard de dollars tous les 10 ans jusqu’au remboursement.

En contrepartie, les Canadiens bénéficieront d’une réduction de quelques sous sur un éventail d’articles pendant 63 jours. Du 14 décembre 2024 au 15 février 2025, il n’y aura pas de TPS/TVH sur « les articles d’épicerie et les produits essentiels des Fêtes ». Quand le premier ministre parle d’« articles d’épicerie », il ne parle pas des légumes, de la viande, des céréales et des produits laitiers que les Canadiens achètent habituellement pour remplir leur garde-manger, car ces articles sont déjà exempts de TPS/TVH. Non, non, il parle de choses comme la bière, le vin, les bonbons, les croustilles de pommes de terre, les croustilles de maïs, les crottes de fromage, les bâtonnets de pommes de terre, le maïs soufflé, les mélanges de grignotines, les barres à base de fruits, le yogourt glacé, les beignes, les brownies, les plateaux d’aliments préparés et bien plus encore. Qui a dressé cette liste? Quel idiot patenté a eu cette idée?

Les soi-disant produits essentiels des Fêtes ne sont pas des choses comme les médicaments sur ordonnance, les produits d’entretien ménager, le service de téléphonie mobile, les factures d’Internet, les fournitures de premiers soins, les filtres pour chaudière, les pneus d’hiver, les réparations automobiles, les factures d’électricité et l’essence pour votre voiture. En revanche, il s’agit de casse-tête, de jeux de société, de consoles de jeux vidéo et de livres, à condition qu’il ne s’agisse pas de livres à colorier, de livres à découper, d’annuaires, de manuels des propriétaires ou de revues qui n’ont pas été achetées au moyen d’un abonnement.

Il s’agit de biens essentiels comme des jouets ayant l’apparence d’une chose; de journaux imprimés, mais pas numériques; de livres imprimés, mais pas numériques; et n’oublions pas les bas élastiques pour enfants, les cravates, les ceintures, les bretelles et les articles chaussants.

(1820)

Chers collègues, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas comment quelqu’un ici — le sénateur Gignac — peut dire : « Peu importe à quel point ce projet de loi est ridicule, je vais l’appuyer. » En plus, le leader du gouvernement nous dit que, comme le chef de l’opposition qui a perdu ses élections a déjà appuyé une telle mesure, c’est une raison suffisante pour appuyer cette imbécillité.

Chers collègues, nous pouvons voter contre cette imbécillité, car c’est bien ce que c’est. Cet homme nous accule à la faillite. Il accule vos petits-enfants à la faillite et nous le laissons s’en tirer. Il est riche. Cela ne lui pose aucun problème. Chers collègues, cette mesure a été rédigée au dos d’une serviette de table. Après avoir bu une bière de trop, cet homme a pris un stylo et a rédigé cela au dos d’une serviette de table.

Le sénateur Housakos : Quelqu’un l’a rédigé pour lui.

Le sénateur Plett : Quelqu’un l’a rédigé pour lui. Selon la ministre Freeland, qui est également incohérente sur le sujet, il s’agit d’une excellente nouvelle pour ceux qui font la queue aux banques alimentaires, qui peinent à payer leur hypothèque ou qui vivent dans un campement de sans-abri. En quoi est-ce une bonne nouvelle pour les personnes qui vivent dans un campement de sans-abri?

Après tout, a-t-elle dit, la situation est beaucoup plus reluisante qu’elle ne le semble et il y a simplement un décalage entre la récente bonne nouvelle concernant l’inflation et les taux d’intérêt et le sentiment des Canadiens par rapport à l’économie. Elle est convaincue que ce projet de loi va nous donner un coup de main pour sortir de la « récession illusoire » dans laquelle nous avons l’impression d’être enlisés.

Chers collègues, si vous n’êtes pas convaincus, laissez-moi vous rassurer. J’ai fait le calcul. Les 2,7 milliards de dollars représentent 1,05 $ par jour pour chaque Canadien pendant 63 jours consécutifs. C’est exact. La « récession illusoire » est presque terminée, chers collègues — alléluia —, car chaque semaine durant neuf semaines, le premier ministre et la ministre des Finances vont laisser vous et moi conserver 7,32 $ de notre argent. En retour, cela va stimuler les dépenses de consommation et tous nous sortir du marasme.

Cependant, je tiens à émettre un petit bémol. Cette économie quotidienne de 1,05 $ par personne ne profitera pas également à tout le monde. Puisqu’il faut dépenser de l’argent pour en économiser, ceux qui ont un plus gros revenu disponible et qui dépensent le plus seront ceux qui économiseront le plus. Malgré les déclarations exagérées et les phrases-chocs, ceux qui bénéficieront le plus de cette mesure seront les riches, comme Justin Trudeau, et ceux qui n’en bénéficieront pas du tout seront les plus pauvres, comme les sans-abri qui ont recours aux banques alimentaires. Eux ne recevront rien.

En 2022, lorsque le gouvernement a voulu remettre de l’argent dans les poches des Canadiens, il a choisi de verser un paiement complémentaire spécial au titre du crédit pour la taxe sur les produits et services, ce qui a été mis en œuvre au moyen du projet de loi C-30. Ce projet de loi a doublé le montant du crédit pour la TPS durant six mois.

Si on fait abstraction du fait que les politiques financières de l’actuel gouvernement libéral vont souvent à l’encontre des efforts de la Banque du Canada en matière de politique monétaire, cette mesure avait au moins le mérite de distribuer plus efficacement l’argent à ceux qui en avaient le plus besoin. En plus de permettre de savoir exactement où l’argent finirait, cette approche aurait épargné aux détaillants le temps et les frais de reprogrammation de leurs machines aux points de vente le 14 décembre, puis à nouveau le 15 février. L’Agence du revenu du Canada aurait pu se contenter d’apporter les modifications nécessaires à ses programmes, et les dépôts automatiques auraient été effectués dans les comptes bancaires de tout le pays.

Au lieu de cela, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, les petites entreprises des secteurs qui devront apporter des changements pour tenir compte de l’exonération fiscale temporaire font état de nombreuses préoccupations. Parmi les entreprises qui se sont exprimées, 75 % affirment que la mise en œuvre de la combine fiscale sera coûteuse et compliquée. Les petites entreprises font état d’un coût supplémentaire médian de 1 000 $ pour reprogrammer leurs systèmes afin de supprimer puis de rétablir la taxe, et 65 % déclarent qu’elles ne disposent pas de suffisamment de temps pour mettre en œuvre le changement. En outre, 71 % des détaillants estiment que les grandes entreprises et les géants du commerce en ligne profiteront le plus de ce congé de taxe et 68 % affirment qu’il sera difficile de déterminer quels articles sont temporairement exonérés de taxe. Parmi les détaillants de produits assujettis au congé de taxe, 66 % pensent que les consommateurs retarderont leurs achats et 54 % pensent que les consommateurs retourneront les produits pour les racheter pendant la période visée par le congé.

Chers collègues, c’est une vraie farce. En mai dernier, la ministre des Finances a déclaré : « [...] il serait irresponsable et injuste de transmettre davantage de dettes aux générations futures [...] » Elle a ensuite fait adopter un budget qui promettait d’ajouter 395,6 milliards de dollars de plus d’ici 2027-2028 au montant total de la dette détenue par le gouvernement fédéral. Hier, elle a renchéri. Écoutez bien ceci : lundi, elle va annoncer un déficit d’au moins 40 milliards de dollars — le directeur parlementaire du budget parle de 46 milliards de dollars, d’autres sources parlent de 62 milliards de dollars. Elle dit : « Notre gouvernement s’efforce d’assurer l’équité pour chaque génération [...] Et nous le faisons d’une façon responsable sur le plan financier. »

Dites-moi en quoi cela est responsable sur le plan financier. Chers collègues, on m’a déjà dit ici que je ne peux pas traiter quelqu’un de menteur, que ce n’est pas un langage parlementaire. Je ne sais pas comment on peut traiter une personne d’autre chose que menteuse alors qu’elle ment clairement aux Canadiens. La ministre des Finances est une menteuse et le premier ministre est un menteur; il n’y a tout simplement pas d’autre façon de le dire. La triste vérité, c’est que la seule façon exacte de décrire un comportement non parlementaire est d’utiliser un langage non parlementaire.

Comme je l’ai déjà dit, les conservateurs pleins de bon sens voteront contre...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, vous avez la parole.

Le sénateur Gold : En ce qui concerne mon collègue, si j’ai bien compris ses propos, il a reconnu qu’il employait un langage non parlementaire parce qu’il n’est pas d’accord avec un choix politique que le premier ministre a fait et dont le Sénat est actuellement saisi. Je demande au sénateur de reconsidérer ses propos ou je vous demande de prendre en délibéré cette violation du Règlement en ce qui concerne l’utilisation de propos non parlementaires dans cette enceinte.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, je vous remercie de vos commentaires.

(1830)

Voici ce que dicte l’article 6-13(1) du Règlement sur les propos non parlementaires : « Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement. »

Le sénateur Plett : Comme je l’ai déjà dit, les conservateurs pleins de bon sens voteront contre ce tour de passe-passe fiscal irresponsable et inflationniste de deux mois, et je vous encourage tous à faire de même, chers collègues.

Le gouvernement libéral-néo-démocrate doit être défait et remplacé par un gouvernement conservateur plein de bon sens, sous la direction très compétente de Pierre Poilievre, le plus rapidement possible.

Une voix : C’est pour bientôt.

Le sénateur Plett : Les Canadiens méritent mieux que des solutions de fortune et des promesses creuses. Ils méritent un gouvernement qui comprend leurs difficultés et qui a le courage d’apporter des changements essentiels pour que le Canada retrouve la prospérité.

Honorables collègues, je suis navré de devoir livrer un message aussi désespérant en cette période des Fêtes. J’en suis vraiment désolé. Ce n’est pas moi qui ai inventé cette combine fiscale.

Aucun Canadien n’a voté pour mettre en place ce gouvernement qui allie le NPD au Parti libéral. On compte plutôt 6 millions de Canadiens de plus qui ont voté pour les conservateurs plutôt que pour un autre parti. Quoi qu’il en soit, personne n’a voté pour cette coalition. Personne n’a voté pour que Jagmeet Singh devienne premier ministre du Canada.

Voilà dans quelle situation le gouvernement nous a placés. Pour trop de familles, ce sera un Noël très difficile, probablement le plus difficile de leur vie.

Après ce discours particulièrement lourd, aussi étrange que cela puisse paraître, j’aimerais apporter un peu de légèreté à la situation dans laquelle nous nous trouvons en tant que Canadiens, car mieux vaut en rire qu’en pleurer.

Je termine donc mon discours par ce poème :

C’était deux semaines avant Noël, et partout au pays,

Les produits de première nécessité étaient hors de prix.

Les familles nourrissaient l’espoir d’obtenir un peu de répit,

Mais le coût de l’épicerie leur causait bien des ennuis.

Le premier ministre Trudeau eut soudain une idée :

« Un maigre allégement fiscal leur fera tout oublier! »

Mais le coût du logement avait doublé, et celui des aliments, fort augmenté,

Tandis que l’équilibre budgétaire était maintenant chose du passé.

L’allégement tant vanté, pourtant modeste et éphémère,

Pour des croustilles et des beignets n’allait point faire l’affaire.

Les chefs déclarèrent : « C’est pour les crottes de fromage, pas pour les médicaments,

« Ce n’est pas non plus pour l’essence, malheureusement. »

Dans la rue, des gens, à cor et à cri,

Réclamaient un peu de chaleur pour survivre eux aussi.

Ils couraient vers les refuges en filant comme l’éclair,

Mais des files d’attente et une pénurie de services, c’est tout ce qu’ils trouvèrent.

Que virent-ils apparaître devant leurs yeux ébahis?

Un nouveau fardeau comptable et d’autres tracasseries.

Malgré les coûts supplémentaires qui leur causaient bien des soucis,

Les petites entreprises devaient changer les taxes sur leurs produits.

« Il faut maintenant inclure les casse-têtes, les jeux de société, les chaussettes pour enfant,

« Les ceintures, les robes et les livres, sauf les livrels, évidemment!

« On enlève la taxe et on la rajoute ensuite pour que ce cadeau des Fêtes

« Ruine les entrepreneurs qui seront pris avec ce casse-tête! »

Les économies annoncées en grande pompe ne se verront pas vraiment.

Avec 63 sous par jour, on ne peut pas fêter en grand.

« Cinq dollars par semaine pour ceux qui ont tant souffert,

« Ce n’est pas cela qui nous aidera à traverser l’hiver. »

La mesure fut donc adoptée avec résignation,

Pendant que les ménages souffraient encore du prix de l’alimentation.

Il y a cependant du changement et une lueur d’espoir à l’horizon

Pour nous sortir des ténèbres dans lesquelles nous vivons.

À l’alliance néo-démocrate—libérale il faut mettre fin

Pour qu’on ramène le gros bon sens dont les Canadiens ont besoin.

Avec Poilievre comme chef, l’espoir est renouvelé,

Et nos jours sombres seront bientôt ensoleillés.

Fini les expédients et autres mesures superficielles,

C’est le temps des solutions concrètes et audacieuses, pas des cadeaux de Noël,

Alors laissons Trudeau retourner auprès des écoliers,

Et les adultes gouverner et réparer les pots cassés.

Joignez-vous à ce grand combat, chers concitoyens, car le Canada mérite mieux.

Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit et un Noël des plus joyeux.

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Certainement.

Le sénateur Housakos : Sénateur Plett, merci de nous faire part de votre point de vue sur ce qui n’est devenu rien d’autre qu’un tour de passe-passe libéral. Avec le gouvernement actuel, nous avons connu neuf années de tours de passe-passe qui nous ont conduits à un endettement historique.

Cette année, le gouvernement fédéral paie plus d’argent en intérêts sur la dette nationale qu’en transferts pour les soins de santé. Vous pourriez peut-être nous dire ceci : quelles sont les répercussions sur notre système de santé d’une situation comme celle-ci?

Ma seconde question est la suivante — et il est dévastateur de même poser cette question; c’est incroyable, quand on y pense — au Canada, il y a actuellement une augmentation du taux de chômage, résultat ultime de neuf années de mauvaise gestion financière. Le chômage chez les jeunes au Canada atteint maintenant presque 14 % ou 13,9 %, ce qui est catastrophique.

Le sénateur peut-il nous parler un peu des conséquences pour les jeunes générations de Canadiens — dans ce qui était autrefois le G7 — qui croulent sous les dettes et qui tentent désespérément de trouver un emploi sur un marché où le taux de chômage chez les jeunes n’est pas de 5 ou 6 %, mais de 14 %.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Housakos, vous avez tout à fait raison.

Tout d’abord en ce qui concerne le système de santé, nous étions la fierté du G7, assurément. Dans toutes les provinces, les listes d’attente et les paiements de transfert — c’est une véritable farce. C’est un gouvernement qui a perdu le nord.

Pensons au sud de la frontière, où même avant les élections très positives — au cas où quelqu’un voudrait me sauter dessus pour cela —, les choses allaient beaucoup mieux là-bas qu’ici. Il est certain que cela se poursuivra et que les choses s’amélioreront encore.

Nous avons un gouvernement qui n’arrive pas à suivre. Nous sommes aujourd’hui la risée du G7. Le président désigné se moque de nous en disant que nous sommes le 51e État, et notre premier ministre, qui dort au gaz, décide de nous donner 5 $ chacun, ce qui coûtera 3 milliards de dollars — 3 milliards de dollars sur 46 milliards de dollars, et puis après?

La conséquence est, sénateur Housakos, que mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants — et les vôtres — hériteront d’un système qui n’a rien à voir avec ce que nous avons connu, vous et moi.

Vous et moi, au moins, nous nous souvenons de certains bons moments. Ils ne verront jamais cela à moins que le gouvernement actuel ne change très rapidement. Chaque jour où ce gouvernement est au pouvoir, il empire les choses pour celui qui viendra après.

Au lieu de cela, nous entendons des commentaires comme « votre chef, quelque part, a appuyé quelque chose », alors que ce chef a perdu la confiance de son propre caucus pour les raisons mêmes dont nous parlons.

C’est ce qui se passe ici avec le leadership, tant au Sénat qu’à l’autre endroit.

Le sénateur Housakos : Nous, au moins, nous l’avons mis dehors. Eux, ils le gardent.

Le sénateur Plett : Oui. Exactement.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Certainement.

La sénatrice Bernard : Merci, sénateur Plett.

Je vous remercie d’avoir expliqué très clairement pourquoi vous n’appuyez pas ce projet de loi. Cet après-midi, j’ai réfléchi à votre discours et à bien d’autres interventions et je me suis rappelé le discours de la sénatrice Pate et ses arguments en faveur d’un revenu de subsistance garanti comme l’un des moyens de remédier à la situation des travailleurs pauvres, ce que ce projet de loi ne fait pas.

J’aimerais savoir, sénateur Plett, si vous êtes pour un revenu minimum garanti.

(1840)

Le sénateur Plett : En toute honnêteté, sénatrice Bernard, je crois que la discussion porte sur un tour de passe-passe concernant la TPS et non sur un revenu minimum garanti.

Si nous débattons un jour d’un revenu minimum garanti, je serai heureux d’exprimer mon point de vue à ce sujet. Pour le moment, toutefois, nous débattons d’un tour de passe-passe fiscal; nous débattons de l’idée de donner 2 milliards de dollars dans les prochains jours. Si le paiement de 250 $ est effectivement versé dans quelques mois, il coûtera 6 milliards de dollars de plus. Plus nous dépensons, moins il y aura d’argent pour financer un quelconque revenu garanti pour qui que ce soit.

La sénatrice Bernard : Sénateur Plett, je vous ai demandé si vous étiez pour un revenu minimum garanti, et non si vous parleriez de ce sujet un jour.

Le sénateur Plett : Comme je l’ai dit, sénatrice Bernard, quand nous commencerons à débattre du revenu minimum garanti, j’exprimerai mon point de vue à ce sujet. Pour le moment, nous débattons d’un tour de passe-passe fiscal qui n’a absolument rien à voir avec un revenu minimum garanti.

L’honorable Colin Deacon : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Oui.

Le sénateur C. Deacon : Comme vous, je ne suis pas favorable à ce projet de loi. J’y vois des problèmes qui m’obligent à aller à l’encontre de la tradition parlementaire d’une manière que je ne prends pas à la légère.

Je dois vous poser une question que je songe à vous poser depuis six ans et demi : pensez-vous qu’insulter les gens dans cette enceinte et être belliqueux comme vous l’êtes contribue réellement à rallier les gens à vos arguments?

Le sénateur Plett : Permettez-moi de répondre à cela par une question, sénateur Deacon. Pensez-vous que le fait de m’insulter ici m’amènera à vous apprécier davantage?

Le sénateur C. Deacon : Pardon, mais je ne pense pas vous avoir insulté, monsieur.

Le sénateur Plett : Pardon, mais je ne vous ai pas insulté non plus. J’ai dit la vérité au sujet du premier ministre.

Sénateur Deacon, lorsqu’une personne dit un mensonge pur et simple — si ça marche comme un canard et cancane comme un canard, c’est un canard. Voilà ce que j’ai dit.

Son Honneur la Présidente : Je répète la règle concernant le langage non parlementaire : « Article 6-13. (1) Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement. »

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

L’honorable Leo Housakos : Je vous remercie d’avoir cité le passage sur les propos offensants, ce que nous avons tous entendu au Sénat à plusieurs occasions. Pour être clair, le Sénat n’a jamais établi une quelconque liste de mots non parlementaires, contrairement à la Chambre des communes. Il revient toujours au Sénat de trancher.

Certes, nous ne pouvons pas utiliser des propos offensants dans le cadre d’attaques ou dans les débats. Le sénateur Plett n’a aucunement formulé des propos offensants pour insulter un collègue du Sénat. Les mots utilisés par le sénateur Plett n’ont d’aucune façon remis en question l’intégrité d’un participant au débat.

Ce que le sénateur Plett a fait, c’est citer un éditorial publié par un organe de presse légitime. Il a parlé de problèmes en lien avec l’actuel premier ministre du Canada et de sa façon de se comporter. Il n’a fait rien de plus, rien de moins.

Je pense qu’il est un peu exagéré, chaque fois que nous entendons des propos désobligeants sur le comportement de l’actuel premier ministre, qui sont régulièrement utilisés dans les médias, de les qualifier de propos non parlementaires.

Je pense que nous étirons cette règle. Nous lui donnons une portée que je juge inappropriée compte tenu de l’objectif et de l’essence de la règle ainsi que de la conduite des débats au Sénat depuis de nombreuses années.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Étant donné que le sénateur Housakos a invoqué le Règlement, je vais me permettre de vous faire part de mon point de vue sur la question, Votre Honneur.

Je pense que le hansard montrera clairement les mots prononcés par le sénateur Plett. Je ne pense pas qu’il citait un éditorial quand il a fait les remarques auxquelles je m’oppose. Je crois qu’il a traité le premier ministre de menteur. Je crois qu’il a aussi qualifié — et qu’on me corrige si j’ai tort — la vice-première ministre de menteuse.

Je pense que le hansard montrera que le sénateur Plett a reconnu, avant de faire ces déclarations, qu’il ne pouvait pas traiter le premier ministre de menteur dans cette enceinte. Si je me souviens bien, j’y ai fait référence avant de lui demander des excuses, que je n’ai pas reçues, et de vous demander de prendre cette question en délibéré.

Je vais peut-être profiter de l’occasion, encore une fois, pour mentionner le discours du Trône afin de parler de courtoisie et de décorum, ainsi que de ce qui, selon moi, est la façon appropriée de mener un débat politique sérieux au Sénat. Franchement, je déplore le climat qui s’est installé dans cette enceinte ces derniers temps. À mon avis, c’est déshonorant et cela jette le discrédit sur notre institution, mais je m’écarte du sujet.

Je pense que le hansard montrera que le sénateur Plett ne citait pas un éditorial ni un journal, mais qu’il a dit quelque chose qui, à mon humble et respectueux avis, est non parlementaire. Je vous demande de prendre mes observations en considération dans votre décision sur cette question.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Bien, je serai très bref.

Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Gold au sujet du climat qui s’est installé au Sénat, un climat propice aux propos et aux comportements antiparlementaires, aux commentaires offensants et à l’antipathie entre les uns et les autres. Le sénateur Gold et moi-même sommes tout à fait d’accord. Je pense que notre seule divergence consiste à savoir qui a tort. Je pense que nous ne sommes pas du tout du même avis sur ce point.

Avant la réforme de cette merveilleuse assemblée, nous étions tous les jours au coude à coude avec les libéraux. Ils nous respectaient. Nous les respections. Nous sommes les mêmes qu’il y a 10 ans, avant l’arrivée du sénateur Gold. Nous n’avons pas changé.

Quelque part, quelque chose de mauvais s’est installé dans cette enceinte. Un collègue a demandé si le ton que j’emploie allait m’aider à rallier des voix à mon camp. Je préfère croire que c’est la qualité d’une mesure législative qui nous amène à voter dans un sens ou dans l’autre, et non pas l’opinion de quelqu’un d’autre.

Nous admettons maintenant exactement ce que j’ai dit à propos de cette chambre, à savoir que, lorsque nous votons, nous nous demandons : « Est-ce qu’il est mon ami? Est-il gentil? Est-ce que c’est le genre de personne qui... alors je vais voter en conséquence. » Pourquoi faisons-nous cela, sénateur Gold?

Bien, sénateur Gold, intervenez comme vous voulez. J’interviendrai comme je le veux.

Je suis d’accord avec le sénateur Gold.

Votre Honneur, je vous suggère vivement d’encourager tout le monde à considérer que certaines des anciennes méthodes n’étaient peut-être pas nécessairement mauvaises et que nous nous entendions très bien avant l’avènement de ce merveilleux Sénat réformé.

Son Honneur la Présidente : Une dernière...

Le sénateur Housakos : Votre Honneur, je souhaite revenir sur mon rappel au Règlement concernant l’emploi du verbe « mentir ».

Sénateur Gold, il est regrettable que vous pensiez que cette assemblée se transforme peu à peu en un lieu où il n’y a pas de politesse, et ainsi de suite, et que nous mettions votre sensibilité à l’épreuve et que nous attaquions, de manière ciblée, votre premier ministre, mais ce n’est pas le débat qui nous occupe ici.

Pour moi, c’est simple, Votre Honneur, quand quelqu’un dit des faussetés, nous le dénonçons au Sénat et nous le traitons de menteur, ou quand quelqu’un, par exemple, agit sans scrupules, nous le qualifions d’escroc, et il n’y a aucune liste dans le Règlement qui consigne ces mots comme étant du langage non parlementaire.

(1850)

Au fil des ans, les Présidents précédents ont interprété de manière assez large ce qui constitue des propos offensants. Nous appliquons cette règle lorsqu’il s’agit des discussions et du comportement entre sénateurs. Toutefois, lorsque nous sommes ici pour parler des politiques publiques de l’autre endroit, de l’exécutif ou de tout autre secteur de la société, je pense qu’il existe un large éventail de termes que nous avons le droit d’utiliser pour qualifier certains comportements.

Quand une personne colporte des faussetés, nous la traitons de menteuse. C’est l’objet du rappel au Règlement. Je ne pense pas que nous ayons une liste de termes non parlementaires au Sénat comme c’est le cas à la Chambre. Je pense que nous devons appliquer le Règlement en fonction de ce principe.

L’honorable Colin Deacon : Je tiens à intervenir rapidement pour présenter mes excuses au Sénat. Je pense que c’est moi qui ai provoqué ce débat.

J’ai simplement demandé au sénateur Plett si sa stratégie était efficace. Je tiens à m’excuser auprès de mes collègues. Je pensais qu’il s’agissait d’une question raisonnable.

Son Honneur la Présidente : Merci d’avoir soulevé cette question importante. Je ne manquerai pas de la prendre en considération.

Projet de loi concernant un congé fiscal pour l'ensemble des Canadiens

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).

L’honorable Jim Quinn : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Certainement.

Le sénateur Quinn : Sénateur Plett, aujourd’hui, nous avons entendu le sénateur Gold dire qu’il « ne peut y avoir de taxation sans représentation », une expression employée en général dans le contexte des hausses de taxe ou d’impôt. Le projet de loi C-78 porte sur une mesure temporaire qui correspond à une réduction de taxe. Quoi qu’il en soit, l’autre endroit a consacré peu de temps à cette mesure fiscale et, en moins d’une journée, l’a adoptée sans qu’elle passe par un comité et sans beaucoup de débats.

Diriez-vous que la Chambre élue a peut-être fait preuve de trop d’enthousiasme en consacrant si peu de temps à ce projet de loi sans aucune réflexion apparente et en l’envoyant ainsi au Sénat? Le Sénat suit le principe du second examen objectif.

Aujourd’hui, il a aussi été question de ceux d’entre nous qui ont été nommés par le gouvernement actuel et qui ont discuté avec le premier ministre — j’en ai déjà parlé. La discussion portait sur les politiques et sur les moyens de les améliorer. Si nous ne sommes pas d’accord avec les politiques, nous pouvons voter contre elles.

Si des sénateurs croient qu’il s’agit d’une politique imparfaite, ne devrions-nous pas voter contre cette politique puisque nous sommes des sénateurs indépendants?

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Quinn. Je vais essayer de bien répondre à votre question.

Tout d’abord, c’est vrai que le projet de loi a franchi les étapes beaucoup trop rapidement. Cela ne fait aucun doute. Une motion de programmation a été présentée, puis le projet de loi a été mis aux voix en deux temps, trois mouvements. Il a été adopté sans problème. D’ailleurs, on nous a conseillé de faire la même chose ici et de voter sur le projet de loi ce soir.

J’espère que la sénatrice Martin ajournera le débat dans les prochaines minutes et que nous n’aurons pas besoin de voter sur le projet de loi ce soir, de manière à pouvoir poursuivre notre réflexion, mais on nous a conseillé de faire la même chose.

Tout à l’heure, nous avons entendu notre collègue le sénateur Downe demander à la marraine du projet de loi ce qu’elle pensait du fait que le premier ministre ait publié un gazouillis — je crois que ce sont les mots que le sénateur a employés, mais je ne veux pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit — pour annoncer que le projet de loi entrera en vigueur le 14 décembre, ce qui présume les actions du Sénat avec précision. C’est ce que le premier ministre attend de nous.

Le premier ministre s’attend catégoriquement, rien de moins, à ce que nous adoptions le projet de loi avant le 14 décembre, car c’est ce qu’il a promis de faire.

Est-ce que je pense qu’il a tort d’être présomptueux? Oui. Je pense que nous avons non seulement le droit, mais bien l’obligation d’aider à sauver notre pays de ce qui est en train de se passer et que nous devons donc voter contre cette mesure. Il ne s’agit pas d’un projet de loi d’exécution du budget. Nous ne pouvons pas défaire le gouvernement. Si nous rejetons ce projet de loi, le gouvernement ne tombera pas.

Sénateur Quinn, si nous pensons que c’est un mauvais projet de loi, nous devons voter contre. Que nous aimions ou non la personne qui prononce le discours, nous devons voter contre ce projet de loi très dommageable et nuisible.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Mary Robinson : Honorables sénateurs, le débat est ajourné au nom de l’honorable sénateur Plett, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je ne sais pas si c’est approprié, Votre Honneur, mais il s’agit d’un premier discours. Je demande le consentement de ce caucus pour permettre à la sénatrice Robinson de commencer après le souper, car nous allons tenir compte de l’heure dans trois minutes.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

[Français]

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Projet de loi de crédits no 4 pour 2024-2025

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-79, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Mary Robinson : Honorables sénateurs, je prends la parole en réponse au discours du Trône. Bien que vous m’ayez déjà vu prendre la parole pour poser des questions, il s’agit de mon premier discours.

Depuis que j’ai prêté serment au Sénat, en février dernier, je suis les divers débats dans cette enceinte et j’en tire des enseignements. Ils alimentent mes réflexions. Au cours de ces 10 mois, j’ai assisté aux réunions de divers comités sénatoriaux sur une multitude de sujets et j’ai eu des conversations instructives avec beaucoup d’entre vous. Dans tous ces contextes, il y a une idée qui m’occupe toujours l’esprit. En écoutant mes collègues s’exprimer et débattre sur des sujets qui leur tiennent à cœur, j’en suis venue à me demander ce que j’espère accomplir dans le cadre de cette honorable fonction. Quels sont les dossiers que j’espère défendre?

Si la réponse à ce dernier élément semble évidente, la réponse au premier n’est pas si simple. Ceux d’entre vous qui me connaissaient avant que je prête serment savent que je viens du milieu de l’agriculture. Ceux d’entre vous qui ne me connaissaient pas savent à tout le moins que je suis ici pour représenter ma province bien-aimée : l’Île-du-Prince-Édouard.

Ce qui m’a attirée ici, c’est que j’ai appris de première main qu’en dehors de notre distingué collègue le sénateur Black, cette institution manquait d’expertise en matière d’agriculture. Le chemin que j’ai parcouru pour arriver ici a été long et quelque peu pittoresque. Je me suis souvent demandé si j’étais digne d’emprunter cette nouvelle voie. Pour moi, être nommée au Sénat, c’était comme réaliser un rêve impossible. Je suis profondément émue qu’on m’ait donné cette chance incroyable.

Comme la plupart de mes distingués collègues ici présents, dans mon domaine d’expertise, j’ai eu un parcours unique, et mon expérience vaste. Je suis fière de dire que j’ai les pieds solidement ancrés dans l’agriculture, dans ma province, dans mon pays et dans la planète elle-même. J’ai eu l’honneur d’être présidente de la Fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai été la première femme à présider le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture et la première femme à présider la Fédération canadienne de l’agriculture. J’ai été vice-présidente de l’Organisation mondiale des agriculteurs. Je suis ravie de me joindre à vous et d’accroître ainsi la représentation du milieu agricole au Sénat de 100 %, grosso modo.

Comme j’ai passé la majeure partie de ma vie à travailler en agriculture, je n’ai jamais prévu ou même pensé devenir sénatrice. Ma famille pratique l’agriculture sur l’Île-du-Prince-Édouard depuis plus de 200 ans. Je me souviens que mon père nous a fortement conseillé, à mes frères et sœurs ainsi qu’à moi, de ne pas revenir à la ferme. Il nous a encouragés à chercher une carrière en dehors de l’agriculture et à trouver des voies différentes et plus stables. Je me souviens qu’à un moment donné, il pensait que je ferais une belle vie en tant que chiropraticienne à Daytona. Pour de nombreuses raisons, je suis heureuse d’avoir résisté à cette idée. Je pense aujourd’hui que son conseil venait de son expérience directe du stress et des incertitudes que le secteur apporte bien trop souvent. À moins qu’il n’ait eu l’intention de jouer à un jeu de psychologie inversée, les choses n’ont pas vraiment fonctionné comme il l’avait imaginé.

Après mes études universitaires, j’ai eu la chance de voyager et de travailler dans de nombreux endroits différents. L’Île-du-Prince-Édouard a fini par me manquer. Je suis rentrée à la maison, j’ai rejoint l’entreprise familiale, j’ai trouvé un partenaire de vie qui me soutient, j’ai fondé une famille et je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir faire de tout mon temps libre. Mes grands-parents et mes parents m’ont longtemps montré l’exemple en s’engageant pour rendre le monde meilleur. C’est ainsi que je me suis engagée dans le monde de la politique agricole.

Lorsque je me suis jointe à la fédération agricole locale, j’ai fait la rencontre d’un groupe de personnes tournées vers l’avenir qui n’ont pas perdu de temps avant de me mettre au travail. Tout naturellement, mon objectif a été de faire en sorte que l’agriculture ne soit pas négligée dans les politiques fédérales et provinciales. Je l’ai fait tout en essayant de trouver ma place dans l’industrie en tant que femme qui, comme le dit ma famille, portait des « bottes propres » et des « bottes sales » : des bottes sales pour le travail sur le terrain et des bottes propres pour la gestion des affaires et des politiques agricoles.

Je dois préciser qu’être une femme en agriculture n’est pas si particulier que cela. Il y a beaucoup de femmes incroyables qui ont joué et qui continuent de jouer un rôle déterminant en menant l’agriculture vers un avenir brillant. Cela dit, il pourrait être utile de prendre en considération mon point de vue, car les femmes en agriculture ont rarement — voire jamais — bénéficié d’une tribune au Sénat pour faire entendre leurs voix.

Cela m’amène à la prochaine partie de mon discours qui s’intitule : « Où puis-je me faire entendre? » Mon parcours, de mon ancien poste de présidente de la Fédération canadienne de l’agriculture — rien de moins qu’une lobbyiste — à mes fonctions actuelles au Sénat, où je semble être interpellée par d’innombrables lobbyistes, m’a permis de constater un véritable décalage entre la façon dont l’agriculture est définie au Canada, son orientation et ses besoins. Je me souviens avoir entendu, enfant, un politicien parler des agriculteurs et des Canadiens ruraux comme de la « populace ».

Trop souvent, l’agriculture est considérée comme une industrie distincte, détachée de tout le reste, à la fois insouciante, évitante et peut-être évasive. Venant de l’autre côté, je peux vous dire que ce discours n’est pas si différent de celui qui s’applique au Sénat. Nous avons entendu récemment dans cette enceinte des observations selon lesquelles les relations entre le Sénat et le milieu de l’agriculture sont tendues, et il est devenu inconfortable d’en parler à tel point que je me trouve dans une situation unique : agir comme une conciliatrice entre deux groupes qui devraient travailler ensemble, mais qui n’ont pas réussi à investir l’un dans l’autre pour se comprendre et qui, le plus souvent, ne parviennent pas à travailler ensemble pour renforcer le pays et le monde.

(2010)

Lorsque j’ai lu le discours du Trône, j’ai remarqué qu’il n’y avait qu’une seule mention des agriculteurs, et qu’elle se trouvait dans la catégorie générale d’une « action climatique audacieuse ». Je reconnais que les agriculteurs ont une place importante dans la stratégie climatique, mais leur importance ne peut être minimisée au point où ils font l’objet de considérations accessoires. Je regrette que le discours du Trône n’ait pas davantage évoqué le potentiel du secteur en tant que fournisseur naturel de solutions climatiques et puits net de carbone. Je suis certaine qu’avec le temps, j’aurai l’occasion de m’exprimer davantage sur ces questions. Restez à l’écoute.

Je me suis également rendu compte qu’en tant que sénateurs, nous nous trouvons dans une situation unique. Nous représentons nos provinces et mettons en lumière leurs perspectives et intérêts régionaux, tout cela sans avoir à faire face à l’incertitude de nous voir retirer notre tribune au moyen d’une élection.

L’ancienne sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard, Catherine Callbeck, m’a fait remarquer que les sénateurs peuvent approfondir et affiner les questions qui les intéressent et les débattre avec soin et de manière réfléchie. J’ai l’intention de me prévaloir pleinement de ce privilège. Il fait certainement partie de ma mission au Sénat de mettre en évidence l’incroyable succès des nombreuses et impressionnantes composantes de l’industrie agricole canadienne ainsi que des liens inextricables de l’agriculture avec une plus grande partie du tissu canadien que vous ne le pensez.

Au-delà des producteurs primaires les plus connus, à savoir les agriculteurs et les éleveurs, je m’efforcerai de faire connaître à mes collègues les intervenants moins connus, tels que les pisciculteurs et les horticulteurs, ainsi que les différents mariages de technologies, tels que les pâturages solaires et les serres robotisées. Par la suite, j’espère réussir à faire comprendre aux sénateurs l’ampleur des possibilités qui existent au-delà de la production primaire et présenter les possibilités de valeur ajoutée et ce que nous pourrions faire pour progresser au niveau international dans ce domaine.

La science, la technologie et les débouchés sont époustouflants. En fin de compte, je souhaite vous donner à tous la possibilité de ressentir le même émerveillement et la même fierté que moi à l’égard de l’agriculture canadienne.

Je tiens à souligner que je n’ai pas l’intention de faire de mes honorables collègues des experts en agriculture. Mon objectif au cours des prochaines années est de planter dans votre esprit une graine qui, je l’espère, grandira et se développera chaque fois que nous débattrons d’une politique, quelle qu’elle soit, au Sénat. La prochaine fois que nous nous engagerons dans un débat, j’espère que vous vous direz : « Je ne sais pas quel est le point de vue du secteur de l’agriculture, mais je suis sûr qu’il y en a un. »

Maintenant, amusons-nous un peu à apprendre quelques faits sur l’agriculture. Je me demande bien ce que mes estimés collègues savent déjà parmi les faits suivants.

Savez-vous que le Canada arrive au cinquième rang mondial des exportateurs d’aliments, que l’agriculture et l’agroalimentaire canadiens emploient une personne sur neuf dans notre grand pays et qu’en 2023, l’industrie a généré 150 milliards de dollars? Cela représente environ 7 % du PIB du Canada.

Savez-vous que l’image de marque du Canada dans le monde est synonyme de qualité? Le Canada est connu pour ses aliments de haute qualité, sûrs, nutritifs et issus de méthodes de production durables? Savez-vous que la pénurie de main-d’œuvre en 2022 — ces 28 200 emplois que nous n’avons pas été en mesure de pourvoir — a privé nos producteurs primaires de revenus de 3,5 milliards de dollars?

Sur ce dernier point, il nous faudrait méditer sur la tendance lourde qui s’observe : le Canada perd constamment des occasions de générer de la valeur ajoutée. Le Canada passe à côté de ces possibilités chaque année, car nous sommes toujours incapables de pourvoir ces emplois. En outre, un rapport de 2017 intitulé Libérer le potentiel de croissance des secteurs clés a été publié par le Conseil consultatif en matière de croissance économique du gouvernement fédéral, présidé par Dominic Barton; il a cerné l’agriculture comme un important moteur de croissance économique à long terme qui n’est pas exploité.

Je vous encourage, si ce n’est déjà fait, à prendre le temps de réfléchir aux effets qu’auront les changements climatiques sur la production alimentaire dans le monde et à la façon dont l’abondance des richesses naturelles du Canada jouera un rôle de plus en plus crucial dans l’approvisionnement alimentaire du monde. L’agriculture pourrait être pour le Canada l’histoire d’une belle réussite. J’adorerais faire visiter à chacun d’entre vous quelques-unes des nombreuses fermes et exploitations agricoles du pays. J’aimerais que vous puissiez découvrir la passion, l’engagement, la collaboration, la technologie et le dynamisme de la communauté agricole.

L’un des objectifs que je me suis fixés en tant que sénatrice, c’est de faire prendre conscience à chacun d’entre vous que, sur le plan agricole, le Canada fait vraiment l’envie d’une grande partie du monde et qu’en notre qualité de parlementaires, nous devons faire le nécessaire pour que le secteur agricole canadien soit sur un pied d’égalité avec nos concurrents étrangers. C’est ainsi que nous pourrons commencer à mieux réaliser notre potentiel économique et à mieux remplir notre rôle : cela peut donner l’impression d’un vieux cliché, mais nous devons faire mieux pour nourrir le monde. Quand les gens sont mieux nourris, il y a moins de conflits et d’agitation et, par le fait même, moins de personnes déplacées.

Honorables sénateurs, j’espère que vous m’accompagnerez dans ce nouveau périple et que vous apprendrez en quoi le secteur agroalimentaire canadien a le potentiel de réaliser une foule de grandes choses. Comme je l’ai dit précédemment — et je le répète —, même si mon point de vue n’est pas toujours unique, je ferai en sorte qu’il soit digne d’intérêt. D’ailleurs, lorsque nous reprendrons nos travaux en début d’année, ne soyez pas surpris de me voir intervenir plus souvent dans les débats. J’ai hâte de trouver ma voix dans cette enceinte et de prendre part à des discussions réfléchies avec vous, chers collègues. Merci.

Des voix : Bravo!

(Le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Martin, au nom de l’honorable sénateur MacDonald, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).

L’honorable Toni Varone : Honorables sénateurs, je suis très reconnaissant d’avoir l’occasion de discuter du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables), à l’étape de la troisième lecture.

Bien des observations ont été formulées, et un débat vigoureux s’en est suivi. Bien que les opinions soient partagées, nous sommes tous unis dans notre conviction qu’il faut viser un traitement plus juste pour les agriculteurs canadiens. Les amendements que j’ai proposés au Comité des banques étaient réfléchis et conçus pour remédier aux lacunes inhérentes du projet de loi dans sa forme initiale. Bien que le Sénat les ait rejetés, je respecte le processus démocratique qui gouverne nos discussions.

La démocratie au Canada est le témoignage de notre résilience institutionnelle. Elle nous met à l’épreuve, mais elle nous permet d’examiner et de respecter nos points de vue respectifs, même quand nos passions nous entraînent dans des échanges houleux.

(2020)

J’ai plaidé en faveur des modifications qui, à mon avis, amélioreraient le projet de loi C-280 et donneraient de meilleurs résultats pour les agriculteurs, mais d’autres sénateurs ont prôné avec la même ardeur l’adoption du projet de loi non amendé. Que l’on estime qu’il s’agit d’une initiative louable qui permettra d’atteindre les objectifs visés ou d’une initiative malavisée qui menace l’équilibre délicat du régime de la faillite au Canada, le débat s’est déroulé dans le respect des libertés d’expression et de vote qui nous tiennent à cœur.

Compte tenu des événements en cours dans le monde, nous devrions être fiers de ce privilège démocratique. L’essence véritable de notre pays réside non pas dans le côté que nous choisissons lors d’un vote, mais dans notre capacité de débattre des amendements proposés et d’exercer librement notre droit de vote. C’est le principe qu’il vaut la peine de protéger et de célébrer.

Mon analyse du texte original du projet de loi C-280 n’a pas changé. Il est devenu de plus en plus manifeste que ses dispositions ont été mal définies, et je reste convaincu que les agriculteurs ont besoin d’une véritable protection et que le projet de loi, tel qu’il a été initialement présenté, ne donne pas cette garantie.

Cependant, je suis confronté à un dilemme : voter contre le projet de loi non amendé irait à l’encontre de mon engagement personnel à défendre les agriculteurs. En effet, je soutiens que le projet de loi non amendé obligerait le secteur agricole canadien à adopter une position plus ferme face aux défis qui se présentent à lui et à la nécessité de se protéger de façon proactive des mauvais acteurs.

C’est la seule façon d’éviter que les agriculteurs d’ici se retrouvent devant un tribunal de la faillite. Pour que la réciprocité soit ancrée dans nos relations commerciales avec les États-Unis, les agriculteurs canadiens doivent remédier aux lacunes structurelles de ce cadre. Le Sénat n’est peut-être pas l’endroit indiqué pour cette discussion, mais le renforcement des normes réglementaires, la prise en compte des questions d’atténuation du crédit et la mise en place de mécanismes d’autorégulation sont autant d’éléments indispensables à la réussite d’un accord réciproque avec les États-Unis.

En conclusion, il est de notre devoir de veiller à ce que les voix des agriculteurs d’ici soient entendues, que leurs intérêts soient protégés et qu’un cadre qui reconnaît leurs contributions vitales à notre économie soit établi. Je voterai donc en faveur des agriculteurs.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-280, à l’étape de la troisième lecture, pour parler des répercussions de son adoption sans amendement.

Le rejet du rapport du comité est regrettable, car nous nous retrouvons avec un projet de loi non amendé même s’il comporte de graves lacunes. Cependant, ce nouveau départ est source de clarté et nous oblige à examiner attentivement ce que nous devons faire avec un projet de loi qui ne règle pas le problème qu’il est censé régler tout en créant une toute nouvelle série de problèmes.

Malgré ce qu’en disent ses défenseurs, le projet de loi C-280 n’assure pas la réciprocité avec les États-Unis en ce qui concerne le traitement des créances impayées de fournisseurs de fruits et de légumes périssables. Je ne doute aucunement que les Américains aimeraient que le Canada mette en place une structure semblable à une fiducie réputée qui serait l’équivalent de leur Perishable Agricultural Commodities Act, mais comme le sénateur Varone l’a souligné, les différences entre le projet de loi C-280 et la Perishable Agricultural Commodities Act sont importantes et nous donnons un coup d’épée dans l’eau avec ce projet de loi.

L’assentiment donné à ce projet de loi par quelques législateurs américains qui ne l’ont pas examiné en détail est loin d’être une garantie de réciprocité. Il est vrai que le projet de loi tel qu’amendé n’aurait pas non plus permis la réciprocité, mais le sénateur Varone n’a pas promis que tel serait le cas. Il essayait d’améliorer un projet de loi mal conçu et d’en réduire les préjudices.

Si vous êtes surtout préoccupé par la question de la réciprocité, ce qui est l’intention du projet de loi, vous aurez eu raison de voter contre le rapport du comité, parce que l’amendement n’aurait pas réglé le problème de la réciprocité. Cependant, selon la même logique, vous devriez aussi voter contre le projet de loi non amendé, car c’est également peu probable qu’il assure la réciprocité pour les fournisseurs canadiens de fruits et légumes frais.

Le mieux que les partisans du projet de loi puissent dire, c’est qu’aucune autorité américaine n’a affirmé de façon définitive que le projet de loi ne donnerait pas lieu à de la réciprocité. Certains diront que, même face à l’incertitude entourant les garanties américaines, nous devrions tout de même adopter ce projet de loi parce que, eh bien, lancer quelque chose à l’aveuglette serait mieux que de ne rien lancer du tout. Toutefois, le problème lorsqu’on lance des choses à l’aveuglette c’est que l’on ne sait pas qui on atteindra. Dans le cas du projet de loi C-280, il pourrait y avoir beaucoup de victimes innocentes qui seraient atteintes d’un dur coup financier.

En vertu de ce projet de loi, les fournisseurs de fruits et légumes périssables auraient la priorité sur les retraités, les travailleurs d’autres groupes vulnérables, y compris certains agriculteurs et pêcheurs. Une telle priorisation perturbe fondamentalement la hiérarchie des obligations qui doivent être équilibrées en cas d’insolvabilité. Le projet de loi C-280 rompt cet équilibre, créant de l’incertitude sur le marché du crédit et causant presque certainement des litiges coûteux pour les raisons que le sénateur Cotter et d’autres ont expliquées.

La création d’une catégorie de super-priorité pour les producteurs de fruits et légumes pourrait faire augmenter le coût du crédit tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Il ne faut pas oublier que les producteurs ne construisent pas des maisons ou des bateaux que les institutions financières peuvent saisir et donc prendre en compte dans leurs calculs du crédit.

Il ne faut pas oublier non plus que la catégorie de super-priorité n’inclut que les fournisseurs dont les fruits et légumes périssables :

[...] sont réemballés ou transformés par l’acheteur sans qu’en soit changée leur nature.

Elle n’inclut pas les fournisseurs de services d’emballage, de transport, de courtage, d’entreposage, de publicité et d’autres services auxiliaires liés à la livraison de fruits et de légumes frais de la ferme à la table, pour ainsi dire, qui font partie de la chaîne d’approvisionnement élargie. En quoi est-ce équitable pour ces fournisseurs de biens et de services?

Le fait que le projet de loi C-280 perturbera le consensus social sur la question de savoir qui doit avoir la priorité dans le règlement des créances en cas d’insolvabilité est déjà assez déplorable, mais il est encore plus déplorable que nous le fassions sans parvenir à obtenir la réciprocité que ce projet de loi cherche à acquérir.

Si nous adoptons ce projet de loi et qu’il s’avère que nous ne sommes pas plus près d’obtenir la réciprocité de la part des Américains, que pensez-vous qu’il adviendra du projet de loi C-280 ? Pensez-vous qu’un futur Parlement cherchera à abroger ces dispositions pour rétablir l’équité dans la hiérarchie des créanciers? À mon avis, c’est très peu probable, car on sait à quel point il est difficile de se débarrasser de lois mal conçues ou désuètes.

Si vous pensiez que les efforts de lobbying du secteur des fruits et légumes périssables pour le projet de loi C-280 étaient impressionnants, attendez de voir ce qui arrivera si nous tentons de l’annuler parce qu’il n’est pas adéquat.

La question que nous devrions poser dans le cadre de ce débat à l’étape de la troisième lecture est la suivante : pourquoi aller de l’avant avec un projet de loi imparfait qui, on le sait, causerait des dommages collatéraux à d’autres segments de la société, alors que nous pourrions plutôt aborder le problème de la réciprocité d’une manière plus systématique et organisée?

Certains de mes honorables collègues affirment que nous devrions adopter le projet de loi C-280 sans amendement à cause de la menace imminente qui plane sur l’accès aux marchés avec le retour de Donald Trump à la présidence.

En fait, ils soutiennent que nous devrions devancer l’examen de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM, prévu pour 2026, en proposant un projet de loi sur la réciprocité dès maintenant, même si nous ne sommes pas sûrs qu’il aboutira. Comme dans le cas d’un autre projet de loi très imparfait, le projet de loi C-282 sur les industries soumises à la gestion de l’offre, la prise d’une mesure préventive par l’intermédiaire du projet de loi C-280 serait une bourde stratégique de notre part. Pourquoi renoncerions-nous à une monnaie d’échange avant même d’avoir à l’utiliser? Plutôt que de nous précipiter pour mettre en œuvre une mesure imparfaite, nous devrions profiter du prochain examen en 2026 pour négocier une solution globale et définitive au problème de réciprocité.

Alors que nous fonctionnons en ce moment en fonction des clins d’œil et des hochements de tête des Américains et de beaucoup de suppositions de notre part, nous pourrions, dans le cadre d’une révision en bonne et due forme de l’accord commercial canado‑américain, présenter carrément la réciprocité comme un différend que les deux parties veulent résoudre et atteler à la tâche les autorités en matière d’agriculture et de finances de nos deux pays. Cela permettrait d’adopter une approche bilatérale réfléchie et délibérée pour résoudre ce problème plutôt que d’adopter cette approche unilatérale provenant d’un projet de loi émanant d’un député.

Pour ceux d’entre nous qui s’opposent au projet de loi C-280, l’adoption du rapport avec un amendement aurait suffi à ce qu’il soit adopté avec dissidence à l’étape de la troisième lecture. Les détracteurs de cette approche diraient qu’il s’agit d’une tentative déguisée de torpiller le projet de loi.

(2030)

Pour moi, il s’agit plutôt d’une discussion entre la Chambre haute et la Chambre basse. La discussion s’arrêtera si un projet de loi amendé ne voit pas le jour à l’autre endroit, mais les idées de bonne foi proposées par le Sénat — dans ce cas-ci, le sénateur Varone et les membres du Comité des banques — pourront se retrouver dans une version future, meilleure, du projet de loi. C’est un geste tout à fait légitime de la part de notre institution, et il ne faut pas le décrier.

Cependant, chers collègues, il est trop tard.

Ce que nous avons devant nous, c’est le projet de loi C-280 complètement intouché. Si nous avons été rassurés par le projet de loi amendé, nous devrions être horrifiés qu’il soit revenu à sa forme initiale. Pour ceux qui se sentent comme moi, la seule question qu’il reste à se poser est de savoir si nous avons le droit de le rejeter.

La réponse est un « oui » sans équivoque. Notre droit constitutionnel de rejeter des projets de loi est inconditionnel, même s’il est guidé par des conventions et tempéré par la pratique.

J’accepte une certaine version de la convention de Salisbury, qui nous oblige à nous pincer le nez lorsque nous approuvons des projets de loi imparfaits qui répondent à une promesse électorale du gouvernement en place. Je reconnais également que nous devrions être très réticents à défaire les projets de loi du gouvernement qui ne correspondent pas à une promesse électorale, sous réserve des mises en garde constitutionnelles habituelles, bien sûr.

La mesure législative à l’étude n’a toutefois rien à voir avec ces deux critères élevés. Le projet de loi C-280 est un projet de loi d’initiative parlementaire qui a pu passer en douce à la Chambre des communes grâce au dysfonctionnement d’un gouvernement minoritaire. C’est précisément dans ce genre de circonstances que nous devrions, d’une part, être plus vigilants et, d’autre part, être moins tolérants à l’égard d’une mesure législative bancale.

Ce n’est un secret pour personne que l’autre endroit est actuellement en plein désarroi. Il s’y accomplit peu de travail législatif et le débat à la Chambre est un défilé détestable d’injures, d’apartés méchants et d’autopromotion. Depuis le début de la législature actuelle, les réalisations législatives du gouvernement sont au mieux modestes, et l’opposition fait tout ce qu’elle peut pour qu’il en soit ainsi.

Dans ces circonstances, je pense que le gouvernement soutient certains projets de loi d’initiative parlementaire dans le but d’étoffer ses réalisations législatives au cours de la 44e législature, même si ces mesures n’ont pas été soumises à la rigueur d’un examen ministériel. Cet effort reflète un certain désespoir, voire un certain cynisme.

Peut-être le gouvernement compte-t-il sur une future législature pour corriger les défauts de ces mesures. Peut-être agit-il dans l’espoir qu’un autre gouvernement devra remédier à ces défauts. C’est du cynisme au carré, mais nous pouvons au moins dire, dans ce cas, que le gouvernement et l’opposition sont, de leur plein gré, partenaires dans cette danse macabre.

Vous rappelez-vous ce que la Cour suprême a dit au sujet du rôle de la Chambre haute? Elle a déclaré ceci :

Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral auquel participaient les députés de la Chambre des communes, afin d’écarter les sénateurs d’une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.

Chers collègues, cela nous rappelle non seulement à quel point nous sommes fondamentalement différents de l’autre endroit, mais aussi qu’il faut faire preuve de courage dans l’exercice de nos fonctions.

Voici où je veux en venir : bien que nous devrions toujours être conscients de notre rôle de Chambre complémentaire de second examen objectif, il est encore plus important de faire un examen objectif, étant donné le dysfonctionnement du gouvernement minoritaire. S’opposer à un projet de loi d’initiative parlementaire qui comporte des lacunes flagrantes, même si celui-ci a l’appui du gouvernement, ne revient pas à contrevenir à la convention de Salisbury.

Bien sûr, si vous pensez qu’il s’agit d’un bon projet de loi, vous devriez l’appuyer, mais si vous pensez, comme moi, qu’il comporte de graves lacunes, vous ne devriez pas hésiter un seul instant à le rejeter à l’étape de la troisième lecture.

En résumé, le projet de loi C-280 ne réglera pas le problème de la réciprocité. Cependant, il perturbera l’équilibre des priorités dans les cas d’insolvabilité et laissera pour compte des groupes importants de Canadiens, y compris les Canadiens vulnérables. Si nous adoptons ce projet de loi, il sera très difficile de revenir en arrière, même si la réciprocité promise ne se concrétise pas.

Il existe une meilleure façon de négocier la réciprocité, soit lors de la prochaine révision de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, à laquelle les autorités compétentes du Canada et des États-Unis participeront pleinement. Si vous adhérez à cette analyse, vous devriez rejeter les arguments fallacieux visant à nous intimider pour que nous votions pour le projet de loi. Au contraire, vous devriez choisir la seule option qu’il nous reste pour ce projet de loi boiteux, c’est-à-dire le rejeter.

Comme les fruits et les légumes, ce projet de loi a une durée de vie limitée, et celle-ci tire à sa fin. Que notre responsabilité de concevoir de bonnes politiques publiques ne disparaisse pas, mais que le projet de loi C-280, lui, disparaisse. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Le vote aura lieu à 21 h 36.

Convoquez les sénateurs.

(2130)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan McCallum
Audette McNair
Batters McPhedran
Bernard Miville-Dechêne
Black Moreau
Boudreau Muggli
Burey Osler
Busson Oudar
Cardozo Patterson
Carignan Petten
Cuzner Plett
Dalphond Prosper
Deacon (Nouvelle-Écosse) Quinn
Deacon (Ontario) Ravalia
Duncan Richards
Francis Ross
Gerba Seidman
Gold Senior
Harder Smith
Housakos Sorensen
Kingston Tannas
Klyne Varone
LaBoucane-Benson Verner
MacAdam Wallin
Manning Wells (Alberta)
Martin Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)
McBean White—54

CONTRE
Les honorables sénateurs

Arnot Loffreda
Clement Massicotte
Cormier Mégie
Coyle Moncion
Dean Petitclerc
Forest Ringuette
Fridhandler Saint-Germain
Galvez Woo
Gignac Youance
Greenwood Yussuff—21
Kutcher

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Boehm Pate—2

(2140)

[Français]

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif—Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à l’adoption du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénatrices et sénateurs, cela n’aura échappé à personne dans cette Chambre : la marraine du projet de loi, la sénatrice Gerba, et le principal porte-parole, le sénateur Harder, qui a accepté à l’étape de la deuxième lecture de remplacer le sénateur Plett à ce titre, sont deux membres d’un même groupe parlementaire agissant en qualité de principaux porte-parole, mais ils ont une position opposée à l’égard d’un même projet de loi. C’est, je crois, du jamais-vu au Sénat. En effet, jusqu’en 2015, cela n’aurait pas été possible dans un Sénat marqué essentiellement depuis 1867 par le duopole entre le Parti libéral et le Parti conservateur, ces deux partis échangeant à tour de rôle les positions de soutien du gouvernement et d’opposition, au gré des résultats électoraux. Non seulement le Sénat actuel a brisé ce duopole avec la présence de quatre groupes parlementaires, mais trois de ces groupes sont non affiliés à un parti politique reconnu. Comme son modèle d’origine, la Chambre des lords, notre institution évolue.

Comme leader du Groupe progressiste du Sénat, je voudrais remercier la sénatrice Gerba et le sénateur Harder pour tous les efforts déployés afin de faire connaître les motifs de leurs positions opposées. Ils ont su mettre de l’avant leurs convictions respectives dans le respect mutuel, qui est une valeur fort importante. Ce faisant, ils nous ont tous fait bénéficier d’arguments différents qui ont enrichi le débat. Je souligne aussi que le fait que la marraine et le porte-parole soient des membres du même groupe montre le haut degré d’indépendance de chacun des sénateurs et sénatrices du Groupe progressiste du Sénat, une caractéristique dont je suis fier. J’ajoute que cela n’a jamais affecté le bon fonctionnement de notre groupe et la bonne tenue de nos échanges.

Je remercie également le sénateur Boehm d’avoir dirigé une étude approfondie au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. La libéralisation de l’accès aux marchés et la préservation d’un secteur agricole canadien fort sont des questions complexes qui méritent une sérieuse considération.

Je passe maintenant aux motifs qui m’amènent, non pas comme leader, mais comme sénateur indépendant du Québec, à voter non au rapport qui nous est proposé.

Premièrement, le fait que le Bloc québécois soit l’initiateur d’un projet de loi visant à protéger la gestion de l’offre n’est pas un motif en soi pour le rejeter ou en retarder la considération. En d’autres mots, contrairement à certains commentaires que j’ai pu entendre, les convictions souverainistes des députés du Bloc québécois ne devraient jouer aucun rôle dans l’examen attentif que nous effectuons dans cette Chambre.

D’ailleurs, les députés du Bloc québécois ne sont pas les premiers à avoir présenté des projets de loi afin de protéger la gestion de l’offre. En fait, la première tentative remonte au 4 novembre 2004, durant la 38e législature, avec le dépôt du projet de loi C-264, intitulé Loi sur la reconnaissance et la promotion de la gestion de l’offre de produits agricoles, qui a été présenté par le député libéral de Kitchener—Conestoga, Lynn Myers. Ce même projet de loi a été repris en 2006, durant la 39e législature, par l’honorable Wayne Easter, député libéral de l’Île-du-Prince-Édouard.

En somme, le projet de loi C-282, comme tous les autres projets de loi d’initiative parlementaire, doit être apprécié en fonction de sa finalité, de son contenu et de ses impacts, et non de la vision constitutionnelle de son auteur.

Par ailleurs, il est impératif que nous assumions, en tant que sénateurs, notre responsabilité constitutionnelle d’examen attentif des projets de loi, et ce, pour ceux qui, comme moi, soutiennent le rôle actuel du Sénat, indépendamment des partis politiques et des élus. Cela est particulièrement vrai pour les projets de loi rédigés par des députés qui n’ont pu bénéficier de l’expertise de la fonction publique, d’une rédaction effectuée par des légistes du ministère de la Justice et d’une analyse menée par des ministères, le Bureau du Conseil privé et le Cabinet. Sur ce point, je suis d’accord avec les commentaires du sénateur Woo. Pour ce genre de projet de loi, le Sénat ne doit pas hésiter à proposer des amendements qui visent à corriger sincèrement des erreurs matérielles, à dissiper des ambiguïtés réelles ou à vraiment améliorer l’atteinte de l’objectif du projet de loi. Les membres de l’autre endroit doivent comprendre et respecter ce rôle.

Deuxièmement, je tiens compte de l’étendue de l’appui qu’a obtenu ce projet de loi à l’autre endroit. Je rappelle que les députés du Bloc québécois ne représentent qu’une petite partie des sièges à la Chambre des communes, plus exactement 33 sur 337, soit à peine 10 %. Par conséquent, aucun projet de loi présenté par l’un d’eux ne peut arriver au Sénat sans recevoir l’appui d’au moins 136 autres députés. Le projet de loi C-282 a, de fait, reçu à l’étape de la troisième lecture l’appui de 262 des 313 députés qui ont participé au vote, y compris les leaders du Parti libéral du Canada, du Parti conservateur du Canada, du Nouveau Parti démocratique et du Parti vert.

(2150)

Le fait que le projet de loi ait obtenu un si vaste appui montre qu’il est perçu comme étant dans l’intérêt de l’ensemble du pays. Je tiens compte aussi du fait que le projet de loi avait et a toujours le soutien du Cabinet.

Dans une lettre envoyée le 4 octobre dernier à tous les membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international et à tous les leaders des groupes au Sénat, la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, l’honorable Mary Ng, écrivait que ce projet de loi « a fait l’objet d’un examen rigoureux et d’un débat au Cabinet ».

Je note aussi que, le 20 novembre dernier, le premier ministre a déclaré ce qui suit à l’autre endroit :

La réalité, c’est que le Sénat est en train de faire son travail, est en train de regarder le projet de loi. Nous n’accepterons aucun projet de loi qui minimise ou qui abolit l’obligation de la Chambre de protéger la gestion de l’offre dans tout accord commercial à venir. Nous sommes sans équivoque là-dessus. Quel que soit le travail du Sénat, la volonté de la Chambre est claire.

Le premier ministre continuait ainsi :

Monsieur le Président, j’ai souvent rencontré des sénateurs et je vais continuer d’en rencontrer. Sur cet enjeu-là, je veux être absolument sans équivoque et très clair : nous allons toujours protéger la gestion de l’offre, quelle que soit l’opinion des augustes sénateurs.

Enfin, je prends acte d’une lettre datée du 26 novembre dernier qui nous a été envoyée à tous et qui était signée conjointement par des ministres et des députés de tous les partis reconnus à la Chambre des communes, sauf le Parti conservateur du Canada, qui réaffirmait la nécessité d’adopter ce projet de loi dans sa version originale.

[Traduction]

Troisièmement, je voterai contre ce rapport parce que son adoption enverra le message que le Parlement est fortement divisé sur la nécessité de protéger notre système de gestion de l’offre.

Autrement dit, l’adoption de ce rapport signalera aux négociateurs des États-Unis et d’autres pays comme le Royaume-Uni et les pays de l’Union européenne que le Parlement canadien n’est pas résolu à protéger son système de gestion de l’offre et pourrait leur permettre de réclamer avec succès de nouvelles concessions concernant l’accès au marché canadien pour leurs produits laitiers, leurs œufs, leur poulet et leur dinde.

En réalité, si ce rapport est adopté, notre pays et nos négociateurs compétents se trouveront dans une position plus faible que si aucun projet de loi n’avait été présenté à la Chambre des communes.

Quatrièmement, je voterai contre le rapport parce que je pense qu’il est légitime pour un pays — je dirais même que c’est le devoir de chaque pays — d’adopter des mesures qui protègent autant que possible sa capacité à produire localement des aliments pour ses citoyens au lieu de devenir de plus en plus dépendant de sources étrangères.

Comme l’a déclaré l’Union nationale des fermiers, la souveraineté alimentaire est une question d’importance nationale. En refusant d’ouvrir davantage son marché aux produits laitiers, aux œufs, au poulet et à la dinde, le Canada protège sa capacité à produire des sources de protéines de haute qualité sur son territoire pour nourrir les Canadiens au lieu de dépendre des chaînes d’approvisionnement étrangères. Comme nous l’avons vu pendant la pandémie, il n’est pas souhaitable de dépendre des importations pour les produits vitaux.

Comme vous le savez, à la suite de la négociation des derniers accords commerciaux, environ 18 % des produits laitiers et 11 % des poulets sont maintenant importés. Il ne faut pas se leurrer, s’il y a de nouvelles concessions, c’est tout le système de la gestion de l’offre des produits laitiers qui risque sérieusement de s’effondrer. Nous perdrions alors un secteur important pour notre sécurité alimentaire.

Passons maintenant à la cinquième raison pour laquelle je vais voter contre le rapport. D’un point de vue juridique, je ne vois aucune différence entre l’adoption d’un projet de loi distinct prévoyant que le gouvernement du Canada ne doit pas accorder davantage l’accès aux produits laitiers, aux œufs, au poulet et à la dinde et la modification de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, comme le propose ce projet de loi. Le but est exactement le même : protéger les sources canadiennes de nourriture et, par conséquent, conserver un degré plus élevé de souveraineté alimentaire. Nous devons restreindre davantage l’accès étranger au marché canadien pour ces produits — les produits laitiers, les œufs, le poulet et la dinde. C’est ce que propose le projet de loi C-282.

Soit dit en passant, cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas améliorer le fonctionnement du système de gestion de l’offre à l’intérieur de nos frontières. J’ai été stupéfait de voir les énormes quantités de lait qu’on jette chaque année. Je suis également préoccupé par les restrictions qui empêchent l’innovation. Toutefois, ces questions doivent être traitées par des améliorations au système de gestion de l’offre à l’intérieur de nos frontières. Ce n’est pas en ouvrant davantage nos frontières aux produits étrangers qu’on résoudra ces problèmes. Par contre, nous pourrions ainsi mettre en péril notre autonomie alimentaire.

[Français]

Sixièmement, je voterai contre le rapport, compte tenu du fait que mon rôle constitutionnel est d’abord de représenter ma province dans le cadre de l’étude de la législation fédérale. Je ne peux voter sans tenir compte de la perspective québécoise lorsqu’elle fait l’objet d’un large consensus respectueux de la Charte des droits et libertés et de notre Constitution.

Les productions sous gestion de l’offre représentent 35 % des recettes de l’agriculture québécoise. Le plus grand regroupement agricole au Québec, l’Union des producteurs agricoles (UPA), dont j’ai rencontré le président tout récemment, insiste pour que le projet de loi soit adopté sans amendement. Il en va de même de divers représentants d’entreprises de transformation qui achètent les produits sous gestion de l’offre et qui m’ont parlé de la sécurité de l’approvisionnement en produits de qualité que leur assure la gestion de l’offre, de même que la prévisibilité des prix.

Je note aussi que le gouvernement du Québec considère la gestion de l’offre comme un pilier de l’économie agricole québécoise et de la vitalité rurale de la province. Les gouvernements québécois successifs ont souligné la nécessité de protéger la gestion de l’offre des pressions extérieures, en particulier lors des négociations commerciales.

Je prends aussi bon acte du fait que l’Assemblée nationale a adopté pas moins de six résolutions en faveur de la protection de la gestion de l’offre dans le cadre de négociations commerciales internationales. Permettez-moi de vous citer celle du 10 mars 2021, qui a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, où il existe plusieurs partis politiques qui n’ont pas les mêmes programmes :

Que l’Assemblée nationale rappelle le rôle crucial du secteur agricole dans l’économie du Québec et dans le développement de ses régions;

Qu’elle souligne qu’elle est favorable à la protection de la gestion de l’offre pour les producteurs d’œufs, de lait et de volailles;

Qu’elle demande au gouvernement du Canada de protéger intégralement le modèle de gestion de l’offre dans le cadre des accords internationaux à venir.

Enfin, je prends note que, selon un sondage Abacus réalisé en novembre 2023, 92 % des Québécoises et Québécois sont d’avis qu’il s’agit d’une très bonne chose ou d’une bonne chose d’avoir de la production locale provenant des fermiers qui travaillent dans le cadre de la gestion de l’offre.

En fait, le seul leader politique québécois qui est opposé à la protection de la gestion de l’offre est Maxime Bernier, du Parti populaire du Canada.

(2200)

[Traduction]

Pour moi, qui suis sénateur du Québec, le choix est facile. Je voterai contre le rapport. Chers collègues, je vous invite à faire le même exercice en ce qui concerne la province ou le territoire que vous représentez. Par exemple, l’Ontario est le deuxième plus grand bénéficiaire de la gestion de l’offre. En effet, selon Statistique Canada, 22 % du revenu total de tout le secteur agricole de l’Ontario a été généré par le système de gestion de l’offre en 2023.

Dans les provinces atlantiques, selon Statistique Canada, les revenus provenant des produits soumis à la gestion de l’offre représentent 76 % des revenus totaux du secteur agricole à Terre-Neuve-et-Labrador, 52 % en Nouvelle-Écosse, 25 % au Nouveau-Brunswick et 16 % dans l’Île-du-Prince-Édouard. Dans ces provinces, la gestion de l’offre est considérée comme essentielle pour la survie des fermes familiales à petite échelle. Le système garantit que ces agriculteurs reçoivent une rémunération équitable et que les consommateurs de la province reçoivent des aliments de haute qualité lorsqu’ils achètent des produits locaux. Protéger ces agriculteurs et ces consommateurs des pressions exercées par les produits importés favorise la résilience économique locale.

En 2023, en Colombie-Britannique, toujours selon Statistique Canada, 34 % des recettes agricoles ont été tirées de la vente de produits soumis à la gestion de l’offre. La gestion de l’offre garantit qu’une grande partie des agriculteurs britanno-colombiens reçoivent une juste rémunération pour leurs produits et continuent à produire des produits laitiers, des œufs, du poulet et du dindon.

De plus, la gestion de l’offre s’harmonise parfaitement avec les impératifs écologiques de notre époque, en favorisant des chaînes d’approvisionnement plus courtes.

Soit dit en passant, le même sondage d’Abacus dont j’ai parlé plus tôt montre que 94 % des Canadiens considèrent également que c’est une bonne chose que les aliments soient produits par des agriculteurs dans le cadre du système de gestion de l’offre du Canada. C’est un pourcentage encore plus élevé qu’au Québec, où le taux d’approbation est de 92 %.

En conclusion, je terminerai comme j’ai commencé : en affirmant, comme je l’ai fait au début de mon intervention, la nécessité de maintenir le respect et l’indépendance des sénateurs. Le moment est venu de voter sur ce rapport, et reconnaissons notre liberté de voter de la manière que nous jugeons la meilleure pour notre province, notre territoire ou notre région.

Merci beaucoup. Meegwetch.

[Français]

Son Honneur la Présidente : La sénatrice Miville-Dechêne a une question. Acceptez-vous de répondre à une question, monsieur le sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond : Oui, je répondrai à quelques brèves questions et je donnerai peut-être quelques brèves réponses.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Vous avez essayé, pendant toute votre allocution, de nous faire croire que ceux qui sont contre le projet de loi ou ceux qui ont des réserves sont contre la gestion de l’offre. Or, vous le savez très bien : ce sont deux choses différentes.

On peut souscrire à un système de gestion de l’offre, mais ne pas trouver que ce projet de loi est le meilleur outil pour protéger la gestion de l’offre, étant donné les risques qui viennent avec. Il me semble que votre argumentaire a une certaine faiblesse.

Deuxièmement, vous avez fait référence à des résolutions de 2021 qui protègent la gestion de l’offre, alors que le projet de loi n’était pas en jeu. Il y a eu des projets de loi, alors tout cela fait partie de l’histoire.

Bien sûr, la gestion de l’offre est un système que l’immense majorité au Québec — y compris moi — aime, parce qu’il comporte toutes sortes d’avantages, mais vous parlez de tous ceux qui sont pour la gestion de l’offre. Le gouvernement du Québec ne s’est pas prononcé sur le projet de loi C-282, si je ne m’abuse. En fait, je ne l’ai pas entendu se prononcer. Donc, on ne peut pas parler d’unanimité au Québec. Il y a différentes opinions et vous avez parfaitement le droit aux vôtres, mais je ne crois pas que vous pouviez prétendre que ceux qui ne sont pas en faveur de ce projet de loi sont contre la gestion de l’offre.

Le sénateur Dalphond : Merci de la question et des commentaires.

La gestion de l’offre repose sur trois éléments : le premier est le contrôle de la production, qui évite des surplus qui feront tomber les prix, le deuxième est la fixation des prix et le troisième est le contrôle des importations.

Le contrôle des importations est la clé du système de gestion de l’offre. Si vous perdez le contrôle de l’importation, c’est la fin du système. Ce projet de loi s’attaque à une chose : des concessions additionnelles en matière d’importation. Il protège le troisième élément qui compose le système de la gestion de l’offre. Sans ce troisième élément, il n’y a plus de gestion de l’offre; ne nous berçons pas d’illusions. Tous ceux qui sont pour le maintien du système de gestion de l’offre doivent logiquement dire qu’ils sont pour le maintien des limites à l’importation, parce que sans cela on va détruire la gestion de l’offre, notre autonomie alimentaire et notre souveraineté alimentaire.

Une proportion de 18 % de la production du marché des produits laitiers au Canada est maintenant ouverte aux marchés externes. On sait très bien qu’il y a des surplus de lait en quantité phénoménale aux États-Unis. Des millions de litres de lait — de gallons, comme ils les appellent — sont détruits aux États-Unis. Le Wisconsin a un excès de production de lait, alors ils veulent avoir accès au marché canadien pour l’envoyer ici.

À partir de quel moment notre système est-il affaibli au point de s’écraser? On en est là. Tous les fermiers et toutes les organisations que j’ai rencontrés disent que, à 18 %, c’est critique. Si vous ouvrez encore plus les frontières, c’est la fin du système. On ne peut pas dire qu’on est en faveur du système de gestion de l’offre, mais qu’il faut ouvrir les frontières. C’est incompatible. On en est rendu à ce point. La dernière fois qu’on a ouvert les frontières, on a payé des compensations à coup de milliards de dollars aux secteurs laitiers et à d’autres. Il faut tracer une ligne et cette loi le fait : plus de concessions en matière d’importations.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une sous-question à poser. Quand même, depuis les dernières négociations portant sur le libre-échange — j’ai participé à une réunion d’information avec Chrystia Freeland pour la dernière négociation —, les négociateurs ont tout fait pour conserver le maximum de cette gestion de l’offre. Vous avez raison : il y a eu des concessions pour lesquelles il y a eu des compensations. On n’est pas à 100 %, mais à 82 % du marché. Ce n’est pas la fin de la gestion de l’offre.

On peut décider que c’est terrible. Je sais que c’est dramatique pour les producteurs de lait de vivre avec ce manque d’assurance. C’est le cas pour beaucoup d’autres cultivateurs et beaucoup d’autres agriculteurs. Le Canada est fait de plusieurs productions agricoles et de plusieurs productions de céréales et autres. Il me semble que la gestion de l’offre est essentielle, mais elle existe dans un cadre canadien où ce n’est pas le seul lobby qui existe. Je crois qu’il est très important d’essayer de trouver un équilibre. Or, je pense qu’on ne peut pas faire cette équation en disant que ce projet de loi est la seule façon de protéger la gestion de l’offre, parce que vous avez à la table des négociateurs qui ont le mandat de protéger la gestion de l’offre et qui font tout ce qu’ils peuvent. Si tout cela éclate à cause de différents facteurs politiques, nous ne serons pas plus avancés, comme vous le savez.

Le sénateur Dalphond : Je ne sais pas si vous aviez une question ou si vous faisiez plutôt des commentaires, mais je peux vous répondre une chose. La Chambre des communes a adopté plusieurs résolutions qui demandaient aux négociateurs de ne pas faire de concessions. Malgré les résolutions adoptées à l’unanimité à la Chambre des communes, des concessions ont été faites. Cette fois, on est allé une étape plus loin et on a adopté une loi pour éviter que les motions adoptées à la Chambre des communes ne soient considérées que comme des vœux pieux. Donc oui, on trace une ligne dans le sable et cette question de l’accès aux marchés dans ces quatre secteurs ne sera pas sur la table. Il faudra parler d’autres choses.

La semaine dernière, le président de la Fédération canadienne de l’agriculture disait beaucoup regretter que certains groupes au sein de la fédération, notamment certaines associations de producteurs de bœuf, soient contre le projet de loi, mais il a affirmé que la fédération dans son ensemble était toujours derrière le projet de loi.

(2210)

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je serai bref. Je n’avais pas l’intention de participer à ce débat, mais je vais le faire brièvement. Je dois dire que je me retrouve dans une situation inhabituelle : je suis d’accord avec le sénateur Dalphond. Je voterai contre le rapport et les amendements.

Je tiens à souligner ce qui suit : je sais que la gestion de l’offre pose de nombreuses difficultés. Ce système est loin d’être parfait, mais c’est de loin le seul système dont nous disposons qui assure la sécurité alimentaire de notre pays. Il a soutenu une industrie qui doit faire face à une vive concurrence de la part d’un secteur agricole américain fortement subventionné. Nous ne pouvons pas l’oublier. Les Européens subventionnent leur industrie agricole de manière disproportionnée. Les Américains le font également. Je pense que, au Canada, nous avons adopté une approche différente depuis de nombreuses années. Oui, il y a certains problèmes du point de vue des intérêts des consommateurs. En même temps, je pense qu’un équilibre a été atteint.

Pourquoi ai-je ressenti le besoin de dire quelques mots? C’est à la suite des questions soulevées par la sénatrice Miville-Dechêne. Je pense que nous devons être très prudents. À plusieurs reprises, les Américains ont essayé d’affaiblir la gestion de l’offre. Ils en ont fait un point de discorde dans un grand nombre de négociations.

La renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique approche à grands pas. Nous allons en amorcer l’examen avec un premier ministre qui, à l’heure actuelle, est en position précaire par rapport à un président en position de force qui est également un négociateur fort habile. Les Américains et lui cherchent toutes les occasions de trouver une faille dans le camp canadien. Nous savons tous qu’on se livre à des manœuvres politiques par rapport au projet de loi C-282, mais en fin de compte, si nous montrons aux Américains avant même de commencer les négociations que nous sommes disposés à plier l’échine, qu’ils peuvent exploiter cette faille parce que le Parlement n’appuie pas de façon homogène et à l’unanimité une défense solide du secteur agricole canadien dès le début des négociations, alors nos chances de réussite sont nulles avant même d’arriver à la table des négociations. Il faut toujours négocier à partir d’une position forte, et non d’une position faible.

Je crois que nous ne rendons pas service à ceux qui vont examiner l’Accord Canada—États-Unis—Mexique l’an prochain. Dans le passé, le Canada a amplement montré sa capacité à négocier face aux meilleurs négociateurs américains, mais jamais nous n’avons montré dès le début des négociations la division du Parlement à l’égard de ce dossier. Voilà ce qui se produit. La Chambre n’était pas divisée parce que les députés comprennent la complexité politique. Le Sénat est divisé parce que, en tout respect, nous ne nous conformons pas à la complexité politique et nous ne la comprenons pas.

Je voulais simplement exprimer ce point de vue. Voilà pourquoi je voterai contre ces amendements. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente : Nous venons de nous rendre compte que le sénateur Housakos avait proposé l’ajournement du débat sur ce rapport.

Vous aviez perdu le droit de débattre et je tenais à le signaler. Cependant, je m’en suis rendu compte un peu trop tard.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, vous allez devoir interrompre le sénateur Housakos sur un autre point, car vous l’avez autorisé à parler. Il est toujours plus facile de demander pardon que de demander la permission.

Honorables sénateurs, j’ai enfin l’occasion de prendre la parole sur ce projet de loi. On m’a accusé de retarder son adoption. Tout Ottawa pense que Don Plett retarde la démocratie, et j’ai attendu très longtemps. Enfin, le sénateur Dalphond a prononcé son discours, ce qui me permet maintenant d’ajouter mes observations au compte rendu. J’espère que M. Perron, à l’autre endroit, écoute mon discours ce soir et qu’il réalise que je suis intervenu à la première occasion qui s’est présentée sur ce projet de loi. Il s’agit réellement de ma première occasion.

Je tiens à féliciter le sénateur Dalphond. Le sénateur Housakos dit qu’il n’est pas souvent sur la même longueur d’onde que le sénateur Dalphond. Je félicite le sénateur Dalphond. Je suis le chef d’un caucus, et le sénateur Dalphond est le chef d’un caucus dans lequel un sénateur, qui est assis juste à côté de lui, a proposé un amendement qui, de toute évidence, crée beaucoup de problèmes pour ce projet de loi. De plus, tout juste derrière le sénateur Dalphond se trouve la marraine du projet de loi. Le sénateur Dalphond a une dizaine de sénateurs qui sourient et qui aiment son leadership. Sénateur Dalphond, nous devons nous rencontrer pour que vous me montriez comment vous faites. Vous faites un excellent travail, sénateur Dalphond, pour maintenir l’unité de votre groupe.

Honorables collègues, je tiens à intervenir dans ce débat. Je serai bref également.

Tout d’abord, j’aimerais faire une mise en contexte au sujet du travail effectué au comité lors de l’étude article par article. Normalement, je n’assiste pas aux réunions du Comité des affaires étrangères et du commerce international, mais je l’ai fait le 6 novembre pour l’étude article par article. J’admets ne pas avoir assisté au débat. J’ai des opinions sur ces questions. J’ai certainement mon opinion sur la gestion de l’offre. J’ai déjà dit que je ne pense pas qu’il s’agisse d’un projet de loi sur la gestion de l’offre. Il s’agit d’un projet de loi sur le commerce international. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas assisté aux réunions du comité, sauf lors de l’étude article par article, pendant laquelle j’ai assisté pour la première et unique fois à une réunion sur le projet de loi C-282.

En toute honnêteté, j’y suis allé simplement en tant que membre d’office du comité, puisque je suis le leader de l’opposition au Sénat. Évidemment, le leader du gouvernement au Sénat était aussi présent en tant que membre d’office, et rappelons qu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire.

Le projet de loi C-282 n’est pas un projet de loi d’initiative ministérielle. Si c’était le cas, je me serais assurément attendu à ce que le leader du gouvernement soit présent au comité pour appuyer le projet de loi et voter en sa faveur, mais ce n’est pas le cas. À ce moment-là, je ne pensais pas que le sénateur Gold devait utiliser son droit de vote en tant que membre d’office à l’égard de ce projet de loi. En toute honnêteté, le sénateur Gold m’a toujours informé de sa présence, me donnant ainsi l’occasion de m’y rendre également, de sorte qu’il ne m’a jamais pris par surprise. Je tiens à ce que cela soit bien clair.

Dans sa décision sur le droit du sénateur Gold à imposer la fixation de délai, le président de l’époque, le sénateur Furey, a déclaré que le sénateur Gold était le leader du parti gouvernemental au Sénat. Telle a été la décision qu’a prise le président Furey lorsque nous avons contesté le fait que le sénateur Gold puisse imposer la fixation de délai.

Voilà pourquoi il doit être considéré comme le leader d’un parti reconnu — comme l’a dit le président Furey —, ce qui a ouvert la porte à la fixation de délai. S’il est le leader d’un parti reconnu, ce parti est le parti du gouvernement qui, bien sûr, est le Parti libéral du Canada en ce moment.

Le projet de loi C-282 a été présenté à la Chambre par un député du Bloc québécois, même pas par un député du Parti libéral. Le sénateur Gold aurait pu faire valoir qu’en tant que leader du gouvernement libéral au Sénat, il a le devoir de représenter les intérêts du Parti libéral et de ses députés en votant au comité, mais le projet de loi C-282 a été présenté par le Bloc québécois. Le vote à la Chambre sur cette mesure n’a même pas été soumis à la discipline de parti. Les députés libéraux étaient libres de voter selon leur conscience, et certains ont voté contre le projet de loi.

Que le sénateur Gold veuille nous informer de la position du gouvernement sur un projet de loi est une chose. Il n’y a rien de mal à cela. Le sénateur a voté il y a à peine une demi-heure sur un projet de loi d’initiative parlementaire, et il a voté comme moi, ce qui est en soi un miracle. Cependant, c’est une tout autre chose pour lui d’utiliser ses droits en tant que membre d’office du comité pour se prononcer sur le projet de loi C-282. Je ne crois pas que c’était approprié. Bien sûr, en vertu du Règlement du Sénat, le sénateur Gold peut assister à toute réunion de comité et voter en tant que membre d’office, mais il vote rarement, voire jamais, en comité sur les projets de loi d’initiative parlementaire ou les projets de loi d’intérêt public du Sénat. C’est pourquoi j’ai estimé devoir contrebalancer le vote du sénateur Gold à la séance du comité, pour faire valoir que sa décision de voter sur le projet de loi C-282 n’était pas conforme à ce qu’il avait fait par le passé et ne correspondait pas, selon moi, à ce qu’il devait faire.

(2220)

Quoi qu’il en soit, que le sénateur Gold ait voté sur l’amendement n’a eu aucun effet sur le résultat du vote. Je crois que c’était 10 voix contre 3; je suppose donc que cela aurait été 9 voix contre 3. Oh, non, j’ai voté moi aussi. Donc, mon vote aurait été soustrait lui aussi, et le résultat aurait été 9 voix contre 2. Je suis plombier, pas mathématicien.

Le deuxième point que je voudrais faire valoir, c’est que, que l’on appuie l’amendement ou non, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a joué précisément le rôle du Sénat qui consiste à étudier des amendements aux mesures législatives pour améliorer ou approuver les projets de loi. Comme je l’ai dit par le passé, le Sénat outrepasse ses prérogatives quand les sénateurs présentent de nouveau des amendements que la Chambre des communes a déjà examinés et rejetés. C’est ce que nous avons vu au cours des dernières semaines avec le projet de loi C-275 et le projet de loi C-280.

Bien sûr, certains font valoir que l’amendement au projet de loi C-280 n’a pas été présenté en fin de compte, mais il a été examiné, et nous le savons tous, il a été rejeté. Dans le cas du projet de loi C-275, l’amendement a été retenu, mais je crois que la Chambre l’avait rejeté à au moins à deux reprises, alors nous devrions accepter sa décision en pareil cas.

Soyons clairs : les amendements du comité aux projets de loi C-275 et C-280 auraient dû être rejetés par le Sénat, car ils avaient déjà été examinés et rejetés par la Chambre.

En ce qui concerne le projet de loi C-282, l’amendement n’avait pas été étudié auparavant. Lorsque j’ai pris la parole sur le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, le 11 avril, j’ai clairement indiqué que je soutenais pleinement le système de gestion de l’offre canadien, mais le projet de loi C-282 n’est pas un projet de loi sur l’avenir du système de gestion de l’offre. La sénatrice Miville-Dechêne, je crois, l’a souligné. Il s’agit d’un projet de loi sur le commerce, purement et simplement.

À la fin de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’avais exhorté les membres du comité à :

[...] soumettre [le projet de loi] à un examen objectif sérieux, car, bien qu’il découle de bonnes intentions, je crains qu’il ne produise pas les résultats souhaités par son parrain.

Les membres du comité ont bien étudié le projet de loi et ils se sont d’ailleurs rendu compte qu’il entraînerait des conséquences néfastes.

À mon humble avis, les choses ont considérablement changé depuis le 21 juin 2023, date à laquelle le projet de loi C-282 a été mis aux voix à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes. Nous avons désormais l’avantage de savoir qui sera à la Maison-Blanche lorsque l’Accord Canada—États-Unis—Mexique sera renégocié et nous avons une très bonne idée de ce que nos partenaires commerciaux penseront du projet de loi C-282, s’il est adopté sans amendement.

Les Américains nous ont très clairement fait savoir qu’en adoptant le projet de loi C-282, le Canada enverrait un très mauvais signal. En fait, on pourrait soutenir que l’adoption du projet de loi C-282 nuirait au système de gestion de l’offre, ce qui va carrément à l’encontre de l’objectif de ce projet de loi. C’est ce à quoi je penserai lorsque je voterai sur le rapport du comité.

Tandis que nous nous lançons dans la difficile renégociation d’un accord commercial avec notre principal partenaire commercial, le projet de loi C-282, dans sa forme initiale, serait-il bon pour le Canada? Je pose la question plus directement: le projet de loi C-282, dans sa forme originale, est-il bon ou mauvais pour le système de gestion de l’offre?

Le 20 janvier, il y aura un nouveau président des États-Unis. Dans quelques mois, chers collègues, Pierre Poilievre sera au pouvoir au Canada, quoi que vous en pensiez et que vous l’aimiez ou non.

On peut prévoir que Pierre Poilievre sera au pouvoir d’ici six mois avec presque autant de certitude qu’on peut prévoir que Donald Trump deviendra président des États-Unis d’Amérique. M. Trump a déjà été élu; donc à moins que quelqu’un ne lui tire dessus d’ici là, il sera président.

Je suis désolé si c’était antiparlementaire, sénateur Gold.

Pierre Poilievre fera face au gouvernement des États-Unis dans le cadre de l’examen de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Je suis absolument convaincu qu’il sera en mesure d’obtenir le meilleur accord possible pour le Canada. Je suis absolument convaincu que — comme il l’a dit récemment — il combattra le feu par le feu au cours de ces négociations. Je suis absolument convaincu que le premier ministre Pierre Poilievre défendra notre secteur agricole et notre système de gestion de l’offre.

Justin Trudeau a commis une énorme erreur tactique quand l’Accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, a été renégocié. Comme il le fait toujours en matière d’affaires étrangères, il a décidé de profiter de l’occasion pour plaire à son électorat. Il a proposé à Donald Trump un nouvel accord assorti de toutes sortes de belles idées de la gauche sur les questions autochtones, syndicales, environnementales et LGBTQ. Il est arrivé avec toutes les jolies propositions qu’il a pu trouver.

Bien sûr, les Américains ont rapidement jeté cela à la poubelle, et le Canada a dû essayer de sauver les meubles à la dernière minute, signant essentiellement un accord qui avait été négocié entre le Mexique et les États-Unis. Trudeau a fait des concessions sur les produits laitiers, même s’il avait promis de ne pas le faire.

Justin Trudeau est un idéologue. Donald Trump est un président qui conclut des transactions. Nous avons besoin d’un premier ministre qui peut négocier avec les États-Unis, et non leur faire la leçon. Nous avons besoin d’un premier ministre dont l’objectif est d’obtenir le meilleur accord pour le Canada, et non un accord qui sera louangé par des universitaires de gauche aux États-Unis.

Heureusement, Pierre Poilievre sera là quand viendra le temps de s’asseoir à la table des négociations.

Chers collègues, je viens d’une région agricole, c’est donc dire que lorsque je ne suis pas ici, je m’occupe presque quotidiennement de dossiers touchant à l’agriculture et à l’industrie agricole. Je vais à l’église le dimanche matin, et j’aperçois d’un côté un producteur laitier — l’un des plus grands producteurs laitiers de tout l’Ouest canadien. De l’autre côté, il y a un producteur de dindes. Plus loin, il y a un producteur de céréales, un éleveur de bovins et un éleveur de porcs. Tous les secteurs agricoles sont représentés dans ma collectivité et dans le Sud-Est du Manitoba.

Les producteurs laitiers et les producteurs de poulet disent que nous avons besoin de la gestion de l’offre. Les producteurs de porc disent que nous avons besoin d’un marché libre et que nous n’avons pas besoin de la gestion de l’offre. J’ai des amis des deux côtés.

Chers collègues, je me range du côté de mes amis. Ils ne viennent pas me voir le dimanche matin pour me dire : « Pourquoi ne nous avez-vous pas soutenus? » Ils savent que nous faisons de notre mieux pour le pays.

Les gens soumis à la gestion de l’offre comprennent qu’ils ne peuvent pas avoir tout ce qu’ils veulent. Les producteurs de porcs comprennent que nous devons protéger une partie de nos acquis, et nous avons fait un excellent travail à ce chapitre. Nous avons fait un excellent travail avec les gouvernements libéraux précédents. J’ai critiqué le gouvernement libéral actuel parce que je ne lui trouve pas grand-chose de bon.

Tout à l’heure, nous avons parlé du premier ministre libéral qui a précédé celui-ci. Quand je me couche le soir, je rêve que Jean Chrétien est le premier ministre actuel au lieu de celui que nous avons en ce moment.

Nous avons déjà débattu de ces questions. Nous avons appuyé la gestion de l’offre et nous continuons de l’appuyer.

Le sénateur Dalphond nous a mis au défi de nous adresser à nos provinces et de parler en leur nom. Je parle au nom de ma province quand je dis que nous ne pouvons pas menotter un premier ministre. Nous ne pouvons pas envoyer quelqu’un qui a les mains liées à la table des négociations.

(2230)

Comme je ne suis pas très bon au poker, il est possible que je ne bluffe pas assez bien en ce moment. Toutefois, je ne sais vraiment pas si je dois voter pour ou contre ce projet de loi, car je trouve des points positifs aux deux opinions. Vraiment.

Plus tôt aujourd’hui, on a laissé entendre que c’est peut-être parce que j’ai élevé la voix et que j’ai un peu trop insisté que certains sénateurs n’ont pas voulu suivre mon avis et voter comme je l’avais suggéré. Pendant six ans et demi, mon tempérament et le ton de ma voix l’ont incité à voter d’une certaine façon. Je vais donc le berner, comme tous les autres sénateurs. Je ne vais révéler à personne comment je vais voter. Vous allez vous retrouver devant un dilemme.

N’ayez pas l’air aussi triste, sénateur Gold. Souriez un peu. S’il vous plaît. Il est 22 h 30. Je vais très bientôt proposer l’ajournement du Sénat, et vous pourrez aller vous coucher, mais pour l’instant, je vais continuer de parler.

Chers collègues, je ne vais pas recommander que vous votiez pour ou contre le rapport de ce comité.

À l’autre endroit, les députés de mon caucus ont voté à 56 voix contre 49 en faveur de ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Le vote des députés de mon caucus va encore être divisé la prochaine fois. Je vais moi aussi voter pour ou contre le moment venu. Ici, les membres de notre caucus sont libres de voter comme bon leur semble. Je vais voter comme bon me semble. Ce vote, comme tous les autres votes au Sénat et au sein de notre caucus, n’est pas soumis à la discipline de parti, car nous sommes vraiment indépendants.

Merci beaucoup, chers collègues.

L’honorable Hassan Yussuff : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : J’en serais absolument ravi, sénateur Yussuff.

Le sénateur Yussuff : Il se fait tard, mais tant qu’on s’amuse, aussi bien en profiter.

J’essayais de suivre la logique dans votre discours, et je dois admettre en toute honnêteté que vous m’avez égaré en cours de route. J’aimerais revenir sur certaines choses que vous avez dites au sujet de la renégociation de l’ALENA, qui est devenu l’Accord Canada—États-Unis— Mexique.

J’ai participé à ce processus. À ce moment-là, j’ai trouvé incroyable que tout le monde au pays fasse front commun, y compris les premiers ministres des provinces, le milieu des affaires, le mouvement syndical, le gouvernement fédéral ainsi que l’opposition à la Chambre des communes. On ne voyait au Canada aucune division par rapport aux enjeux qui touchaient le pays, notamment les travailleurs, le secteur agricole et le secteur industriel de l’ensemble du pays.

Corrigez-moi si je me trompe — et les gens pourront vérifier ce qui a été dit à la suite des négociations —, mais je crois que presque tous les journaux et tous les secteurs de la société ont trouvé les résultats remarquables, étant donné que nous avions affaire à un président qui se disait essentiellement prêt à déchirer l’accord. Nous avons réussi à renégocier l’accord pour améliorer les choses, ce que les gens ne croyaient pas possible.

D’après ce que je comprends des négociations, il s’agit d’une voie à double sens. Ce n’est pas une voie à sens unique. Je n’arrive pas à comprendre certaines des critiques que vous formulez à l’encontre du dernier accord renégocié, compte tenu du succès que nous avons obtenu en tant que pays, et pas seulement de mon point de vue en tant que représentant des travailleurs et de membre du comité de l’ALENA, ou encore, en passant, parce que j’ai travaillé avec certains de vos collègues que je considère comme de bons amis, comme Rona Ambrose, M. Moore et un certain nombre d’autres personnes qui ont participé au processus.

Je reconnais que, lorsque le président désigné Donald Trump entrera en fonction, il rouvrira de nouveau l’accord et nous participerons au processus.

La question fondamentale que je souhaite vous poser est la suivante : j’ignore de quel échec vous parlez, mais je pense également qu’il est fondamental que nous fassions front commun en tant que pays, à la fois dans cette enceinte et dans l’autre, pour reconnaître le danger, car une grande partie de nos exportations dépendent de la réussite du Canada et de la poursuite de l’accès à ce marché. Je serais honoré de vous entendre m’éclairer sur les critiques formulées à l’encontre du succès du dernier accord.

Le sénateur Plett : Le problème avec les questions qui durent 10 minutes, lorsqu’il est 22 h 30, c’est qu’on finit par oublier sur quoi elle portait au moment d’y répondre.

Sénateur Yussuff, vous avez commencé votre intervention en disant que vous ne m’aviez pas bien compris. On m’a accusé de beaucoup de choses dans ma vie, mais très rarement de ne pas m’avoir compris. En général, j’exprime clairement ce que je veux dire et je ne pense pas avoir été si peu clair cette fois-ci. Néanmoins, je vais essayer de répondre à cette question.

Comme je l’ai dit, je crois que le premier ministre Trudeau a essentiellement signé un accord dont les États-Unis et le Mexique avaient déjà convenu, qu’il est arrivé en retard à la table des négociations et qu’il s’est fait dire de signer le document. À mon avis, le Canada ne s’en est pas très bien tiré.

Pour ce qui est de passer en revue l’ensemble de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, je suis désolé, sénateur Yussuff, mais je ne peux pas le faire dans le temps que nous avons ou celui que vous et moi voulons passer ici. Je dirai simplement que je crois que notre premier ministre est arrivé tard dans les négociations, comme je l’ai affirmé très clairement. Il avait trois, quatre ou cinq points à l’ordre du jour, mais les États-Unis les ont jetés à la poubelle. Nous n’avons pas beaucoup avancé, par exemple, dans le dossier du bois d’œuvre au cours des dernières années. Je préférerais que quelqu’un en position de force se présente aux négociations pour faire valoir la possibilité d’un nouvel accord.

Cela dit, n’oublions pas une chose. Le président élu s’attribue essentiellement le mérite d’avoir négocié le dernier accord. C’est son accord. Je ne sais pas exactement ce qu’il va demander, mais, si nous devons changer des choses comme la gestion de l’offre, cela le fera réfléchir.

Il a menacé d’imposer des tarifs douaniers au Canada. Il nous a clairement fait comprendre que nous devons régler deux aspects. Le premier ministre actuel ne promet pas de s’y attaquer, à part l’achat d’hélicoptères que nous recevrons un moment donné, après que Donald Trump aura quitté ses fonctions.

Le sénateur Housakos : Et un premier ministre qu’il qualifie de gouverneur.

Le sénateur Plett : C’est vrai. Le président élu a demandé deux choses : de mettre un terme à l’immigration illégale aux États-Unis et de mettre un terme à la contrebande transfrontalière de fentanyl, deux choses. Personne n’a pipé mot.

Vous avez dit que les médias ne nous ont pas fait beaucoup de mauvaise publicité. J’espère que vous ne vous en remettez pas à ce que disent les médias de gauche. Les médias de gauche ne critiquent pas assez le premier ministre pour le tour de passe-passe stupide qu’il essaie actuellement de mettre en place avec la TPS. Ne nous en remettons pas au jugement positif ou négatif des médias, car la dernière chose sur laquelle je souhaite compter, c’est l’opinion des médias de gauche au sujet du premier ministre.

Le sénateur Yussuff : Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas qu’on peut qualifier le Globe and Mail de « média de gauche », à moins que vous et moi ne nous méprenions sur son rôle.

En toute honnêteté — et je parle au nom de tous les Canadiens —, je pense que nous avons essentiellement fait un bon travail avec le dernier accord négocié, compte tenu de la situation avec laquelle nous devions composer. Nous n’avons pas demandé de renégociations. C’est le président Donald Trump qui l’a fait.

Nous devions défendre notre accès au marché américain, et nous avons essentiellement accompli un bon travail. Je ne pense pas qu’il mérite d’être critiqué. Nous y sommes parvenus grâce à notre unité nationale, qui nous a permis de parler d’une seule voix et de travailler ensemble à la réalisation d’un objectif plus vaste.

Ne pensez-vous pas que c’est la même approche qui garantira le succès des négociations, quelles qu’elles soient, lorsque le président décidera de s’asseoir à la table des négociations, s’il décide de le faire?

En fait, on a imposé des tarifs douaniers aux industries canadiennes de l’acier et de l’aluminium qui, pourtant, n’avaient jamais eu de pratiques commerciales déloyales par rapport aux États-Unis. Nous n’avons pas subventionné ces industries. Malgré cela, le président des États-Unis leur a imposé des tarifs douaniers. Or, nous nous en sommes servis avec succès. Les industries canadiennes de l’aluminium et de l’acier sont les industries les plus modernes du pays, et elles emploient des milliers d’hommes et femmes partout au Canada.

Je crois parfois que, même si nous devons participer, il est juste de prôner et de soutenir que nous avons mené de bonnes négociations pour le pays. Nous avons réussi. Tous les premiers ministres provinciaux conviendraient que les dernières négociations ont été fructueuses, même si vous n’êtes pas d’accord.

Le sénateur Plett : Je n’ai entendu aucune question, sénateur Yussuff. Vous voulez lancer un débat pour déterminer si les négociations ont été fructueuses. Je dis que non. Vous dites que oui.

Vous avez dit : « Eh bien, ne le croyez-vous pas? » Non, je ne le pense pas. C’est pour cette raison que j’ai dit tout ce que j’ai dit tout à l’heure.

Vous avez dit : « Avec tout le respect que je vous dois. » Je vais dire la même chose, sénateur Yussuff. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que nous avons un premier ministre faible. Je pense qu’il doit être remplacé. Je pense que le président élu n’a pas caché que certaines choses allaient changer. Soit nous changeons, soit nous serons laissés pour compte. Ils sont nos plus grands partenaires commerciaux.

(2240)

Est-ce que nous avons des choses qu’ils veulent? Absolument. Ce n’est pas une voie à sens unique, et le président élu le sait. Nous devons toutefois être en position de force.

Je ne crois pas, sénateur Yussuff, que le premier ministre possède les qualités que vous voyez en lui; personnellement, je ne les vois tout simplement pas. Je préférerais que ce soit Pierre Poilievre qui négocie avec Donald Trump plutôt que la tête en l’air irresponsable qui nous dirige en ce moment. Je suis désolé. J’espère avoir fait le tour de la question.

(Sur la motion de la sénatrice White, le débat est ajourné.)

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson (Nunavut), appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)Que la séance soit maintenant levée.

Votre Honneur, nous avons vu les expressions contrariées des représentants du gouvernement pendant l’examen de ce projet de loi d’initiative parlementaire. Je tiens vraiment à ce que le leader du gouvernement soit en pleine forme demain, lorsque nous examinerons à nouveau les projets de loi du gouvernement.

Dans ce contexte, et par respect pour lui et pour le reste d’entre nous qui avons besoin de nous reposer, je propose que nous rentrions chez nous et que nous revenions demain revigorés et prêts à affronter le monde à nouveau.

Par conséquent, Votre Honneur, je propose :

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(À 22 h 43, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Haut de page